Un peu de poésie dans ce monde de brutes !

Publié par le 7 Sep, 2017 dans Blog | 0 commentaire

Un peu de poésie dans ce monde de brutes !

Aujourd’hui, qu’on me pardonne, mais j’ai choisi de vous proposer un propos totalement « hors-sujet » !

Mais ces jours-ci, la politique m’ennuie …

Voir les micros se tendre pour recueillir les propos indécents et aigris de François Hollande, ça m’écoeure.

Entendre Emmanuel Macron demander aux propriétaires – ces salauds de profiteurs – de compenser les 5 euros dont il prive les locataires bénéficiaires de l’APL, ça me hérisse !

Pire, constater que la guerre des chefs bat son plein chez les Républicains, ça m’insupporte !

Alors ce matin, je donne la parole au chantre de la ruralité, à cet amoureux des terroirs,  à ce grand humaniste qu’est Denis Tillinac. Abandonnant lui aussi le commentaire politique, il nous conte le simple bonheur de la vie  à la campagne dans sa maison de famille :

« Les sanglots longs des violons de l’automne … »

Libéré ad vitam de la rentrée des classes, j’aborde toutefois septembre avec morosité, regrettant l’innommable bazar que créait la noria des petits-enfants.

Denis Tillinac

A nouveau c’est l’exode. Sur les routes qui serpentent autour du village repartent vers des destins citadins les voitures et les camping-cars aux immatriculations exotiques. Ces vacanciers en bermuda et tee-shirt multicolores qui campaient autour des pièces d’eau ou peuplaient les gîtes ruraux, ces cyclotouristes qui encombraient nos sentiers en faisant halte pour photographier une vache, nous les trouvions importuns sur les bords. Ils nous dépossédaient de ce privilège : le silence à perte de temps, rompu de loin en loin par les cloches de l’église à l’heure de l’angélus. Le village enfin renoue avec son tempo langoureux. Nous revoici dans un entre-soi d’autochtones très majoritairement retraités. Tant mieux.

Tant pis. Car si les grillons chantent encore, dans les prés, ils semblent annoncer la fin prochaine du concert. Qui s’en réjouirait ? Les couleuvres ne dorment plus au creux des murettes et, ici ou là, des feuilles ont envie de jaunir. Adieu papillons, adieu lézards ! Le soleil s’enfuit plus hâtivement; les vents du soir n’ont plus ce parfum tiède de foin coupé et les rares coquelicots sont fatigués d’avoir tant rougi. Ne restent sur la pelouse que des ballons oubliés, des épaves de jouets : sans la noria des enfants, petitsenfants, et pièces rapportées, la maison est trop grande. Certes, elle a retrouvé un calme auquel il m’est arrivé de rêver, certains soirs où les chamailleries tournaient au pugilat, pieds et poings déliés. Mais ce calme est oiseau de mauvais augure, il ressemble trop à celui du cimetière. Mieux valait l’innommable bazar qui apparentait chaque pièce à un champ de ruines. Il ne sévira à nouveau qu’aux vacances de Noël. Ce n’est pas demain la veille.

Une maison de famille, ça doit déborder d’enfants de tous les âges, saturer l’air ambiant de leurs cris, de leurs rires. Toutes sont dans le même cas, dans ce recoin de verdure où la nécessité de l’exil est inscrite dans la géologie. Elles ouvrent leurs volets au mois de juillet. On y déplie des chaises longues, on y dresse des parasols devant les seuils et on se berce de l’illusion que le village vit sa vraie vie d’antan. Pas longtemps. Passé la fête de l’Assomption, on cesse de fomenter des barbecues ou des parties de pêche ; les parents ressortent les devoirs de vacances et intiment à leurs loupiots de revêtir un pull à la fraîche. Puis on se prépare à décamper.

Enfant, j’avais la hantise des retours à la ville, autant dire à l’école. Elle a perduré à l’âge adulte car au bout du compte le boulot ou l’école, c’est du pareil au même. À présent rien ne m’oblige à quitter mon terrier. Je devrais me réjouir : les mélancolies automnales ont des douceurs voluptueuses, elles seront pour moi, rien que pour moi. Or une grosse boule me serre le coeur. On se lasse vite des bonheurs solitaires.

Après les bruyères, les cèpes, les noisettes et les mûres de l’automne viennent les froidures de l’hiver, et quand la pluie se met à battre les carreaux, elle ne compte plus les jours. Voilà pourquoi j’ai une sympathie rétrospective pour ces touristes venus d’ailleurs dont je brocardais le pastoralisme bobo ou baba. Pour un peu je regretterais les « animations » qui accompagnent leurs incursions estivales, et que depuis toujours je fuis comme la peste.

Le temps désormais va ressasser sa plainte monotone, comme les violons de Verlaine. Jusqu’en juillet il avait la saveur de l’attente, la tribu allait se reconstituer. Dès les premiers arrivants, le temps prenait un galop endiablé, on ne le voyait pas passer. Il se venge, et chaque fin d’été je me demande si ça ne sera pas le dernier. On meurt aussi dans nos campagnes où jadis, selon Chardonne, « on ne souffrait que de maux éternels ». On meurt l’hiver de préférence, comme en témoignent les avis d’obsèques dans les pages du quotidien régional. Pour toutes ces raisons, et bien que libéré ad vitam de la rentrée des classes, j’aborde le mois de septembre avec une certaine morosité.

Denis Tillinac pour Valeurs actuelles.

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