Gilets jaunes : les motifs profonds de la révolte

Publié par le 21 Jan, 2019 dans Blog | 0 commentaire

Gilets jaunes : les motifs profonds de la révolte

Emmanuel Macron a mis plus d’un mois à comprendre, au moins en partie, le mouvement des Gilets jaunes !

Pour décrypter les ressorts de ce mouvement, rien ne vaut le regard d’un homme du terroir ! Et Emmanuel Macron est tout sauf un homme de terroir ! Jamais élu et jamais confronté au quotidien des Français modestes !

Qui mieux que Denis Tillinac pouvait jouer ce rôle ?

C’est ce qu’il vient de faire dans sa chronique parue dans Valeurs actuelles :

Des réglementations liberticides, une police sémantique, des budgets mal bouclés, tant d’efforts ont été demandés aux Français sans rien leur apporter en retour.

Mon village est dans les confins de ces « territoires oubliés » dont les sociologues, les politiques et les médias semblent découvrir l’existence depuis peu. Presque chaque jour je prends ma voiture pour aller acheter du pain ou des cigarettes, consulter mon toubib, gagner la gare la plus proche. Comme la plupart des autochtones, je roule à 90, avec des pointes à cent dans les lignes droites. Nous connaissons les routes, l’emplacement des radars, et les gendarmes en voie de raréfaction ont mieux à faire qu’à verbaliser pour excès de vitesse. Mais depuis qu’Édouard Philippe a cru devoir nous infliger le 80 à l’heure, certains automobilistes respectent ce diktat, soit par abus d’esprit civique, soit par crainte de se faire flasher. Pour peu que la route soit tortueuse, on a du mal à les doubler. À bout de nerfs, on finit par s’y résoudre au risque de provoquer un accident.

Officiellement, la mesure a été édictée aux fins de sauver des vies humaines. Des statistiques voudraient nous en convaincre. En vain: à supposer qu’elles traduisent une réalité, chose improuvable, plus personne ne croit aux statistiques mitonnées par nos technos, dégainées par nos gouvernants pour se refaire la cerise ou courir aux abris. Ont-ils mesuré l’exaspération d’un automobiliste lambda, déjà astreint à passer du llO au 90, puis au 70, puis au 50 et quelquefois à 30, depuis l’instauration, sans débat public, de cet absurde 80 ? Chaque fois qu’il aperçoit le panneau, il maugrée en son for intérieur un « connards » qui englobe pêle-mêle Macron, Philippe, leurs ministres, leurs suiveurs – en gros ces « élites » qui plastronnent sans relâche devant des micros ou derrière le petit écran.

Il y a plus grave, me dira-t-on. Sans doute. Il est néanmoins très probable que la surtaxe sur les carburants aurait été moins mal reçue sans ce préalable. Car nous avons tous perçu le mauvais coup du 80 comme une entrave à notre liberté. Elle s’ajoute au flux tendu de réglementations qui nous corsètent à un rythme accéléré. Lesquelles se surajoutent à l’incroyable police sémantique qui nous astreint à taire ou à euphémiser ce qu’il nous plairait d’exprimer. D’où le procès en arrogance instruit par les « gilets jaunes »: on gourmande les citoyens, on les infantilise. On les culpabilise au nom d’une morale prescrite par ces « élites » dont l’amoralisme foncier n’est plus à prouver. On nous tympanise avec des incantations écolos pour nous faire gober des taxes, impôts et charges à répétition ne visant qu’à boucler le budget.

En outre il est mal bouclé, n’en déplaise à Bercy: la dette et les déficits ne diminuent pas. D’où le procès en incompétence, instruit par les mêmes « gilets jaunes ». Considérant à juste titre que la classe dirigeante a failli, ils en arrivent à contester les fondements même de la démocratie représentative, certains exigeant une « Constituante », d’autres des référendums au gré des humeurs.

Ces revendications, l’histoire nous instruit qu’elles sont dangereuses. Mieux vaut laisser aux urnes les mots de la fin. Mais à qui la faute si les verdicts des urnes sont délégitimés ? Lors du dernier référendum, les gouvernants ont invalidé cyniquement à Lisbonne le choix des électeurs. Exemple parmi tant d’autres de la « trahison des clercs ». Macron est le bouc émissaire d’une vindicte populaire qu’il n’apaisera pas avec des mesures concoctées par des technos et habillées par des communicants. Merci, on a tous donné; ces placebos n’amusent plus que le sérail parisianiste. Si, à l’occasion du « débat » annoncé dans sa lettre, il nous les ressort, le bide est garanti.

Macron ne sortira de l’impasse où il tergiverse qu’au prix de décisions politiques dignes d’un vrai chef. Il doit en priorité comprendre les motifs profonds de la révolte des « gilets jaunes », au-delà de leurs desiderata explicites. Car une cohérence recouvre ce qui semble verbeux et utopique. Ensuite il doit nous surprendre et forcément ça passera par un dégagisme : il ne peut plus gouverner avec la camarilla qu’il a mise sur orbite et qui jour après jour l’a isolé, pour ne pas dire décervelé.

Le voudra-t-il ? Osera-t-il ?

Denis Tillinac pour Valeurs actuelles.

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