L’incroyable laxisme de l’institution judiciaire

Publié par le 29 Avr, 2019 dans Blog | 0 commentaire

L’incroyable laxisme de l’institution judiciaire

Le centre pénitentiaire d’Alençon-Condé-sur-Sarthe abrite des détenus violents et dangereux qui n’ont plus rien à perdre. Ici, la violence se gère au quotidien : pour distribuer les repas, les surveillants enfilent un vêtement de 10kg pour se protéger.

Installé aux portes d’Alençon et inauguré en 2013 par Christiane Taubira, alors garde des sceaux, le centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe a été dés le départ présenté comme la « prison la plus sécurisée de France ». Mais très rapidement, les incidents se sont multipliés. Et les personnels ont tiré à plusieurs reprises la sonnette d’alarme. Aujourd’hui, 30% des effectifs des agents sont renouvelés chaque année.

Voici un reportage réalisé par France 3 Basse-Normandie :

Il est assez hallucinant de voir le harnachement que doivent porter les gardiens de la prison de Condé-sur-Sarthe, juste pour pouvoir servir le repas aux détenus.

Après l’agression dont ont été récemment victimes deux gardiens de cette prison par un détenu et sa femme venue lui rendre visite, Laurence Havel, de l’Institut pour la Justice, a publié le texte suivante :

Chère Madame, cher Monsieur,

On en sait maintenant davantage sur l’attentat qui s’est produit à la prison de Condé-sur-Sarthe.

L’inspection de la justice a remis un rapport confidentiel à la ministre, Nicole Belloubet, et ce qui y est écrit confirme toutes nos analyses et toutes nos craintes.

Rappelez-vous : le 6 mars dernier, Michael Chiolo, un détenu connu pour sa dangerosité et radicalisé, avait poignardé deux surveillants, aidé par sa compagne.

En effet, malgré sa très grande dangerosité, Michael Chiolo avait bénéficié d’un séjour en « unité de vie familiale ». Ce sont de petits appartements très bien équipés, au sein de la prison, dans lesquels les condamnés peuvent recevoir leurs proches pour une période variable, parfois plusieurs jours.

C’est là que Hanane Aboulhana, la compagne de Chiolo, a pu rentrer, sans être fouillée. Elle était pourtant voilée des pieds à la tête, et sous son voile elle dissimulait des couteaux en céramique. Les couteaux avec lesquels, elle et Chiolo ont ensuite attaqué les surveillants.

Cela pose évidemment beaucoup de questions.

Tout d’abord, comment Michael Chiolo avait-il pu obtenir un séjour en « unité de vie familiale », où les détenus ne sont pas surveillés ?

S’il était détenu à Condé-sur-Sarthe, la prison la plus sécurisée de France, c’est précisément parce qu’il avait commis des actes de violence en prison.

En 2016, par exemple, alors qu’il était emprisonné à la maison d’arrêt de Besançon, des écoutes avaient révélé qu’il projetait d’égorger un surveillant « au nom d’Allah »…

Malheureusement, comme trop souvent dans nos prisons, ce qui devait être un privilège réservé aux détenus se conduisant de manière exemplaire fini par devenir un droit accordé à tout le monde.

Comme l’expliquait un responsable syndical : « À l’origine, c’était pour des détenus qui s’étaient bien comportés, afin de faire un semblant de vie commune. Mais aujourd’hui, dès qu’il y a des demandes, c’est validé un peu facilement. On cherche à leur apporter un maximum et l’argent est utilisé dans le mauvais sens. »

Ensuite comment Hanane Aboulhana a-t-elle pu rentrer sans être fouillée ?

La réponse est dans le rapport de l’inspection de la justice. Dans son langage administratif, ce rapport explique qu’il existe parmi les surveillants : « une crainte diffuse et partagée des recours qui amène parfois à avoir une gestion ‘‘normative’’ des situations plutôt qu’opérationnelle. La question des palpations, que chacun s’interdit par peur de n’y être pas autorisé ou par peur des invectives de la population pénale et des visiteurs, est à cet égard typique ».

Autrement dit, les surveillants ne fouillent pas les gens qui se présentent au parloir pour deux raisons :

  • D’abord parce qu’ils ont peur que les détenus ou leur famille se plaignent et que l’administration, ou la justice, donne raison à ces derniers.
    En effet, depuis une dizaine d’années, les fouilles systématiques sont interdites.
    On comprend mieux comment les téléphones portables, l’argent, la drogue, et même des armes entrent et circulent dans nos prisons ! Les surveillants ne cessent de dénoncer cet état de fait aberrant, qui les met en danger et qui met en danger tous les détenus. Mais jusqu’à maintenant rien n’y a fait. Nos dirigeants attendent-ils qu’il y ait des morts pour réagir ?
  • Ensuite, les surveillants ont peur des représailles que pourraient exercer les détenus. Mais oui, vous lisez bien : même dans la prison « la plus sécurisée de France », les gardiens ont peur des détenus.
    Ils en ont peur parce que, peu à peu, les droits accordés aux détenus ont pris le pas sur les exigences de la discipline carcérale. Les détenus savent que l’administration a désormais peu de moyens de les sanctionner s’ils se conduisent mal. Alors ils s’enhardissent et les surveillants doivent faire le dos rond, regarder ailleurs, acheter la « paix sociale » en se montrant complaisants…

    Cette situation est profondément anormale et choquante. Depuis des années l’IPJ se bat pour que cela change. Pour que la discipline carcérale soit rétablie en prison et pour que le temps de la détention soit réellement un temps utile, pour le condamné, les victimes et pour la société.

Nous avons fait beaucoup de propositions en ce sens.

Un mois avant l’attaque de Condé-sur-Sarthe nous avions même publié et diffusé une étude qui explique comment mettre en place de vraies unités à sécurité renforcée pour les détenus les plus dangereux !

Notre présidente et notre porte-parole l’ont d’ailleurs apportée directement au ministère de la Justice, à la fin du mois de mars.

Peut-être Madame Belloubet consentira-t-elle à s’en inspirer et à agir enfin dans le bon sens ?

Les conditions de détentions que nous préconisons devraient devenir la norme pour les détenus à la dangerosité prouvée. Si on nous avait écouté, un attentat comme celui de Condé-sur-Sarthe n’aurait pas pu avoir lieu.

Il y a urgence Madame la ministre, il faut agir, vite !

Avec tout mon dévouement,

Laurence Havel

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