Quand Mai 68 porte plainte contre Mai 68 …

Publié par le 24 Oct, 2018 dans Blog | 0 commentaire

Quand Mai 68 porte plainte contre Mai 68 …

Les élites sont-elles devenues folles ?
Ou est-ce le peuple qui est borné et inculte ?

Les élites semblent ne plus s’intéresser qu’aux minorités et ne rêvent que de leur donner le pouvoir, même si c’est au détriment du peuple.  Le féminisme a pris aujourd’hui un tour extrême qui met en danger les rapports hommes-femmes.

Dans la foulée de mon précédent article :

Dictature des minorités, on n’a encore rien vu !

je vous propose, ce matin, l’interview d’Eugénie Bastié, journaliste et écrivain, qui intervient souvent sur les plateaux de LCI. Cette interview apparait dans la rubrique L’incorrect – Espace de libres débats de Valeurs actuelles :

Veut-on un 1793 sexuel ?

Valeurs actuelles : Pourquoi avoir choisi comme sous-titre : Terreur ou contre-révolution ?

Eugénie Bastié

Eugénie Bastié : Parce que je crois que la « révolution » que certaines féministes appellent de leurs voeux a déjà eu lieu, il y a cinquante ans, lorsqu’on a proclamé qu’il fallait désormais « jouir sans entraves » et que l’on a méticuleusement détruit l’ordre moral. On a détruit toutes les médiations du désir (codes culturels tels que la galanterie, institutions telles que le mariage) et étendu le libéralisme au domaine sexuel, avec ses « perdants » et ses « gagnants ». Je cite cette phrase de Jean-Claude Michéa:

Quand donc la tyrannie du politiquement correct en vient à se retourner contre la tyrannie du plaisir, on assiste au spectacle étrange de Mai 68 portant plainte contre Mai 68, du parti des conséquences mobilisant ses ligues de vertu pour exiger l’interdiction de ses propres prémisses. 

Il me semble que c’est la définition même du mouvement Me Too. La question est : qu’est-ce qui peut advenir après la Révolution ?

  • Terreur : le patriarcat a disparu des institutions, comme l’Ancien Régime a été renversé en 1789. Veut-on un 1793 sexuel, qui éradiquerait un supposé patriarcat des reins et des coeurs ? Je ne crois pas que ce soit souhaitable.
  • Contre-révolution: quarante ans après la libération sexuelle, on mesure qu’elle n’a pas eu que des effets positifs. Il y a un retour du puritanisme, soit sous la forme d’un féminisme radical exalté, soit sous la forme du puritanisme islamique dont le succès chez les plus jeunes doit nous alerter.

Valeurs actuelles : « Le mouvement Me Too ne représente pas une colonne révolutionnaire en marche, mais la voiture-balai des derniers vestiges d’une virilité en lambeaux. » Pourquoi ?

Eugénie Bastié : Comme je l’ai dit, la révolution a déjà eu lieu: la domination masculine, privée de son fondement qui était  la maîtrise de la fécondité des femmes, n’existe plus. Tout cela a été très rapide et on demande aux hommes de s’adapter ou de disparaître. Je crois que la virilité est beaucoup plus construite socialement que la féminité (le corps des femmes « se rappelle » à elles plus souvent) et que donc le règne de la déconstruction affecte particulièrement les hommes. Il en résulte un malaise: aujourd’hui, la virilité, qui n’est plus considérée comme une valeur culturelle, est ramenée à sa seule dimension sexuelle et « naturelle », qui est la plus pauvre et la plus caricaturale. On le voit avec la massification sans précédent de la pornographie :

voilà une porcherie à combattre, plutôt que de traquer
les stéréotypes sexistes dans Blanche Neige et les Sept Nains !

Valeurs actuelles : Vous dénoncez une « mentalité solipsiste * »au sein des porte-étendards du mouvement Me Too: de quoi s’agit-il ?

Eugénie Bastié : J’ai été très frappée notamment par le discours de l’actrice Natalie Portman, lors de la marche des femmes, qui se plaignait en substance d’être objet de désir, tout en posant en même temps pour la pub Dior à moitié nue, offrant son corps à l’industrie publicitaire. En gros, elle nous disait: « Laissez-moi désirer sans être désirée ». Certaines féministes voudraient faire comme si le monde extérieur n’existait pas. Là où Descartes disait « plutôt changer mes désirs que l’ordre du monde », elles voudraient changer le monde plutôt que leurs désirs. Je crois que, en matière de désir, l’autonomie absolue n’est pas possible: il y a une altérité, où se joue une dimension d’abandon qui échappe au fantasme de toute-puissance de l’individu. Ce qu’il faut construire, ce sont de nouveaux codes de civilité et de commerce entre les sexes, qui exigent des concessions et des efforts des deux côtés.

Propos recueillis par Anne-Laure Debaecker pour Valeurs actuelles.

* Solipsisme : Conception selon laquelle le moi, avec ses sensations et ses sentiments, constitue la seule réalité existante dont on soit sûr.

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