Jupiter, despote démocratique éclairé

Publié par le 16 Mar, 2018 dans Blog | 0 commentaire

Jupiter, despote démocratique éclairé

Catherine Nay est une espèce rare à protéger !

Oui, elle est une journaliste et chroniqueuse plutôt classée à droite. Il faut donc saluer son courage …

Elle participe à de nombreuses émissions en tant que chroniqueuse et a écrit plusieurs ouvrages politiques : Les Sept Mitterrand ou les Métamorphoses d’un septennat, Un pouvoir nommé désir, L’Impétueux : Tourments, tourmentes, crises et tempêtes.

Catherine Nay tient aussi une chronique dans Valeurs actuelles dont voici maintenant la dernière qui analyse la manière autoritaire de gouverner d’Emmanuel Macron :

Depuis qu’il est élu, Emmanuel Macron ne cesse de se démarquer des corps intermédiaires. Ceux-ci ne doivent pas lui faire perdre son temps.

La grande réforme institutionnelle voulue par Emmanuel Macron sera présentée en Conseil des ministres à la mi-avril. Le feuilleton ne fait que commencer. Déjà, la réforme qui s’annonçait brûlante pourrait être explosive. Les grandes lignes, on les connaît:

  • la réduction du nombre des parlementaires;
  • la limitation du cumul des mandats dans le temps (pas plus de trois mandats successifs); 
  • l’introduction d’une dose de proportionnelle.
  • Mais aussi le changement climatique (une  »envie personnelle du président »), 
  • et aussi le service national universel, etc., etc.

Un fourre-tout!

Pour éviter que les débats parlementaires ne traînent en longueur et pour rendre plus efficace le travail législatif, le Premier ministre voudrait limiter le droit d’amendement des députés. Depuis plusieurs années, le nombre d’amendements a en effet explosé. Neuf mille trois cent cinquante-six pour le « mariage pour tous » en 2013. À titre de comparaison, 28 amendements lors du débat de la peine de mort en 1981. Les plus anciens plaident qu’il n’y a jamais trop de débats, que l’amendement est un droit sacré. Et voilà que le Premier ministre en a rajouté une louche: plus un groupe parlementaire serait petit, plus son nombre d’amendements serait limité. Même les plus macronistes des députés jugent qu’il va trop loin: réguler oui, mais il ne faut pas tuer l’opposition. On s’interroge: est-ce un jeu tactique de Matignon pour créer des rapports de force et mieux négocier ? On est dans une phase d’échauffement.

C’est aussi le style d’Emmanuel Macron qui inquiète.

Depuis qu’il est élu, il ne cesse de se démarquer des corps intermédiaires. Partant du postulat qu’il a raison et que les autres ont tort, ceux-ci ne doivent pas lui faire perdre son temps. « Jupiter est un despote démocratique éclairé ». moque un sénateur. Et quand l’opposition joue son rôle, la seule réponse du gouvernement est de fustiger le conservatisme de l’ancien monde.

Mais au fait, c’est quoi le nouveau monde ?

Un président tout-puissant, un gouvernement soumis qui le craint et une majorité déférente où les frondeurs n’ont pas droit de cité. Avec Emmanuel Macron, disent tous ses interlocuteurs, ça commence toujours par un numéro de séduction. Il vous jette un charme comme d’autres un sort. Mais si vous n’acquiescez pas à son propos, il menace et se montre implacable. Par exemple, en lâchant aux parlementaires: « Si vous ne voulez pas voter ma réforme constitutionnelle, je ferai un référendum. » Aujourd’hui, les Français approuvent massivement son projet. Mais il devrait s’en méfier: tout dépend du moment où on leur pose la question. Or le désarroi s’accroît dans les territoires.

Premier de cordée pour mener la fronde : Gérard Larcher.

 

Le président du Sénat accuse Emmanuel Macron de nourrir l’antiparlementarisme. C’est la réduction à trois mandats successifs qui le chagrine. Il y voit une atteinte à la liberté des citoyens de choisir leurs élus et à la liberté d’être candidat. Il faut laisser respirer le système, plaident les macronistes. Respirer ? Si l’on avait appliqué cette règle, sans remonter à Clemenceau, François Mitterrand, Valéry Giscard D’Estaing et Jacques Chirac auraient été éliminés.

Quant à la réduction du nombre des parlementaires … François Fillon, Nicolas Sarkozy l’avaient eux-mêmes proposée. Or notre pays n’est pas celui qui compte le plus de députés par habitant : 577 députés, 348 sénateurs pour 67 millions d’habitants. Le Royaume-Uni : 65 millions d’habitants, 650 députés aux Communes et autour de 800 membres à la Chambre des Lords. Réduire le nombre de parlementaires risque de distendre encore plus le lien entre l’élu et la population. « Il faut faire attention, car le citoyen a besoin de proximité », avertit Gérard Larcher.

Quant à la proportionnelle, « ce sera juste une dose », prévient Emmanuel Macron. Une dose, pour quoi faire ? En réalité, pour honorer son accord avec François Bayrou, lequel, pour prix de son soutien à la présidentielle, l’avait exigé afin de se garantir un minimum d’élus.

La vieille politique !

Peut-on imposer pareille réforme sans un minimum d’assentiment au sein des deux assemblées ? Une chose est sûre: ce sera un choc des cultures entre l’ancien et le nouveau monde.

Catherine Nay pour Valeurs actuelles.

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