Présider, c’est aussi « faire » président

Publié par le 20 Oct, 2018 dans Blog | 0 commentaire

Présider, c’est aussi « faire » président

Les Français croient qu’ils sont en République.
Mais dans leur tête, ils sont encore royalistes !

Cette semaine, dans Valeurs actuelles, Denis Tillinac, qui se faisait décidément trop rare dans ce blog, revient avec une chronique pointant les exigences des Français en terme de comportement attendu des présidents de la République.

Il passe en revue, Nicolas Sarkozy, François Hollande et Emmanuel Macron à l’aune des exigences assez ambigües des citoyens français.

Les Français sont exigeants quant à la tenue de leurs dirigeants et en cas de manquement, leur sanction est sans appel.

Le bilan politique du quinquennat de Nicolas Sarkozy n’était pas mauvais; c’est son style qui l’a mis hors jeu, son « image »: l’escalade des degrés de l’Elysée en short, le « casse-toi pauvre con ! » balancé publiquement à un imbécile qui l’avait insulté. Le bilan du quinquennat de François Hollande n’était pas fameux, mais il fallait aussi, pour qu’il soit acculé au renoncement, la guignolerie nocturne du motocycliste casqué en route vers son amoureuse et la répudiation sans abus de délicatesse d’une « first girlfriend » peu contrôlable.

Denis Tillinac

Treize siècles de monarchie, l’épopée napoléonienne et la geste gaullienne pèsent lourd dans l’inconscient collectif des Français; ils attendent, du roi républicain adoubé dans les urnes, de la tenue, de la distance, de la hauteur. Depuis de Gaulle jusqu’à Chirac inclus, aucun président n’y a manqué. Malgré une épouse qui sut tenir son rang, la pente de Sarkozy à la transgression aura prévalu. Sans doute a-t-il pensé que le moment était venu de désacraliser la fonction pour la revigorer. Erreur d’appréciation fatale, il le sait à présent. Hollande, pour sa part, s’est déconsidéré par l’effet conjugué d’un égotisme désinvolte et de maladresses à répétition.

L’un et l’autre ont éclos dans notre basse époque où les désirs sont impérieux, les mots de simples jouets à la merci de communicants sans foi ni loi. On fait de la politique en sportsman, ça gagne ou ça perd, on règle son action sur son humeur et autant en emporte le vent. S’agissant de Sarkozy, c’est dommage, car il fut – et reste – de loin le plus talentueux de la génération post-chiraquienne, toutes chapelles confondues.

Ayant réussi le sac de l’Élysée, Macron s’est évertué, durant les premiers mois, à renouer avec la solennité requise pour incarner la France. Son épouse, Brigitte, l’y a aidé: à leur façon, ils ont donné l’image d’un duo présidentiel digne sans être compassé. Les Français, qui avaient élu Macron par défaut, ont apprécié son style empreint de sobriété: parole rare, posture impavide, scénographie réglée au cordeau. Macron était le chef à la fois audacieux et raisonnable auquel le pays aspirait après trop d’incontinences verbales ou autres. En sorte que ses mesures à connotation « libérale » (réformes du droit du travail et de la SNCF), par définition indigestes pour la gauche, sont passées comme lettres à la poste. Pourquoi, au fil des jours, a-t-il endommagé une image aussi avantageuse ? Pourquoi ce vibrionnage immature, aggravé par les cafouillages de l’affaire Benalla et le feuilleton mal fagoté de la fuite de Collomb ?

Surtout, pourquoi ces mots de trop, ces saillies enfantines ? « Pognon de dingue » rend un son aussi incongru que « casse-toi pauvre con !». Un président ne doit pas brocarder les Français, surtout en terre étrangère, même si l’allusion aux « Gaulois » rebelles aux réformes n’était pas méchante … et pas fausse non plus. La réplique sur la rue qu’il suffit de traverser pour trouver un job ne pouvait être que mal reçue. Pourquoi ce mauvais mélange de roideur frôlant l’arrogance et de familiarités inopportunes ? Les images de la fête de la Musique, de l’accueil des héros de Moscou sur le perron de l’Élysée et d’une promiscuité physique franchement inconvenante lors d’un voyage officiel aux Antilles auront paraphé une perte de crédit peut-être sans remède. Ne dirait-on pas que cette génération de « décideurs », faute de référents adossés à des valeurs indémodables, ne peut plus contrôler ses affects, son langage, sa tenue ? Comment rester le « maître des horloges », ambition affichée, quand on n’est pas maître de soi ?

Régner à l’Élysée est un sacerdoce dont l’exercice implique une ascèse et un esprit de suite dans le comportement. Le président de la République française est le chef d’un État qui remonte aux temps mérovingiens, pas le gérant d’une entreprise. Si Macron ignore le distinguo, il échouera immanquablement, quel que soit son bilan, et la moindre bévue soulèvera un vent de fronde.

Denis Tillinac pour Valeurs actuelles.

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