
La définition d’une démocratie illibérale est la suivante :
« Le terme de démocratie illibérale qualifie un régime politique qui respecte certaines règles démocratiques, comme les élections, mais s’affranchit de contraintes constitutionnelles et réduit les libertés individuelles ou publiques, tout comme le font les dictatures. »
Mais ce vocable est galvaudé par les progressistes qui l’utilise pour stigmatiser tout pays qui ne suit pas à la lettre la doxa de la bien-pensance progressiste.
C’est par exemple le cas de la Hongrie qui est la bête noire d’Ursula von der Leyen qui a fait subir à ce pays et à son président Viktor Orban, nombre de brimades et amendes.
Quand Viktor Orban interdit la propagande du lobby LGBT dans les écoles, l’Europe le traite d’homophobe et qualifie la Hongrie de démocratie illibérale alors qu’il ne viole nullement la Constitution hongroise !
Voici un article de l‘IREF qui rétablit la vérité sur cette notion de démocratie illibérale. Un article qui montre que l’illibéralisme convient beaucoup mieux aux démocraties tenues par la gauche qu’à la Hongrie de Viktor Orban :
« Illibéralisme » : le succès paradoxal d’un concept ambigu
Parmi les grands mots à succès du combat « théologico-politique » contemporain, celui d’illibéralisme connaît une fortune certes moins éclatante que ceux « d’extrême droite » ou de « populisme » mais il a l’avantage d’une plus grande fraîcheur terminologique et surtout du prestige de l’adoubement universitaire. On ne compte plus séminaires et colloques qui lui sont consacrés dans un vaste mouvement qui, après le décolonialisme, le genre et l’intersectionnalité, envahit les universités de sciences sociales. La croissance spectaculaire de la fréquence du mot est attestée depuis une bonne vingtaine d’années, dans le sillage du travail pionnier de Fareed Zakaria sur « les démocraties illibérales » … L’illibéralisme a désormais un manuel, un site web et une revue consacrée à ce nouveau « champ d’études », ces studies, chères à l’université américaine [1].
De quoi a priori réjouir un observateur libéral, d’autant que le ton de cette littérature est à la condamnation de ces « dérives illibérales », traquées sans relâche par les experts. La plupart d’entre eux s’accordent, sinon sur une seule définition – débat académique oblige – mais sur une caractéristique commune : l’illibéralisme naît le plus souvent des dysfonctionnements et des frustrations apparus au sein même des démocraties libérales, anciennes ou récentes.
Un nouveau mal démocratique
A vrai dire, la lecture de cette abondante production nous ramène vite aux éléments fondamentaux du champ académique (et médiatique) actuel. Car la cause est entendue : par illibéralisme, il faut avant tout comprendre les remises en cause du libéralisme venues de la droite et, malgré les distinctions et les typologies aussi savantes qu’utiles qui honorent les meilleurs auteurs [2], les mots de « populisme », « d’extrême droite », de « conservatisme », de « traditionalisme », de « fondamentalisme » (chrétien), de « réaction », font florès et fonctionnent comme autant de synonymes d’illibéralisme. A longueur de pages et de colloques, ce sont presque toujours les mêmes cas qui sont étudiés et ciblés : la Hongrie d’Orban – lequel s’est de fait revendiqué « illibéral » – la Pologne du PIS, le Rassemblement National français, l’Italie de Meloni, voire la Russie de Poutine ; et last but not least, bien sûr, l’Amérique de Trump, abomination de la désolation, en même temps qu’aimant providentiel de toutes les résistances de l’esprit…
Où est passé l’illibéralisme de gauche ?
L’illibéralisme de gauche, pourtant le plus massif et le plus revendiqué, mériterait une attention soutenue : l’abandon historique des valeurs de liberté et de laïcité au profit de la passion égalitaire, des velléités de censure des opinions adverses, de la prétention au monopole de la « correction politique » dans l’université, de la « compréhension » pour un mouvement religieux aussi anti-libéral que l’islam identitaire et rigoriste, ne sont-ils pas autant de signes de la grande mutation contemporaine de la gauche occidentale ? Or, ce phénomène est rarement abordé par cette savante littérature et lorsqu’il est évoqué, il est soit vite évacué, soit carrément approuvé : il y a, à l’évidence, un bon et un mauvais illibéralisme, comme il y a une bonne et une mauvaise liberté d’expression ou une bonne et mauvaise liberté académique.
Cette hémiplégie de l’analyse est certes sans surprise pour les libéraux français, habitués à être au mieux ignorés, au pire brocardés. Mais le paradoxe du combat en vogue contre l’illibéralisme est qu’il semble rendre hommage par contraste à ce libéralisme que les mêmes vouent pourtant aux gémonies dès qu’il s’agit de philosophie politique et surtout d’économie, où le « néolibéralisme » fait figure de repoussoir absolu.
Libéral ou liberal ?
Ce tour de passe-passe s’explique en dernière instance par une confusion quasi constante dans cette littérature entre « libéral » au sens philosophique et liberal au sens américain du terme, qui se traduit en français par « de gauche » ou « progressiste ». C’est ainsi que l’on apprend que la nation, la souveraineté, le travail, la croissance ou la nécessité de valeurs et de références communes, sont autant de convictions « illibérales ». Peu importe qu’il s’agisse là de valeurs soit centrales, soit parfaitement compatibles avec le libéralisme classique. Dès lors, se voit exclue d’emblée la possibilité d’un libéralisme conservateur. Ce dernier est pourtant bien documenté dans l’histoire politique et intellectuelle comme vient de le rappeler Laetitia Strauch-Bonart dans son récent essai, et comme Jean-Philippe Delsol vient de l’analyser ici même à propos de l’alliance victorieuse entre Bruno Retailleau et David Lisnard dans le cadre de l’élection du nouveau président de LR.[3].
Raisonnement circulaire
Surtout, le procédé rhétorique est redoutable et traduit un biais très répandu dans les sciences sociales contemporaines : le recours au raisonnement circulaire, où la conclusion et la prémisse sont interchangeables : de même, nous explique-t-on, qu’il n’y a pas de racisme antiblanc puisque le racisme est une exclusivité blanche, de même, puisque le « libéralisme » – réduit au progressisme sociétal – est de gauche, i’illibéralisme est de droite. CQFD.
Cette confusion des concepts et des esprits prête certes à sourire lorsque l’on voit les partis les plus hostiles au libre-échange pousser des cris d’orfraie devant la surenchère protectionniste (illibérale assurément !) de Donald Trump. Elle porte plus à inquiétude si le prétendu combat contre l’illibéralisme s’avérait être le faux nez et le énième avatar de la lutte contre le libéralisme lui-même, c’est-à dire contre le prlmat philosophique que celui-ci accorde, malgré ses multiples variantes, à la liberté de chacun, à commencer par la liberté d’expression.
Christophe de Voogd pour l’IREF.
[1] Voir The Oxford Handbook of Illiberalism, 2024, The Journal of Illiberal Studies https://www.illiberalism.org/the-journal-of-illiberalism-studies/
[2] Ainsi de Marielle Laruelle, professeur à l’université George Washington, figure de proue des illiberal studies et auteur de plusieurs analyses de référence : « Illiberalism: a conceptual introduction », East European Politics, n° 38/2, p. 303-327 ; « Illiberalism Studies as a Field », in The Oxford Handbook of Illiberalism, 2024. Toutefois l’évolution de sa définition de l’illibéralisme d’un écrit à l’autre, ne clarifie pas le débat, notamment sur la question de l’illibéralisme de gauche.
[3] Laetitia Strauch-Bonart, La gratitude. Récit politique d’une trajectoire inattendue, Paris, 2025, https://fr.irefeurope.org/publications/articles/article/retailleau-et-lisnard-le-pari-gagnant-conservateur-et-liberal/




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