Louis Althusser, Bertrand Cantat, même combat ?

Publié par le 2 Avr, 2018 dans Blog | 0 commentaire

Louis Althusser, Bertrand Cantat, même combat ?

Deux poids, deux mesures, la signature de la gauche !

Fort de ce sentiment de détenir « La vérité » et de représenter le « camp du Bien », la gauche pratique en permanence la pratique du deux poids, deux mesures.

Elle est prête à accabler les hommes politiques de droite dès le moindre de leurs écarts, tout en se montrant complaisant avec les hommes politiques de gauche.

Elle garde les yeux de Chimène pour les terroristes lorsqu’ils se disent d’extrême gauche (cf Battisti) et même pour les dictatures si elles sont de gauche (cf Cuba avec Fidel Castro).

Cette semaine, dans Valeurs actuelles, Jeannette Bougrab, compare le traitement qui est fait à Bertrand Cantat à celui réservé à un autre meurtrier de sa femme :

Pour tuer sa femme, mieux vaut être un philosophe communiste inscrit sur la liste des commémorations plutôt que le chanteur d’un groupe de rock !

Hélène Rytmann

Elle s’appelait Hélène Rytman, c’était une petite fille juive de famille russe modeste, orpheline à 13 ans. Pendant l’Occupation, elle refusa de porter l’étoile jaune. Elle entra alors dans la Résistance. Son pseudonyme était Legotien. Elle fut à la tête d’un petit réseau de maquisards. Elle échappa plusieurs fois à des rafles de la Gestapo. Elle, la miraculée, succomba non pas sous la torture de collabos ou déportée dans les camps de la mort, mais des mains de celui avec lequel elle avait partagé sa vie pendant trente ans. Elle savait qu’elle devait le quitter, elle le menaça de le faire. Comme dans beaucoup de cas de violences conjugales, c’est au moment où l’homme prend conscience que la femme lui échappe qu’il passe à l’acte. Une femme meurt tous les trois jours des coups portés par son conjoint en France. Mais voilà, l’époux d’Hélène n’était pas Monsieur tout le monde, c’était le philosophe Louis Althusser.

En 2018, ce n’est pas la mémoire  d’Hélène que l’on va commémorer, mais celle de son bourreau. Comment est-ce possible, aujourd’hui, en France, à l’heure du #Metoo à tout va ? Quelle supercherie intellectuelle ! Géraldine Mosna-Savoye, journaliste, sur France Culture, le 13 mars dernier, pose comme accroche à sa chronique la question suivante: « 2018 serait-elle l’année d’Althusser ? En octobre, nous fêterons les cent ans de sa naissance […] l’occasion de rappeler ses grandes heures. » Les bras m’en tombent. Je demeure sans voix de constater que malgré le geste irréparable, que certains obscènes continuent de qualifier d’amour, Louis Althusser va être célébré. D’ailleurs, le ministère de la Culture, dans le Livre des commémorations nationales 2018, le mentionne page 217, entre René Rémond et le lancement de l’offensive du Printemps, en 1918. Sa présence dans cette bible de la Rue de Valois ne suscite aucun émoi, contrairement à celle de Charles Maurras retirée sous la pression médiatique.

En fait, son aura n’a jamais décliné. Alain Badiou le place dans son Petit Panthéon portatif (La Fabrique Éditions). Bernard-Henri Lévy le considère comme un phare à qui il a « bien failli tout devoir ». Élisabeth Roudinesco le voit comme le Rimbaud du marxisme. Les choses auraient-elles été différentes si le locataire de la Rue d’Ulm, l’ancien caïman, avait été jugé par un tribunal ? Il a été déclaré irresponsable car en état de démence au moment des faits, au sens de l’ancien article 64 du code pénal. Certains y ont alors vu la reconnaissance d’une souffrance psychique et qu’en réalité il cherchait non pas à tuer sa femme mais à se suicider. Jean-Paul Enthoven, dans un article publié en 1998, intitulé « Althusser et l’amour fou » écrit: « Il étrangla comme on se suicide. »

Les commentateurs réécrivant une histoire de violences conjugales en histoire d’amour sont encore légion. Jean Birnbaum, dans le Monde, raconte une anecdote pour justifier de son admiration pour Althusser. Il parle d’une amie qui venait de dévorer des lettres que le philosophe avait écrites à Hélène entre 1947 et 1980 : « C’est simple, dit-elle, si un homme m’envoie des lettres comme celles-là pendant trente ans, je veux bien qu’il m’étrangle à la fin ! » Dans les maigres trois lignes de l’article qui sont consacrées à Hélène, elle dont le larynx a été broyé un dimanche matin, le journaliste se permet d’écrire qu’elle n’était « pas commode ». Cette chronique dithyrambique pour Althusser, je la trouve déplacée.

Quand il s’agit d’un marxiste de salon, les intellectuels du Café du Flore n’ont aucune difficulté à occulter la part sombre de l’homme, à s’extasier en réécoutant un débat à la Sorbonne avec Michel Foucault, à découvrir un entretien à la télévision italienne d’Althusser expliquant son engagement communiste pour la fraternité universelle et de ne cesser d’encourager de lire et relire ses écrits Pour Marx, Lire le Capital aux éditions Maspero ou encore L’avenir dure longtemps.

Comment ne pas faire un parallèle avec Bertrand Cantat et la mort de Marie Trintignant, lui condamné à huit ans de prison, dont le retour sur scène s’est fait sous les crachats et les injures ? Pourquoi, quand il s’agit d’un normalien mégalo se comparant à Descartes, Rousseau ou encore Kant, narcissique de surcroît, se présentant comme une victime, devrait-on avoir à mettre notre éthique entre parenthèses et oublier jusqu’au nom de celle qu’il a tuée ? Paraphrasant Albert Camus dans la préface des Lettres à un ami allemand, je ne déteste que les bourreaux, je ne souhaite donc pas qu’Althusser soit célébré, lui qui tua Hélène.

Jeannette Bougrab pour Valeurs actuelles.

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