La logique est toute macronienne : la France est plongée dans l’instabilité institutionnelle depuis la dissolution imbécile de juin 2024. Nous venons de voir tomber successivement trois gouvernements, ceux de Michel Barnier, François Bayrou et Sébastien Lecornu …
Et ceci, en moins de dix mois !
Et dans cette instabilité patente, l’argument de la Macronie pour ne pas dissoudre l’Assemblée nationale, c’est …
… Il ne faut pas provoquer d’instabilité !
De qui se moque t-on ? A coup sûr des Français !
Voici une intéressante analyse politique paru sur le site Contrepoints.org :
« Rupture » et « stabilité »,
le nouvel « en même temps » macroniste
Parmi les nombreux exemples de la « pensée complexe » d’Emmanuel Macron, le double mot d’ordre de la « rupture » et de la « stabilité » donné au gouvernement de Sébastien Lecornu mérite de figurer en tête de liste. Cette contradiction apparente renvoie à l’intérêt bien compris d’un président qui demeure omniprésent sur la scène politique intérieure. Et qui entend le rester.
La rhétorique employée pour lancer cette énième tentative d’échapper à l’impasse politique crée par la dissolution de 2024 conduit à s’interroger : « rupture » d’un côté ; « stabilité » de l’autre. Cet attelage de notions à première vue contradictoires invite à les examiner de près. Rupture sur la forme, sur la méthode mais aussi sur le fond, tel avait été le triptyque du « changement » annoncé par le nouveau Premier ministre sur le perron de Matignon devant un François Bayrou médusé, on le comprend, par ce passage de témoin sans ménagement protocolaire.
La rupture sur la forme et la méthode
Cinq semaines plus tard, et après les rebondissements que l’on sait, on peut créditer le nouveau Premier ministre d’avoir en effet procédé au changement de forme comme de méthode : économie de parole après un prédécesseur fort bavard ; style simple et direct comme on l’a entendu lors du discours de politique générale, aux phrases courtes et à la durée brève pour l’exercice, au risque d’être lacunaire et au prix d’un débit sans respiration. Le but central de Sébastien Lecornu était justement le changement de méthode avec le renoncement au 49-3 et donc le libre cours laissé au débat parlementaire, à commencer par le règlement du budget : d’où l’épiphore, seule concession aux figures de rhétorique, concluant chaque grande partie de ce discours : « Le Gouvernement proposera, nous débattrons, vous voterez ». Derrière la modestie affichée et « le partage du pouvoir » annoncé, l’habileté politique de ce cadeau empoisonné vu l’état du pays et l’impasse budgétaire, est indiscutable.
Pas de rupture sur le fond
Reste la rupture de fond, c’est-à-dire le contenu de la politique à mener. Et là, force est de constater que le compte n’y est pas : on a beau chercher dans les déclarations de l’Exécutif, le cap politique du pays ne connaît pas d’inflexion notoire. Les projets budgétaires du nouveau gouvernement s’inscrivent dans la droite ligne des précédents exercices, avec encore un peu moins d’ambition, expériences cuisantes des derniers mois obligent. La perspective reste la même depuis trois ans : la hausse, tout juste ralentie à la marge, des dépenses publiques avec le même artifice « d’économies » qui, pour l’essentiel, ne sont que de moindres « dépenses fiscales » (pour parler le langage délicieux de Bercy), c’est-à dire de moindres exonérations et réductions en faveur des contribuables les plus taxés de l’OCDE ; en d’autres mots plus conformes à la vérité, autant de hausses d’impôts. Pour le reste, aucune modification de la politique en matière écologique, migratoire ou pénale, ces deux dernières étant même totalement absentes du discours du Premier ministre.
Retrait sur les retraites
Reste, objectera-t-on à raison, la suspension de la réforme des retraites qui polarise toute l’attention des commentateurs. Et c’est ici qu’entre en jeu l’impératif de la « stabilité », la suspension de la réforme étant la condition absolue de la non-censure par les socialistes et donc de la survie d’un gouvernement qui a bien failli être mort-né. On comprend que la pilule soit amère pour des députés macronistes qui ont été envoyés au feu d’une réforme très impopulaire il y a trois ans ; on comprend qu’ils menacent aujourd’hui de se rebeller au moment du vote de cette disposition. Et on comprend dès lors pourquoi le chef de l’Etat les a réunis pour une séance de calinothérapie afin de les convaincre que la « stabilité » était, hélas, à ce prix. Cet engagement direct d’un président que l’on présente volontiers comme « affaibli » et « en retrait » pourrait bien donner la clef de l’articulation délicate entre « rupture » et « stabilité » : celle-ci se trouve dans l’abandon d’une partie de l’héritage macronien pour préserver la continuité du pouvoir macroniste.
Le viatique de Machiavel
A commencer – et à conclure – par celui du chef de l’Etat, qui suit à la lettre le viatique de Machiavel sur l’objectif de tout prince dépourvu de légitimité héréditaire : comment conserver le pouvoir ? D’où l’absolu « jamais ! » opposé par ledit prince aux demandes de démission et sa ferme résolution d’utiliser « tous ses pouvoirs constitutionnels » pour l’éviter. Il le démontre par l’us et l’abus de combinaisons gouvernementales successives dont la caractéristique est une « macronisation » croissante des équipes ministérielles : l’observe-t-on assez ? Ce qui retarde (mais n’exclut pas) une possible dissolution, dont le grand inconvénient serait de poser, en cas très probable de défaite, la question de la démission avec une force redoublée.
De la rupture annoncée au point de rupture redouté
Le succès de la manœuvre est favorisé par la peur des mêmes députés macronistes à la perspective d’une telle dissolution qui signifierait la fin sèche de leur bref mandat pour une majorité d’entre eux. Il leur faut donc boire le calice du « retrait sur les retraites » jusqu’à la lie. Le Parti socialiste, il faut le lui reconnaître, a parfaitement compris la situation et le calcul présidentiel. Mais sa position de force ne peut que le pousser à multiplier les exigences, comme on le voit dans le débat budgétaire actuel.
Dès lors la question de la rupture prend un tout autre sens : où se situera « le point de rupture » de la macronie, forcée d’aller de renoncement en renoncement pour préserver en dernière instance les intérêts du seul Emmanuel Macron ?
Tel est l’enjeu décisif des prochaines semaines. Il concerne de façon encore plus critique Les Républicains, dont le parti pris en faveur de « la stabilité », c’est-à dire du confort d’un président qui les a humiliés et étrillés, reste, lui, inexplicable.
Christophe de Voogd pour Contrepoints.org




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Une réponse à “« La rupture dans la stabilité »”


A rester inaudibles du peuple, les Républicains s’enfoncent chaque jour un peu plus!
Le plat de lentilles, rien que le plat de lentilles!!!