Laissons la science chasser l’idéologie (Suite et fin)

Publié par le 25 Juin, 2018 dans Blog | 0 commentaire

Laissons la science chasser l’idéologie (Suite et fin)

« Science sans conscience
n’est que ruine de l’âme ! »

Rabelais serait l’auteur de cette maxime mais, à tout prendre, je préfère que ce soit la science qui risque de ruiner mon âme plutôt qu’une idéologie dont je rejette totalement les fondements d’égalitarisme forcené !

L’idéologie gauchiste a ruiné l’école française alors voyons ce que la science a à nous proposer en terme d’éducation !

Comme promis voici l’interview que Jean-Michel Blanquer a donné à Sciences et Avenir dans son numéro dédié aux capacités du cerveau. Elle fait suite à un précédent article : Et si on laissait la science chasser l’idéologie …

Je vais encore contrarier Suzanne qui semble vouer au ministre de l’Education nationale un mépris farouche mais je ne partage pas du tout – pour une fois – l’opinion de notre chère contributrice …

Rencontre avec le ministre de l’Éducation nationale qui souhaite adapter les apprentissages en fonction des découvertes des neurosciences dès la rentrée.

Sciences et Avenir : Vous avez mis en place cette année le Conseil scientifique de l’Éducation nationale (CSEN). Est-ce que l’on se dirige vers une éducation fondée sur la preuve scientifique ?

Jean-Michel Blanquer : L’école est consubstantiellement reliée aux méthodes de la science et il faut faire en sorte que les politiques publiques avancent à la lumière des connaissances. Les données des sciences cognitives – qui englobent les neurosciences mais ne s’y limitent pas – ne représentent pas l’alpha et l’oméga de ce qu’il faut penser sur l’éducation, mais on ne saurait rester à l’écart. Montaigne disait que l’éducation est « la chose la plus importante et difficile de toute la science humaine ». Il nous faut donc avancer avec humilité, en ayant le sens de l’expérimentation et la volonté de progresser grâce à toutes les dimensions de la science.

Sciences et Avenir : Tous les enseignants ne sont pas forcément au fait des sciences cognitives, comment comptez-vous les former ?

Jean-Michel Blanquer : Les professeurs, qui ont pour mission d’avoir une vision personnalisée de chaque élève, doivent être formés pour acquérir les connaissances nouvelles sur les mécanismes d’apprentissage. Les sciences cognitives auront donc toute leur place dans les écoles supérieures de professorat, et dans les cursus de formation continue que l’on peut faire évoluer plus rapidement Des programmes en ce sens ont d’ailleurs déjà été mis en place par l’École supérieure de l’Éducation nationale [chargée de la formation des cadres de l’Éducation nationale].

Sciences et Avenir : Quelles seront les recommandations du CSEN ?

Jean-Michel Blanquer : La réforme de la formation des professeurs, menée directement avec la ministre de l’Enseignement supérieur, est en cours et devrait avoir un premier impact à la rentrée 2019. Ce que dira le CSEN aura évidemment une influence sur sa conception. D’ores et déjà, nous savons qu’il y a deux piliers essentiels d’une bonne formation : une recherche de niveau international pour irriguer les enseignements d’une part; une formation assurée pour l’essentiel par des praticiens expérimentés d’autre part.

Sciences et Avenir : Que répondez-vous à ceux qui, comme le spécialiste en sciences cognitives Olivier Houdé, craignent « qu’on impose les neurosciences sans concertation » ?

Jean-Michel Blanquer : Le CSEN n’a pas d’autorité hiérarchique. Il conseille le ministre en faisant émerger les meilleures approches possibles à la lueur des recherches internationales sur le sujet. Il est pertinent que l’autorité politique prenne des décisions en conscience, en fonction de ce que les différentes disciplines peuvent apporter : Ainsi, nous allons refaire en septembre une évaluation des élèves de cours préparatoire avec l’aide du CSEN, afin de déployer les meilleurs outils pour évaluer les compétences des enfants.

Sciences et Avenir : La nomination de Stanislas Dehaene, neurso-scientifique, professeur au Collège de France, à la tête du CSEN n’est-elle pas quand même la marque de cette domination des neurosciences ?

Jean-Michel Blanquer : Il s’agit d’un faux procès. Sur 21 membres du CSEN, seuls six peuvent être rattachés de près ou de loin aux sciences cognitives. Stanislas Dehaene, reconnu mondialement, est lui-même à la croisée de plusieurs disciplines. Ceux qui le connaissent et le lisent savent qu’il n’a aucune intention d’imposer sa discipline. Je vois derrière ces critiques une forme d’obscurantisme. L’arrivée d’une discipline nouvelle dans un champ donné a souvent suscité des craintes, des déstabilisations voire des levées de boucliers. C’est une constante dans l’histoire des sciences. Je ne suis donc pas surpris de certaines réactions.

Sciences et Avenir : Que répondez-vous à ceux qui vous reprochent une démarche scientiste ?

Jean-Michel Blanquer : J’ai répété maintes fois que les neurosciences n’ont pas la prétention de tout décrypter, les premiers à le dire étant les neuro-scientifiques eux-mêmes. Ils sont au début d’un processus de recherche et, dans le domaine de l’éducation, nous avons tout à gagner à être éclairés sur le sujet. Contrairement à ce qui est dit ici ou là, nous ne sommes pas dans une vision simpliste et mécaniste de l’être humain, c’est tout le contraire ! Pour ma part, j’ai été formé aux sciences humaines et sociales et suis particulièrement sensible à l’importance de la psychologie, de l’histoire, de la sociologie dont les apports sont très importants. Mais, de grâce, que de ces disciplines ne viennent pas des attaques contre une autre sous prétexte qu’elle serait trop compétitive !

Sciences et Avenir : L’inspection générale avait publié un rapport en 2013 à partir de deux expérimentations que vous aviez menées à l’académie de Créteil, affirmant que les élèves ne doivent pas être des « cobayes ». Comment allez-vous gérer ce problème éthique ?

Jean-Michel Blanquer : L’expression « cobaye » est mal venue car elle peut conduire à réfuter toute expérimentation et donc, d’une certaine façon, tout progrès. De nouveau, c’est un argument que l’on retrouve chez tous ceux qui n’ont pas envie que les choses changent. Il y a un principe éthique simple : ne surtout pas nuire à l’enfant. C’est pourquoi nous discuterons toujours des expérimentations mises en place avec des psychologues et des spécialistes de différentes disciplines. Il faut rester vigilant à chaque étape du processus et en même temps on doit continuer d’évoluer.

Sciences et Avenir : Des initiatives, fondées sur les sciences cognitives, ont été lancées spontanément par des réseaux d’enseignants (cogni’classes, LEA, Neurosup, Atol…) Allez-vous les intégrer dans votre programme ?

Jean-Michel Blanquer : L’« école de la confiance » que je promeus laisse beaucoup de liberté aux initiatives locales, en lien avec l’institution, en veillant à ce que l’unité nationale sur les grands enjeux soit respectée. Je suis donc très ouvert à ces expérimentations qui permettent de regarder comment certaines des conclusions des sciences cognitives trouvent une application pertinente dans la classe. Mais toutes ces initiatives n’ayant pas encore été évaluées, il est trop tôt pour vous dire si certaines seront retenues.

Propos recueillis par Carole Chatelain et Elena Sender pour Sciences et Avenir.

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