Concernant l’Algérie, la gauche a la mémoire courte

Publié par le 26 Sep, 2018 dans Blog | 0 commentaire

Concernant l’Algérie, la gauche a la mémoire courte

La mémoire de Maurice Audin vient d’être honoré par Emmanuel Macron qui a reconnu la responsabilité de l’Etat français dans sa mort.

Pourquoi honorer Maurice Audin et pas d’autres victimes de cette sale guerre d’Algérie ? Par cet acte fort, Emmanuel Macron remets inopportunément deux thunes dans le bastringue de la repentance.

La gauche, évidemment, applaudira des deux mains. Et pourtant elle devrait la jouer modeste !

Car on pourrait juste lui rappeler qu’elle-même, la gauche, porte une lourde responsabilité dans les tortures infligées à Maurice Audin puisque c’est le socialiste Guy Mollet qui fit voter à sa majorité socialo-communiste les pleins pouvoirs au gouvernement ainsi que le transfert des pouvoirs de police à l’armée.

C’est Catherine May qui raffraichit la mémoire de la gauche dans cet article paru dans le dernier numéro de Valeurs actuelles :

Il n’y a pas que Maurice Audin

Il est mort sous la torture, vient de reconnaître Macron. Mais quid de tous les autres, Français et Algériens, tués de la même façon par les deux camps ?

Au nom de la République, le président Macron a reconnu que Maurice Audin avait été torturé à mort ou tué par des militaires après avoir été torturé. n a rendu visite à sa veuve. Ce geste était attendu depuis soixante et un ans par la famille du mathématicien. Retour en arrière. Le 11 juin 1957, en pleine bataille d’Alger, des parachutistes arrêtent à son domicile Maurice Audin. ll a 25 ans, il enseigne à la faculté des sciences d’Alger. Il est le père de trois enfants âgés de 3 ans, 18 mois et 1 mois. Sa femme ne le reverra plus. Quand elle interrogera les autorités, on lui dira qu’il s’est évadé. On n’a jamais retrouvé son corps. Depuis cinquante ans, des historiens (Pierre Vidal-Naquet), des journalistes (Henri Alleg) contredisaient la version officielle : Audin était mort sous la torture. En 2014, François Hollande reconnaîtra qu’Audin était mort en détention. Il viendra à Alger pour inaugurer une stèle qui porte son nom. Pour les Algériens, le mathématicien est un martyr et un héros.

À travers ce cas tragique, Emmanuel Macron entend rétablir la vérité historique. Très bien. À condition de regarder l’histoire en face et ne pas être borgne.

Maurice Audin était un militant du Parti communiste algérien,
anticolonialiste, qui fabriquait des bombes pour le FLN.

Catherine Nay

Audin était alors en délicatesse avec le Parti communiste français, qui, jusqu’en 1957, était contre l’indépendance. Il distribuait des tracts, hébergeait des amis en cavale, des poseurs de bombes ? On était en pleine bataille d’Alger, depuis plus d’un an la ville vivait dans une angoisse indescriptible. Les attentats étaient quasi quotidiens. Des bombes (plus de 200 en dix-huit mois) explosaient dans les cafés, les lieux publics, et les victimes étaient en majorité des Français.

En novembre 1954, François Mitterrand, ministre de l’Intérieur, déclarait : « L’Algérie, c’est la France, [il faut] employer tous les moyens pour la préserver. » Tous les moyens, en effet. En mars 1956, le socialiste Guy Mollet, président du Conseil, faisait voter par l’Assemblée nationale, à une écrasante majorité, socialistes et communistes réunis, les pouvoirs spéciaux au gouvernement et confiait les pouvoirs de police à l’armée. À elle de faire le sale boulot : rétablir l’ordre à tout prix.

Pour les militaires et pour la gauche, Maurice Audin était un traître.

Il n’était pas du côté de la France mais du FLN. Soixante et un ans plus tard, il est l’une des victimes emblématiques d’une tragédie collective. Mais il n’est pas le seul. Quand on voit la photo du jeune couple Audin, lui avec des faux airs de Gérard Philipe, elle ravissante, on lit une promesse de bonheur brisée. On songe à sa famille meurtrie et inconsolable, et on est envahi par l’empathie et la compassion. Mais peut-on réécrire l’histoire avec les sentiments d’aujourd’hui ?

Des historiens, comme Benjamin Stora, jugent que ce geste présidentiel favorisera la réconciliation avec les Algériens. Voire. La guerre d’indépendance a été marquée de violences réciproques et de milliers de disparitions jamais élucidées. L’histoire officielle algérienne n’a jamais désavoué les méthodes terroristes du FLN. La repentance ne fait pas partie du vocabulaire. Pourquoi ceux qui font un procès moral à l’armée française ne demandent-ils pas les mêmes comptes au FLN algérien qui est au pouvoir ? Deux poids, deux mesures.

Reconnaître que Maurice Audin a été torturé et assassiné rétablit une vérité, mais crée aussi un déséquilibre. Combien d’autres morts, d’autres torturés ? On voudrait que le même travail soit fait des deux côtés. Le général Massu, qui, pour définir la torture, parlait de « questionnement brutal », racontait qu’on retrouvait dans les champs autour d’Alger beaucoup de Français, des jeunes du contingent, des Algériens aussi, affreusement torturés, le nez arraché, émasculés, décapités. La terreur.

Déjà, en février 2017, Emmanuel Macron en visite à Alger assimilait la colonisation à un crime contre l’humanité. Ce qui avait déclenché une vive polémique chez les rapatriés, eux qui n’eurent le choix qu’entre la valise et le cercueil. Toutes les victimes de cette guerre devraient avoir droit aux mêmes égards. Le président souhaite l’ouverture des archives sur les disparus, civils et militaires, des deux camps.

Chiche !

Catherine Nay pour Valeurs actuelles.

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