
« Si la connerie se mesurait,
tu servirais de mètre-étalon. Tu serais à Sèvres. »
« Les cons, ça ose tout. C’est même à ça qu’on les reconnaît. »
« C’est pas parce qu’on a rien à dire
qu’il faut fermer sa gueule. »
« Quand on mettra les cons sur orbite,
t’as pas fini de tourner. »
Vous avez reconnu quelques unes des célèbres citations de Michel Audiard. Dans certaines d’entre elles, on revoit et l’on entend très bien les acteurs qui les ont prononcées !
La magazine Causeur, dans cet article a eu l’idée de réaliser une interview posthume de Michel Audiard et ça décoiffe :
Les quatre vérités de Michel Audiard
Michel Audiard a accordé en exclusivité une interview posthume à Causeur. Baisse du niveau général, politique économique et migratoire, diversité, cinéma… ce fleuron de l’esprit français n’élude aucune question. Et il balance !
Causeur. Michel Audiard, d’abord merci de faire semblant de nous recevoir et de consentir à ce simulacre d’interview. Vous incarnez l’esprit français et nous n’avons pas considéré votre disparition comme un motif suffisant pour ne pas vous interroger.
Michel Audiard. Je vous en prie. J’ai moi-même toujours eu une éthique professionnelle très souple. Mon premier fait d’armes a été une interview exclusive de Tchang Kaï-chek pour L’Étoile du soir, reportage bien sûr entièrement bidonné et écrit au fond d’un bistrot du 14e. Vous restez des petits joueurs.
On vous sait effectivement un peu menteur. Mais soyez franc, de là-haut, quel regard portez-vous sur les élites et le peuple français de 2025 ?
Rapport au mensonge, c’est moi le petit joueur lorsque j’entends les uns et les autres.
Jusqu’à un passé récent, les élites mentaient au peuple avec plus ou moins de talent, mais beaucoup de conviction. Le peuple croyait lui, suivant son humeur, aux mensonges du pouvoir ou de l’opposition – tout allait bien, c’était réglo. Maintenant, le peuple ne croit plus personne, se ment à lui-même et les mensonges des puissants sont du niveau d’un môme de 6 ans, qui plus est pas très doué.
Soyez plus précis.
Y a des vannes que je ne me serais pas permises, mais que vos gouvernants vous balancent, genre : « Le budget est géré à l’euro près » ; « à l’école le niveau monte » ; « l’immigration est une chance pour la France » ; et la meilleure, « il n’y a pas d’ennemis intérieurs ». C’est plus un festival, c’est une féérie.
Et côté peuple ?
Moi j’ai roulé en Ferrari, je vivais à l’Hôtel de la Trémoille, mais j’ai jamais imaginé présenter la douloureuse à mes voisins. Vous, vous vivez tous aux crochets des Boches ou des gosses que vous ne faites plus et qui devront effacer vos chromes. C’est une martingale gagnante depuis quarante ans, mais ça sent le sapin quand même. Va peut-être falloir envisager un truc pénible qui aurait comme un cousinage avec le boulot.
Je vous rassure, chez Causeur on est lucide sur la baisse du niveau, et pas qu’à l’école. Vous en aviez eu la prescience puisque vous avez déclaré : « Les gens deviennent tellement cons qu’un jour il faudra sous-titrer les films français ».
Je vous rassure aussi, sans être devenu complètement abruti, j’ai pourtant besoin d’un dico pour lire la presse. Vous nous verriez avec Ventura et Gabin chercher « djihad », « kamis », « cisgenre », « woke » ou « climatosceptique ». La tronche du vieux quand je lui ai lu la définition de LGBTQIA+… Cela dit, pour en revenir à la baisse du niveau, moi j’étais considéré par Saint-Germain-des-Prés comme un auteur d’une insoutenable vulgarité alors que maintenant mes textes ne semblent accessibles qu’aux khâgneux et aux normaliens. Ça secoue.
Ça nous étonnerait beaucoup que les normaliens apprécient vos films dans lesquels, objectivement, l’absence de diversité est criante.
Diversité ? Attendez, deux secondes… le dico. Voilà ! Ah oui, cette diversité-là. Vous avez complètement raison et j’en ai le rouge au front. J’aime pas balancer, mais la trilogie de Pagnol avec que des vieux Blancs, et à Marseille en plus, c’était déjà baroque, non ?
À propos de diversité, parlons cash. L’islamisation de la France, qu’est-ce que ça vous inspire ?
J’ai souvent recasé d’un film à l’autre quelques saillies drolatiques, par pure fainéantise. Fidèle à mes habitudes, ce que j’avais déclaré à propos de la Seconde Guerre mondiale me semble parfaitement adapté à votre situation : « Cette guerre, on voulait bien la gagner ; à la limite, on voulait bien la perdre ; mais ce qu’on voulait pas, c’était la faire ».
Rétrospectivement, assumez-vous votre vision de la femme ?
D’abord j’assume tout. Ensuite, j’ai offert aux femmes des rôles plus modernes que vous ne le pensez. Mireille Darc, une vraie copine, incarnait une femme libre, indépendante, capable de tenir tête à des pointures comme Lino. Mais c’est vrai que j’ai toujours préféré faire parler les moches. Si elle avait su lire, j’aurais pu écrire des lignes inoubliables pour votre Mathilde Panot.
Qu’est-ce qui vous a le plus étonné au paradis ?
D’y être.
C’est vrai que vous recyclez bien. C’est ce que vous aviez dit à propos de votre invitation au Festival de Cannes en 1964.
Vous m’épatez. Les festivaliers avaient d’ailleurs sifflé Cent mille dollars au soleil. Mais tout a changé depuis que j’ai été élevé au rang de génie par ceux qui m’avaient conchié. Quand je croise de Funès, on rigole ensemble de son hors-série Télérama. On a hâte de voir les dépouilles des Charlots entrer au Panthéon ou un cycle « 7ecompagnie » à la cinémathèque. C’est une question de patience, mais on a l’éternité devant nous.
À Cannes, on révère désormais le nom d’Audiard, mais le prénom a changé. C’est votre fils Jacques qui a tous les honneurs.
Fierté du père évidemment, même si mon fils a intelligemment choisi de tourner le dos au cinéma populaire de son père. Et puis j’ai tâté le terrain auprès de Gabin, Blier et consorts. Je vais avoir du mal à les convaincre de se travestir et de jouer dans une comédie musicale.
Le dialoguiste flamboyant que vous avez été se voit-il un successeur dans le paysage cinématographique actuel ?
J’ai apprécié la finesse de Rémy Waterhouse dans Ridicule ; Bernie Bonvoisin m’a épaté avec Les Démons de Jésus ; Alexandre Astier et Alain Chabat savent assurément manier l’aphorisme. Puis, je vais vous étonner, quelques rappeurs manifestent également un attrait certain pour la langue. Cependant, il faut rester lucide, plus aucun dialoguiste n’aura jamais sur l’affiche son nom en plus gros que celui du réalisateur.
Vous avez été cycliste et vous partagiez avec Gabin et Pousse une passion pour le vélo. À quelques jours du départ du Tour de France, un pronostic ?
J’en discutais hier encore avec des épées – Charly Gaul et Bahamontes, c’est dire si je connais du monde. On était tous d’accord. On croit pas beaucoup aux chances d’Anquetil cette année.
Stéphane Germain pour Causeur.




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