Ecole : et si enfin ça changeait ?

Publié par le 21 Sep, 2017 dans Blog | 0 commentaire

Ecole : et si enfin ça changeait ?

Je l’avoue, s’il y a un point enthousiasmant chez Emmanuel Macron, c’est bien le choix de Jean-Michel Blanquer à la tête du ministère de l’Education nationale !

On murmure que Brigitte Macron, ancien professeur, ne serait pas étrangère à ce choix judicieux … Qu’elle en soit remerciée !

Il parait que le Monde tire à boulets rouges sur le nouveau ministre de l’Education nationale et que les syndicats condamnent sa politique …

Un sans-faute, je vous dis !

Cette semaine, le Figaro Magazine a consacré tout un dossier à l’Education nationale dont je voudrais relayer ici les bonnes feuilles :

Pédagogie, discipline, dérives islamiques : rien ne va plus, et depuis longtemps, dans le système scolaire français. Le nouveau ministre de l’Education s’est lancé dans une contre-révolution qui ne dit pas son nom, avec la bénédiction d’Emmanuel Macron mais aussi de Brigitte Macron.

En 1968, quand Edgar Faure avait été nommé ministre de l’Education nationale avec mission d’y ramener la paix, il avait trouvé une idée lumineuse pour empêcher les importuns de pénétrer dans son bureau: inverser le sens de la poignée de la porte, de telle sorte qu’aucun visiteur ne puisse entrer à l’improviste. Près de cinquante ans plus tard, Jean-Michel Blanquer doit déployer une stratégie beaucoup plus élaborée pour atteindre son objectif : liquider l’héritage des soixante- huitards et son cortège de « bourdieuseries », du nom du sociologue Pierre Bourdieu, pour qui le système scolaire n’était qu’un instrument de reproduction des élites. Selon cette icône des « pédagogistes », l’égalité devait primer sur la recherche de l’excellence. Najat Vallaud-Belkacem, malgré son jeune âge, en fut une fidèle disciple, et la réforme des collèges, la meilleure illustration de ses théories égalitaristes. C’est aussi le premier vestige du quinquennat Hollande auquel Jean- Michel Blanquer s’est attaqué, en rétablissant les classes bilangues et l’enseignement du grec et du latin. Et ce n’est qu’un début.

Le ministre a lancé une révolution, ou une contre- révolution, qui ne dit pas son nom. Instruit par les échecs de Claude Allègre, écrasé en quelques mois par le « mammouth», de François Fillon, qui dut renoncer à réformer le bac sous la pression de la rue, de Gilles de Robien, qui ne parvint pas à réhabiliter la méthode syllabique, ou encore de Xavier Darcos avec les internats d’excellence, le ministre ne marquera pas son passage Rue de Grenelle par une grande « loi Blanquer ». Comme il l’a confié au Figaro Magazine, ce « pragmatique », tel qu’il se définit, est convaincu que « ce qui a rendu les choses difficiles » pour les mieux intentionnés de ses prédécesseurs, « c’est le marquage politique d’options qui auraient dû être d’intérêt général ». « Je cherche une forme d’unité nationale, assure-t-il. ll n’y a pas de fatalité à être dans d’éternelles querelles politiques et syndicales. La situation n’est pas binaire, pour peu que l’on sorte des postures médiatiques. »

Ce qui n’est pas gagné. La charge de Jean-Michel Blanquer contre la méthode globale d’apprentissage de la lecture et le « pédagogisme », en août, ont donné le signal d’une mobilisation syndicale qui dure, même si le ministre a précisé depuis qu’il visait la méthode mixte – globale au démarrage et syllabique ensuite. « ll a voulu plaire à l’électorat conservateur !» accuse Francette Papineau, secrétaire générale du Snuipp-Fsu, majoritaire dans le primaire. « Ceux qui donnent des interprétations politiques de ce que je fais dévoilent leurs arrière-pensées politiques plutôt que les miennes », rétorque l’intéressé. Sa position sur la méthode mixte ne variera pas : « Je n’ai jamais vu que mélanger ce qui marche et ce qui ne marche pas permette de réussir, ironise-t-il. Qui aurait l’idée de mélanger du vin et du vinaigre ? »

Le ministre refuse également d’étaler à l’infini cet apprentissage. Selon lui, « il y a une fausse bienveillance à vouloir diluer dans le temps l’acquisition des savoirs ». D’où les évaluations qu’il a instituées dès cette année scolaire en CP (cours préparatoire) et en sixième. Ah, l’évaluation ! C’est le mot qui fâche. Pour Stéphane Crochet, secrétaire général du SE – Unsa, ce serait un « facteur de stress ». « Si l’évaluation ne se traduit pas par un surcroît de travail pour les enseignants, pourquoi pas ? nuance Frédérique Rolet, secrétaire générale adjointe du SNES, à condition que ça ne donne pas lieu à une comparaison entre les établissements qui seraient « bons » et les autres, et que ça ne stigmatise pas les élèves. »

Jean-Michel Blanquer, lui, estime qu’il y a urgence à arrêter la dégringolade : dans le dernier classement Pisa (Programme international pour le suivi des acquis des élèves), établi en 2016, la France était au 19 ème rang des pays de l’OCDE pour la lecture et au 26 ème rang pour les maths et pour les sciences ! L’enquête Timss (Trends international Mathematics and Science Study) réalisée en 2015 montre même que les petits Français en CM1 sont derniers de toute l’Europe en mathématiques. La faute aux maths modernes, bête noire du ministre qui se rappelle, enfant, avoir vécu leur avènement « comme un skieur voit l’avalanche arriver dans son dos. » Les syndicats enseignants contestent. A les entendre, les maths modernes, comme la méthode globale, c’est à peine si ça a existé …

Dans le primaire comme dans le secondaire, que le ministre veut réformer dans un deuxième temps, Il n’y aura donc pas de « loi Blanquer », pas de réforme pédagogique en tant que telle, et pas de manuel « officiel ». Jean-Michel Blanquer s’y refuse, misant tout sur la formation des enseignants et sur l’évaluation. Il veut laisser une plus grande autonomie aux acteurs de l’éducation et souhaite que les chefs d’établissement puissent, « à terme », choisir leur équipe pédagogique. Comme dans le privé, son modèle, à bien des égards.

L’autonomie a longtemps été combattue par les syndicats enseignants, au nom de leurs principes égalitaristes. Mais selon Philippe Tournier, secrétaire général du SNPDEN- Unsa, le syndicat des personnels de direction de l’Education nationale, « les profs commencent à se rendre compte que c’est l’Etat central qui constitue une menace et que l’autonomie est protectrice ». Proviseur de Victor-Duruy, dans le VII ème, depuis 2012, il a eu l’occasion de vérifier avec la réforme des collèges de Najat Vallaud-Belkacem que le blocage « culturel » persistait davantage Rue de Grenelle que dans les mentalités enseignantes. « La réforme laissait les chefs d’établissement disposer librement d’un contingent d’heures de classe, mais dès que le décret est passé, le ministère a sorti une circulaire d’une dizaine de pages pour nous dire ce qu’on devait faire de ce temps », raconte-t-il, en précisant: « La nouveauté, c’est que les chefs d’établissement n’en ont tenu aucun compte. » Et qu’a fait le ministère ? ll n’a pas réagi. « A l’Education nationale, vous avez une flopée de prescriptions mais personne ne contrôle rien, déplore Philippe Tournier. Si les profs ne sont pas en grève et que les élèves ne sont pas dans la rue, c’est  »pas de nouvelle, bonne nouvelle ! » »

Si cette indifférence compense, au moins partiellement, le dogmatisme de l’institution académique en matière de pédagogie, elle a des conséquences dévastatrices sur la bonne marche des établissements. En termes d’organisation aussi, tout est à revoir ! Cette année, la rentrée scolaire s’est faite en musique pour les élèves, conformément au voeu de Jean-Michel Blanquer, mais aussi en fanfare pour certains de leurs profs et de leurs proviseurs, qui ont publié des livres de témoignage plus accablants les uns que les autres sur le délabrement de l’école.

Anne-Sophie Nogaret, professeur de philosophie, raconte dans Du mammouth au Titanic la guérilla incessante qu’elle a dû mener pour tenter, simplement, d’exercer son métier. Elle revient pour Le Figaro Magazine sur la démission progressive de l’institution face à la « mentalité des cités » (voir un prochain article). Isabelle Dignocourt (1), professeur de latin et autrefois de grec, et qui a vu passer treize ministres Rue de Grenelle, analyse comment l’Education nationale est devenue une « machine à broyer ». Jean-Noël Robert (2), désormais retraité de l’Education nationale, raconte dans Témoin de la déséducation nationale, entre autres scènes saisissantes, la visite guidée très particulière qu’il a organisée pour des parents d’élèves du grand lycée de Corbeil-Essonnes, juste en face de la cité des Tarterêts. il a profité de la « demi-journée banalisée » pour leur montrer le bâtiment dans lequel leurs enfants pouvaient se procurer des drogues dures, des drogues douces, l’étage où trouver des préservatifs, celui où les utiliser …

On imagine que les parents ont dû sortir de la visite passablement traumatisés. Mais la contribution parentale au fonctionnement du système éducatif ne va pas toujours dans le sens de l’intérêt de l’enfant, pour utiliser un euphémisme. Patrice Romain (3), qui a tiré des best -sellers de ses quarante ans de carrière dans l’Education nationale, vient de publier une édifiante compilation de ses réponses à des lettres de parents dans Quand un proviseur se lâche ! Une mère se plaint de la punition infligée à son rejeton, qui a insulté un professeur ? « Nous aurions dû faire preuve de bienveillance plutôt que de sévir bêtement, lui écrit-il. « Fils de pute », c’est plutôt gentil, non ? « Bâtard« , presque amical ? » il ne dit pas si la destinataire a apprécié le second degré.

Quand le respect des règles est une notion inconnue à la maison, l’école peut d’autant moins y remédier qu’elle a été systématiquement désarmée. « Sanctionner un élève est quasiment impossible, même pour des vétilles, affirme Philippe Tournier. Quand un élève perturbe la classe avec son portable, par exemple, vous ne pouvez pas agir si vous appliquez les textes réglementaires : il faut recevoir les parents et l’enfant, puis leur notifier qu’on va le sanctionner, puis attendre trois jours ouvrables pour envoyer une sanction, le troisième jour exactement … C’est un tel pataquès qu’on renonce. » « Tout a été judiciarisé de façon outrancière, et par l’institution elle-même, explique-t-il. Après, il ne faut pas se plaindre qu’il n’y ait pas d’autorité ! » Selon lui, « ces nuisances de faible intensité sont bien plus répandues que les violences ou les dérives fondamentalistes ».

Judith Waintraub pour le Figaro Magazine.

La suite de cet article (« Les dérives fondamentalistes à l’Ecole« ) prochainement sur vos écrans.

(1) L’Education nationale, une machine à broyer, Editions du Rocher.
(2) Témoin de la déséducation nationale, Les Belles Lettres.
(3) Quand un proviseur se lâche ! Editions du Cherche-Midi.
(4) Principal de collège ou imam de la République ?, Kero
(5) Les Territoires perdus de la République, Mille et une nuits..

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