L’économie à la Macron : un bel élan et deux trous noirs

Publié par le 28 Déc, 2017 dans Blog | 0 commentaire

L’économie à la Macron : un bel élan et deux trous noirs

La droite est tétanisée !

Depuis son élection, Emmanuel Macron a fait voter des mesures plutôt libérales que la droite n’avait jamais osé mettre en place. La liste commence à être longue avec les ordonnances qui ont réformé en partie le code du travail, et une fiscalité plus favorable aux investisseurs et aux entreprises. Sans oublier, la reprise en main de l’Education nationale par Jean-Michel Blanquer !

A droite, nous étions nombreux à attendre le chef de l’Etat au virage, sur les aspects sociétaux, en prédisant un net coup de barre à gauche … Mais que ce soit sur le contrôle des chômeurs ou la directive permettant de contrôler les migrants dans les centres d’accueil, on ne peut que constater que le cap semble être tenu, mettant la droite en grand embarras.

Pour s’en convaincre, on peut lire cet article de Christophe Boutin paru dans Causeur :

« Loi sur l’immigration: la vraie droite, c’est Macron »

Bien sûr, j’entends déjà vos critiques ! Il faut attendre les actes et la mise en place effective de ces mesures. Pour en rester dans le domaine économique, Jean-Marc Vittori a publié dans les Echos un article qui salue les avancées et « en même temps » pointe les insuffisances des mesures déjà prises. Il énonce deux écueils : l’ampleur modeste de ces mesures mais surtout l’absence de baisse des dépenses publiques. Voici cet article :

L'économie à la Macron : un bel élan et deux trous noirs

Crédit photo : Pinel pour les Echos

A l’approche de Noël, Emmanuel Macron fête deux anniversaires. Cela fait quarante ans qu’il est né. Et cela fait six mois qu’il a une majorité à l’Assemblée nationale, clef obligée du pouvoir dans la démocratie parlementaire qu’est malgré tout la V ème République. S’il est bien trop tôt pour évaluer l’oeuvre du nouveau chef de l’Etat, il est déjà possible de constater que la direction est la bonne, pour permettre à la France de profiter de la révolution numérique au lieu d’en souffrir.

L’impulsion est même impressionnante. Bien qu’il soit jeune, le président de la République est arrivé au pouvoir avec un programme cohérent reflétant des années de réflexion, contrastant avec le bricolage malavisé de François Hollande, l’agitation attrape-tout de Nicolas Sarkozy ou les promesses contradictoires de Jacques Chirac. Et il s’efforce de le mettre en oeuvre au pas de charge : « Il faut faire ce qu’on a dit et il faut le faire le plus vite possible » a affirmé le président sur France 2. Du coup, tout ce qui s’est passé avant son élection tient déjà de la photo jaunie.

Emmanuel Macron met à profit un vide sidéral sur la scène politique. Ses victoires électorales ont fait éclater le jeu des partis classiques. Six mois plus tard, l’effet de souffle est impressionnant. Jean-Luc Mélenchon déprime, le PS n’a plus de têtes ni même de siège, le FN s’est déchiré. Seul Laurent Wauquiez émerge du côté des Républicains, en choisissant un chemin étroit qui risque de morceler encore plus la droite. Par un étrange effet miroir, le président français a aussi réussi à s’imposer sur une scène internationale où seuls s’affirment ses homologues chinois, Xi Jinping, et russe, Vladimir Poutine, tandis que l’Américain Donald Trump s’isole et les grands leaders européens sont tous affaiblis d’une manière ou d’une autre. Mais c’est en économie que l’ancien ministre de l’Economie donne l’impression du changement le plus spectaculaire. En moins de six mois, il a remanié le droit du travail et la fiscalité. La réforme du Code du travail est passée par ordonnances, comme l’avait annoncé Macron candidat. Elle élargit le champ des accords négociés au sein de l’entreprise, assouplit les règles de certains licenciements et allège le barème des indemnités prud’homales.

La réforme fiscale, elle, a été votée via le budget. Elle fait basculer un peu plus le financement de la protection sociale des cotisations perçues sur les seuls salaires vers l’impôt perçu sur tous les revenus (en l’occurrence la CSG), supprime la taxe d’habitation pour les quatre cinquièmes des foyers qui la payaient, aligne la taxation des revenus du patrimoine sur un taux unique à 30 %. Et supprime l’essentiel de l’impôt sur la fortune en le recentrant sur l’immobilier. Aux yeux du président, ce n’est qu’un début. Son gouvernement attaque la réforme de l’assurance-chômage et de la formation professionnelle. Il prépare aussi une réforme de l’entreprise pour le printemps. Sur l’éducation (devenue le premier problème économique du pays), le logement, l’énergie, il devrait présenter bientôt d’ambitieux projets après de premières annonces.

Le rythme est donc très soutenu. Il faut remonter à Charles de Gaulle pour trouver pareille volonté de moderniser le pays. Cette vitesse peut créer des impatiences : nombre de réformes ont des effets négatifs à court terme puis largement positifs à long terme. Elle peut aussi créer des déséquilibres : une plus grande flexibilité de l’emploi doit par exemple s’accompagner de meilleures protections pour les actifs, qui tardent à venir.

Au delà des difficultés induites par la rapidité, la politique économique d’Emmanuel Macron pose toutefois deux problèmes majeurs.

Le premier est l’ampleur réelle des changements.

Avec les réformes mises en oeuvre, la France n’est pas à la pointe : elle se rapproche plutôt de ses voisins après s’en être trop éloignée (indemnités prud’homales sans plafond, fiscalité sur le capital dépassant parfois 100 %). Et la portée des changements a été surévaluée, par le gouvernement comme par ses adversaires. Le plafonnement des indemnités prud’homales risque d’être contourné par la multiplication des plaintes pour harcèlement et discrimination. Le champ donné à la négociation sociale au niveau de l’entreprise pourrait être rétréci par la mécanique d’extension des conventions collectives, etc.

L’autre problème porte sur la dépense publique.

Angle mort de la campagne du candidat Macron, elle risque de devenir le boulet de son mandat. Or la France a des dépenses publiques inefficaces. Les comparaisons internationales le montrent clairement sur l’éducation, la santé, le logement… Tous les pays qui ont réussi à contrôler la dépense publique l’ont fait après une crise profonde (Canada, Suède, Nouvelle-Zélande) ou une élection remportée sur ce thème (Royaume-Uni). Les outils que la France expérimente depuis un demi-siècle, de la rationalisation des choix budgétaires lancée en 1968 jusqu’à Cap 2022 en passant par la LOLF, la RGPP et la MAP, sont condamnés à l’échec, car il s’agit de processus technocratiques appliqués à des choix qui sont profondément politiques.

Sans vraie méthode, la dépense publique va dériver. Emmanuel Macron pourrait ainsi se priver à la fois des marges de manoeuvre internes qui lui permettraient de changer vraiment le pays et de la crédibilité en Europe qui lui permettrait de vraiment faire avancer la construction communautaire. Comme d’autres avant lui, il risque de gâcher la manne budgétaire d’une reprise en baissant des impôts qu’il faudra fatalement remonter par la suite, faute d’avoir maîtrisé les dépenses. Même avec beaucoup d’élan, on peut toujours tomber dans un trou.

Jean-Marc Vittori pour les Echos.

Merci de tweeter cet article :





Répondre à Anonyme Annuler la réponse.

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *