« Marguerite Duras n’a pas écrit que des conneries … Elle en a aussi filmées ! »

Publié par le 6 Oct, 2017 dans Blog | 0 commentaire

« Marguerite Duras n’a pas écrit que des conneries … Elle en a aussi filmées !  »

Cette fameuse citation est de Pierre Desproges dont je n’ai que trop rarement parlé dans ce blog !

Et pourtant, je suis un fan absolu de cet humoriste qui, avec Thierry Le Luron, nous manquent terriblement.

Un des premiers sites web que j’ai réalisé était en grande part dédié à Pierre.

Je pense souvent à lui en me demandant s’il aurait pu survivre sous la chappe de plomb du politiquement correct qui est tombée sur la France …

C’est un peu la même question que s’est posée Arnaud Folch dans les colonnes de Valeurs actuelles. Voici son article :

Desproges, ou l’art de déplaire

Presque trente ans après sa mort paraît « le » livre sur l’humoriste le plus provocateur de son temps. Retour sur le parcours hors norme d’un artiste qui serait aujourd’hui cloué au pilori.

Dix fois, cent fois, il a dû se justifier. Non, il n’est pas raciste. Non, il n’est pas antisémite. Non, il n’est pas misogyne. Vrai. Mais « la pensée d’un monde où l’on se promènerait en fonction de son étiquette lui mettait la rate au court-bouillon », comme le dit son ami le journaliste Philippe Meyer. Pas question pour lui, en clair, de composer avec « la pensée par catégories », dissimulant derrière les « amis autoproclamés du genre humain, des aigrefins ivres d’amour d’eux-mêmes, de goût de l’argent et du pouvoir  », dont, en première ligne, « les professionnels de l’antiracisme, du féminisme, du jeunisme […] faisant carrière sur l’exhibition de leur belle âme ».

Sus aux bien-pensants, donc. D’où qu’ils viennent. Quels qu’ils soient. Pas d’icône, pas de tabou, si ce n’est pour les hacher menu. À l’en croire, depuis toujours. C’est ainsi, forçant le trait, comme toujours, que Pierre Desproges, né en 1939, se dépeignait enfant à Pantin: « Bien nourri pendant l’Occupation grâce à l’habileté de mes parents, je devins, dès la fin de l’amitié franco-allemande, en 1945, un élève nul en maths. Mais assez brillant en lettres, malgré un tempérament contestataire qui me poussait à écrire dans mes compositions françaises que Racine était chiant, Corneille surfait, et Molière démodé, voire juif  » De quoi faire mentir la célèbre maxime d’un autre « incorrect », Michel Audiard : « Un con, ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît ! » Pierre Desproges ou la preuve que l’on peut tout oser sans être con. Les cons, en l’occurrence, étant ceux qui, sa courte vie durant (48 ans), lui ont reproché d’oser. À une époque où c’était encore possible.

Car, hué hier, il serait aujourd’hui lynché …

« La page 73 de l’annuaire du Vaucluse, c’est nul, il n’y a que des Arabes …  » Quel ne fut pas, d’ailleurs, en ces années 1970-1980 non encore totalement chloroformées, son bonheur de déplaire. Un bonheur d’épicurien, savouré tel un grand bordeaux, dont il aimait abuser autant que des mots. Non « par goût ou pour gagner de l’argent », car il était définitivement un « provocateur de nature ». Nul besoin de « faire semblant ». En revanche, cet « individualiste hystérique   », jusqu’à détester le comptoir et les sports d’équipe, trouvera dans ses inlassables provocations le moyen d’assumer haut et fort sa « différence » l’extrayant du groupe honni. « Besoin quasi irrépressible de solitude  » et « crainte presque hystérique de voir quiconque partager mes goûts et mes idées » :  » Je n’ai l’impression d’exister que si je dis le contraire des autres », confiera-t-il. 

Jusqu’à cette « provoc » intime, scud contre lui-même: « Même si l’on manifestait pour la survie de mes enfants, je n’irais pas. » » Introverti, asocial, misanthrope et casanier », Desproges l’est d’autant plus que ce sont, partout ailleurs, des travers que l’on cache. Mais donneur de leçons, jamais. Trop facile, trop factice. «  Je ne suis pas un moraliste, car un moraliste défend des idées, dit-il. Moi, je n’ai pas l’intention de convaincre, je parle pour moi. J’essaie de ne pas vivre en contradiction avec les idées que je ne défends pas. » Se revendiquant « ni de droite ni de gauche », il assume n’avoir « jamais voté ». Presque un crime. 

De ses premiers entrefilets au quotidien l’Aurore, rubrique faits divers (1969-1976), au Petit Rapporteur, l’émission culte de Jacques Martin, sur TF1, qui lui apporta la célébrité (1975-1976), Desproges, contraint à la retenue, fut « seulement » impertinent. Reportages puis chroniques loufoques dans le premier, interviews pièges et gaudrioles dans le  second. Clown triste dans les deux. ll faudra attendre le Tribunal des flagrants délires, sur France Inter (1980-1983), et les dix minutes quotidiennes de réquisitoire en roue libre que lui offrait son rôle taillé sur mesure de procureur foutraque dézinguant l’invité (de Guy Bedos à Jean-Marie Le Pen), pour que l’homme assume enfin sa vraie nature, irrespectueuse de tout, qu’il déclinera encore dans sa Minute nécessaire de Monsieur Cyclopède, sur FR3 (1982-1983), toujours ponctuée d’un « étonnant, non ? », ses one-man-show et sa dizaine d’ouvrages (Chronique de la haine ordinaire, Manuel de savoir-vivre à l’usage des rustres et des malpolis … ). Jusqu’à sa mort, terrassé par le cancer, le 18 avril 1988, il ne connut que huit années pleines de harangues et d’apostrophes, de sermons et d’admonestations.

Suffisant, cependant, tant elles furent denses, pour marquer son époque et régler son compte, par anticipation, au triste monde qui s’annonçait. Chapeauté par ses enfants, le livre Desproges par Desproges (Éditions du Courroux) nous apprend qu’il ne consentira qu’une fois, une seule, à faire « amende honorable ». Du bout des lèvres. « Dans une émission de Polac où j’étais invité, il nous avait demandé quel était le livre le moins bien de l’année, le bide, le moins bien écrit, a-t-il raconté sur France Inter en 1985. J’ai répondu: « L’annuaire du Vaucluse, c’est nul, c’est très mal écrit, il n’y a pas de verbe, c’est très emmerdant …  » Et puis j’ai ajouté, par goût imbécile de la provocation:  »Prenez notamment page 73. C’est nul et en plus, regardez, il n’y a rien que des Arabes. » »

Sa repartie fait un tollé – plus encore que lorsqu’il déclara: « Je n’aime pas les racistes, et encore moins les Nègres. » Il s’en expliquera, le dimanche suivant, à la radio. Pas pour répondre aux associations antiracistes, menaçant de le poursuivre, mais aux Maghrébins, blessés, lui ayant écrit. « Je ne ris que des choses graves, entre autres le racisme, dit-il, alors évidemment, pris au premier degré, ça peut faire de la peine. » Mais de préciser : « Je ne me suis pas excusé. Je me suis expliqué. » Nuance.

Ni excuses ni explications, pas même une larmichette, en revanche, malgré les innombrables pressions, sur ses centaines de textes que pas un humoriste actuel ne se hasarderait à écrire, sous peine d’être cloué au pilori.

« On me dit que des juifs se sont glissés dans la salle ? »  

À l’exception de Dieudonné, qui se situe, lui, au premier degré, voire, peut-être, de Gaspard Proust, qui oserait, pour dénoncer l’antisémitisme imbécile et insidieux, s’adresser ainsi à son public, comme Desproges le fit, débutant son spectacle, au théâtre Grévin en 1986 : « On me dit que des juifs se sont glissés dans la salle ? Vous pouvez rester. N’empêche que … On ne m’ôtera pas de l’idée que, pendant la dernière guerre mondiale, de nombreux juifs ont eu une attitude carrément hostile à l’égard du régime nazi. Il est vrai que les Allemands, de leur côté, cachaient mal une certaine antipathie à l’égard des juifs. Ce n’était pas une raison pour exacerber cette antipathie en arborant une étoile à sa veste pour bien montrer qu’on n’est pas n’importe qui, qu’on est le peuple élu, et pourquoi j’irais pointer au Vélodrome d’hiver ?, et qu’est-ce que c’est que ce wagon sans banquette ?, et j’irai aux douches si je veux … Quelle suffisance ! »

Un choc salvateur pour dénoncer l’innommable, plutôt que l’insupportable et dogmatique prêchi-prêcha antiraciste. La griffe Desproges. Disparue avec lui.

Double perte: comme on aurait aimé l’entendre, aujourd’hui, pourfendre l’islamisme et ses zélateurs … 

Arnaud Folch pour Valeurs actuelles.

Pour ceux qui partagent mon admiration pour Pierre, rendez-vous sur cette page pleine de ses meilleures citations.

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