
Il est des hommes qui gardent, contre vents et marées, une certaine aura malgré les conséquences néfastes que leurs paroles ou leurs actes ont entrainées.
Je n’en citerais que trois :
– Je commence par François Mitterrand, encore vénéré chez les socialistes, mais dont on mesure aujourd’hui les calamités qu’auront entrainées ses deux septennats (retraite à 60 ans, main-mise de la gauche sur les médias, interdiction du débat sur l’immigration, abandon de l’assimilation des immigrés, etc …)
– Je poursuis par Robert Badinter qui reste auréolé par la suppression de la peine de mort, mais qui a profondément modifié la doctrine pénale en poussant à l’individualisation des peines qui fait qu’aujourd’hui, les juges se préoccupent plus du profil social, familial et professionnel du délinquant que de la gravité de son délit.
– Je termine par Pierre Bourdieu dont l’influence sur l’éducation nationale, notamment après mai 68, a abouti à la descente aux enfers de l’école publique sanctionné par les notes catastrophiques de la France dans les classements PISA.
Voila ce que le philosophe Marcel Gauchet disait de Pierre Bourdieu :
Le travail de Pierre Bourdieu est un désastre intellectuel, habillage sophistiqué d’une pensée mécaniste et déterministe, qui ne permet tout simplement pas de comprendre comment une société fonctionne.
Voici un article de La Sélection du Jour qui voit dans le dernier rapport de la Cour des comptes l’influence (néfaste) de Pierre Bourdieu :
Quand la Cour des comptes note l’école primaire, Bourdieu tient le stylo
Publié en mai dernier, le rapport de la Cour des comptes sur l’enseignement primaire a déjà suscité de nombreux commentaires mais peu ont exploré ses présupposés. Derrière l’analyse, on retrouve la pensée du sociologue Pierre Bourdieu via ses concepts de capital culturel, d’habitus, de reproduction sociale et de déterminisme social. Ce n’est pourtant pas le seul cadre d’analyse possible.
En France, la pensée de Pierre Bourdieu occupe une place centrale dans le paysage académique et institutionnel. Ses concepts sont souvent utilisés comme grilles de lecture et sont rarement questionnés. Son approche structurelle tend ainsi à s’imposer dans de nombreux travaux officiels, dont celui-ci (synthèse à retrouver en sélection). On peut lire que « le déterminisme social est toujours plus pesant » ou que l’école serait même « un lieu qui amplifie » ce déterminisme. Ces formulations sous-entendent que la trajectoire scolaire d’un enfant serait essentiellement déterminée par son origine sociale. Une lecture directement issue de la pensée de Bourdieu, pour qui l’école ne corrige pas les inégalités, mais les reproduit, voire les aggrave.
Pourtant, le texte concède que « les résultats sont très dispersés au sein de chaque catégorie sociale », reconnaissant que ce ne serait pas l’unique facteur. Mais il se reprend aussitôt en invoquant une « corrélation plus forte » avec « le nombre de livres dans le foyer », qui, elle, y serait liée. Un critère qui à l’heure de la dématérialisation, peut paraître daté, subjectif et fragile. Plus loin, l’argumentaire pointe un « manque d’études consolidées » et l’absence de « conclusions robustes » pour mesurer l’effet de l’école, avant d’asséner, que « seul peut être fait le constat » qu’elle « ne contribue pas » à réduire les inégalités. Ainsi, malgré l’aveu d’un vide statistique, un constat s’impose tout de même, comme s’il avait été fixé d’avance et qu’il était presque immuable.
L’approche défendue par Raymond Boudon offrirait un autre cadre d’analyse, peut-être complémentaire. Elle permettrait de nuancer une lecture structurelle, en donnant une place aux choix individuels, aux aspirations et aux arbitrages familiaux. Sociologue tout aussi éminent, Boudon défendait une lecture plus centrée sur l’individu (individualisme méthodologique), attentive à la responsabilité personnelle et à la diversité des parcours. Par exemple, une famille modeste peut encourager son enfant à choisir un BTS plutôt qu’une classe préparatoire, non par manque d’ambition ou de capital culturel, mais par prudence face au risque d’échec ou par désir d’une insertion professionnelle rapide. Ces décisions individuelles, répétées à l’échelle de la société, pourraient produire des « inégalités » globales … sans qu’il y ait pour autant de discrimination (ce que Boudon appelle « l’agrégation des actions individuelles »).
Enfin, s’il ne nie pas le poids du milieu social, il ne l’absolutise pas et souligne que des influences multiples façonnent les élèves. Une approche relativement absente du rapport, puisque tout ce qui échappe à la structure y est ignoré ou relégué au second plan. Or, dans une société où les enfants, dès le primaire, sont exposés très tôt à une multitude de contenus via les écrans et où ils ne partagent pas toujours ce qu’ils voient, la dimension individuelle semble être de plus en plus présente. Cette socialisation parallèle influence profondément les esprits. Une lecture qui inclurait des perspectives « Boudoniennes » permettrait d’en tenir compte.
La perception défendue par la Cour mène logiquement à une réponse exclusivement étatique, car si tout découle de la structure, alors seul l’État peut réparer, se condamnant à empiler les dispositifs correctifs … Comme c’est le cas depuis des années, sans interroger le postulat de départ. L’école est presque sommée de tout compenser : lacunes familiales, territoriales, culturelles et affectives. Aucun questionnement des comportements, des mentalités, ni même des limites du rôle de l’institution. L’engagement parental ou la motivation sont aussi absents. De même que les effets potentiellement délétères d’un interventionnisme toujours plus accru de l’État, comme nous le soulignions déjà dans la LSDJ n°2418 à propos de son intrusion croissante dans les alternatives éducatives. Le rapport admet pourtant que le système est « trop centralisé » et n’implique pas assez tous les acteurs, mais cette critique n’ouvre sur aucune remise en question profonde. Les solutions proposées renforcent au contraire le pilotage central et donnent une marge de manœuvre très relative aux établissements.
Les solutions données sont axées autour de la mobilité administrative dans les zones dites « en tension », la formation numérique, le renforcement du pouvoir des directeurs, les conventions triennales entre rectorats et élus, ou encore le regroupement d’écoles rurales.
- Rien sur la chute de la discipline et de l’autorité ni sur le rôle du milieu social dans ces dérives.
- Rien sur la remise en cause croissante des enseignants par certains parents.
- Silence total sur le recrutement.
- Aucune mention non plus du séisme pédagogique, psychiatrique et psychologique provoqué par la période Covid (surtout à ce niveau).
- Rien sur les tensions communautaires, religieuses ou identitaires qui traversent l’école dès la primaire ni de l’impact que ça peut avoir sur les enfants.
Par contre, il colle à l’air du temps, en abordant des questions d’inégalités liées au genre (comme la spatialisation de la cour de récréation) malgré, là encore, l’aveu d’une absence de données. L’école décrite semble abstraite, comme si les dérives du secondaire n’y trouvaient pas leurs origines.
Raphaël Lepilleur pour La Sélection du Jour.
Rapport de la Cour des comptes à lire sur son site.




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