Le Québécois qui ébranle la bien-pensance (1/3)

Publié par le 9 Mai, 2019 dans Blog | 0 commentaire

Le Québécois qui ébranle la bien-pensance (1/3)

Ils se lèvent et renversent la table !

Après des décennies d’hégémonie de la pensée de gauche relayée complaisamment par la majorité des médias, la droite a repris l’offensive.

Ce sont des journalistes (à dose homéopathique), des chroniqueurs encore rares, des polémistes (souvent interdits d’antennes) et même quelques philosophes qui ont repris le combat.

On citera pêle-mêle  André Bercoff, Ivan Rioufol, Eric Zemmour, Alain Finkielkraut, Gilles Kepel, Georges Bensoussan et quelques autres …

Il n’y a pas qu’en France que la bien-pensance tente d’étouffer tout débat notamment sur l’identité et l’immigration. Cette semaine, Valeurs actuelles a consacré tout un dossier à un Québécois, Mathieu Bock-Côté qui bouscule le politiquement correct chez nos cousins du Canada et qui participe aussi au débat politique français. Le dossier complet est disponible ici en pdf.

Je vous propose deux articles pour rendre dompte de ce dossier :

  • Une présentation de Mathieu Bock-Côté, par Laurent Dandrieu,
  • Son interview par Valeurs actuelles.

1 – Présentation de Mathieu Bock-Côté

Mathieu Bock-Côté s’est imposé en peu d’années comme une figure centrale du débat intellectuel français, situation confirmée par la publication du tout récent l’Empire du politiquement correct. Position originale qui est le produit d’un intérêt précoce pour la vie intellectuelle française et d’un souverainisme qui continue à voir la France comme la mère patrie du Québec.

Ne comparez jamais Mathieu Bock-Côté à un bûcheron canadien, vous risqueriez doublement de l’énerver – ou de « l’énarver », comme disent les Québécois quand ils sont vraiment contrariés: d’abord, parce qu’en dépit de son imposante carrure il n’a jamais pratiqué le noble art de l’abattage forestier, ni dévalé les rapides en équilibre sur des rondins fraîchement coupés; ensuite – et surtout -, parce qu’il n’est pas canadien. Ou s’il l’est, c’est à son corps plus que défendant, et il « travaille activement à ne plus l’être », comme il le répète à l’envi.

Avant d’être conservateur, sociologue ou essayiste, avant toute chose, Mathieu Bock-Côté est un indépendantiste québécois. Indépendantisme qu’avec l’amour des livres et des idées, et une certaine conception de la générosité intellectuelle et humaine, il a appris à la mamelle. « Mon père, Serge Côté, professeur d’histoire et homme d’une droiture exceptionnelle, a toujours été indépendantiste. Ma mère, Muguette Bock, était une femme d’une bonté infinie, l’incarnation de la tradition paysanne canadienne française. Ma famille n’était pas militante, mais elle était d’une fidélité naturelle et spontanée à la cause nationale québécoise. »

Les parents de Mathieu, sans avoir la foi, ne partagent pas cette aversion pour le catholicisme si répandue au Québec, et ont fait suivre à leurs deux enfants une instruction religieuse pour qu’ils connaissent cette part fondamentale de l’identité québécoise. Le futur essayiste, qui a donné à Noël à Valeurs actuelles un très beau texte sur les racines chrétiennes comme vecteur de civilisation, saura s’en souvenir, même s’il nous confesse: « De temps en temps, rien ne me semble plus étranger que la foi, de temps en temps rien ne me semble plus proche, mais plus je cherche à la saisir, plus elle m’échappe. » […]

À 25 ans, Mathieu Bock-Côté décide alors de privilégier la vie intellectuelle et de ne plus agir en politique qu’en tant qu' »influenceur », un pied à l’université (il est aujourd’hui chargé de cours à HEC Montréal), un autre dans les médias. Et puisque c’est le sens de l’identité qui manque au souverainisme québécois, il va mettre cette notion au centre de sa vie intellectuelle. Il publie en 2007 un premier livre appelé la Dénationalisation tranquille, fait plus tard une percée en France avec le Multiculturalisme comme religion politique (Les Éditions du Cerf, 2016), étudie dans le Nouveau Régime (Boréal, 2017) la mutation des démocraties occidentales en systèmes de déracinement, avant, dans son tout récent ouvrage, l’Empire du politiquement correct, de  montrer comment ce nouvel « ordre diversitaire » s’emploie à réduire au silence ses dissidents. […]

Ce rôle d’intellectuel militant ne va pas sans faire grincer des dents dans un Québec où le consensus est la vertu suprême. Preuve de la pertinence de son nouveau livre l’Empire du politiquement correct, un débat que MBC devait avoir le 9 mai dans une librairie de Montréal a dû être annulé en raison de menaces.

Certains au Québec aimeraient bien le « zemmouriser ». L’historien québécois Éric Bédard, l’un de ses amis proches, nous confie: « MBC est beaucoup moins provocateur que Zemmour mais, comme lui, il a ses admirateurs inconditionnels et ses ennemis déclarés. Ceux qui le détestent prennent rarement le temps de lire ses livres. » L’écrivain Denise Bombardier vient de lui consacrer dans le Journal de Montréal un texte au titre significatif, « Nul n’est prophète en son pays »: « MBC est mal jugé par ceux au Québec qui n’admettent guère qu’un intellectuel assume d’être de droite et conservateur. C’est ce qui explique sans doute pourquoi ce jeune homme n’a pas réussi à devenir professeur à l’université […] .Ceux qui jouent à l’ignorer au Québec […] sont nombreux dans les médias. Le Devoir l’ignore, sauf pour lui coller d’office l’étiquette, si répandue au Québec pour désavouer quelqu’un, de droitiste. Et on croit le neutraliser après l’avoir diabolisé. » […]

Car Mathieu Bock-Côté est bel et bien devenu un intellectuel français à part entière, à tel point qu’il a débattu il y a quelques semaines, d’égal à égal, avec BHL dans les colonnes du Figaro Magazine. Cela s’est fait, pour lui, naturellement: « Depuis toujours, j’habite mentalement la France. » […]

Le point de départ de son insertion au monde intellectuel français date de 2007: un de ses amis suggère à Alain Finkielkraut de consacrer un Répliques au Québec et de l’inviter. Une invitation qui en provoquera d’autres, et des articles publiés dans la presse française, de la revue le Débat à Valeurs actuelles. Parmi les auditeurs attentifs de Répliques, un journaliste du Figaro, Guillaume Perrault, qui sept ans plus tard lui proposera d’écrire une chronique régulière sur Figaro Vox. […]

Des qualités humaines qui n’ont pas compté pour rien pour en faire une coqueluche des médias français, multipliant les plateaux télé :« Pour réussir à la télévision, nous explique Léa Salamé, qui ne manque pas une occasion de l’inviter, il faut nécessairement une singularité. Mathieu la possède indéniablement, ne serait-ce que par son physique qui reste en mémoire, mais aussi par sa faconde, sa présence et sa générosité, sans oublier cet accent qui le rend immédiatement sympathique. Et puis naturellement par son positionnement politique, quelque part entre Zemmour et Finkielkraut, avec en plus ce regard étranger posé sur notre pays par un amoureux de la France. »

Interrogé ces jours-ci par une antenne québécoise, Qub Radio, Guillaume Perrault soulignait pour sa part comme première raison du succès de MBC « son engagement personnel: ce n’est pas de l’eau tiède, il assume ses idées, mais c’est toujours très argumenté, très courtois, très calme. L’autre raison, c’est que c’est touchant, pour des Français, de voir à quel point un intellectuel québécois connaît aussi finement la vie politique et l’histoire française ».

Cet éclairage québécois sur la réalité de notre pays est évidemment l’un des apports de MBC à notre débat public, comme le souligne pour nous Philippe de Villiers: « C’est beaucoup plus qu’un sociologue, c’est un penseur qui habille de pensées profondes son coeur d’écorché vif, qui voit d’autant mieux la France glisser à l’abîme qu’il a vu le Québec nous précéder sur le toboggan. C’est un éveilleur qui nous dit: voilà ce que vous risquez de devenir, car voilà ce que nous sommes devenus. »»

Récemment, recevant MBC dans Quotidien, Yann Barthès faisait mine de s’étonner qu’un intellectuel étranger intervienne dans le débat politique français: « À ma grande surprise, j’ai révélé la part chauvine de Yann Barthès, s’amuse devant nous Mathieu. Cela dit, si j’avais été un homme de gauche accusant la France de racisme, Barthès m’aurait félicité de dénigrer son pays ... » Se voulant « spectateur engagé », selon la belle formule de Raymond Aron, MBC ne dissimule pas ses convictions: « Il faudrait un effort d’imagination considérable pour croire que je suis un socialiste multiculturaliste tendance écolo … »; mais il tient à sa position d’observateur, même s’il ne dédaigne pas d’exposer ses vues aux hommes politiques qui le sollicitent, Laurent Wauquiez ou Bruno Retailleau notamment, et s’il entretient des rapports d’estime réciproque avec François-Xavier Bellamy.

Il n’oublie pas qu’à la façon d’un Huron il n’est en France qu’un visiteur, qui s’en voudrait de manquer à la réserve qui convient aux hôtes de passage et de contrevenir chez nous à ce slogan nationaliste de la « révolution tranquille » québécoise: « ‘Maîtres chez nous’, ce magnifique slogan de 1962, qui demeure pour moi l’horizon de notre vie collective. » Et que, s’il a un agenda politique, celui-ci n’est pas en France mais de l’autre côté de l’Atlantique: défendre l’identité des Québécois, « qu’on voudrait transformer en minorité ethnique folklorique, et qui s’obstinent avec raison à vouloir demeurer un peuple ». Une cause qui devrait nous être d’autant plus sympathique que « le Québec est le seul endroit où se poursuit l’aventure formidable de l’Amérique française, sous le signe d’unÉtat qui pourrait un jour devenir indépendant ». Fierté d’appartenir à une nation qui doit son origine à une aventure coloniale, qui n’est que l’une des innombrables façons qu’a Mathieu Bock-Côté de braver le politiquement correct.

Laurent Dandrieu pour Valeurs actuelles.

A suivre : l’interview de Mathieu Bock-Côté.

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