« Nanard » se bat encore …

Publié par le 15 Mar, 2019 dans Blog | 0 commentaire

« Nanard » se bat encore …

Cet article divisera mes lecteurs
puisqu’il parle de Bernard Tapie !

C’est naturel puisque je suis moi-même partagé dans mes sentiments pour cet homme. Un mélange d’admiration pour son énergie et de rejet quant aux méthodes qu’il a parfois employées.

Je partage visiblement ce sentiment d’attraction – répulsion avec Denis Tillinac qui lui a consacré sa chronique dans Valeurs actuelles, cette semaine:

Insupportable par son côté frime et fric, attachant par sa gouaille, Bernard Tapie revient en scène. Mais je lui reprocherai toujours le coup de Valenciennes.

Le fric, la frime, le cynisme égocentré: Tapie a tout pour me déplaire. Le voilà dans une nouvelle partie de poker menteur avec la justice, pour une histoire d’argent rien moins que claire. Un cancer le ronge, un ancien collaborateur l’accable; c’est, semble-t-il, le crépuscule d’une cavale de gambler: des sociétés achetées puis revendues, les riches heures de l’OM, un détour par la politique, un séjour en prison, un rebond sur les planches d’un théâtre, la reprise de la Provence, le journal de Defferre. On n’a pas envie de le plaindre. On chercherait en vain des raisons de l’estimer. Pourtant, ce banlieusard dont la gouaille surjoue la vulgarité ne laisse pas de subjuguer. On ne sait pas pourquoi. L’énergie, sans doute, un appétit vital sans autre finalité que de lancer des défis somme toute enfantins à l’ordre du monde.

Miroir des années Mitterrand, il a embarqué sur son yacht la noria socialiste de l’époque, embarrassée après terme par ces nuits de dolce vita sur le Vieux-Port. Mais le roi élyséen, érotisé par son côté canaille, l’a utilisé pour flinguer Rocard. Ne pas oublier que Tapie fut son ministre, et si les pédagos barbus pinçaient le bec, il plissait le sourcil et disait juste « les gens sont méchants ».

Chirac a enfanté et renié Sarko. Même scénario avec Macron, couvé comme un oisillon puis maudit par Hollande. La postérité de Mitterrand, en l’occurrence Fabius puis Jospin, ayant manqué le rendez-vous avec le destin, c’est Tapie qui aura incarné le mitterrandisme. La Bourse flambait en ce temps-là, les golden boys, les traders et les communicants supplantaient les « élites » orphelines de l’idéal soixante-huitard de leurs tendres années. Jamais l’argent vite gagné, vite dilapidé ne s’était exhibé avec un tel mélange de candeur et d’arrogance. Régis Debray a eu le courage de s’insurger; les autres ont fait le gros dos puis se sont éclipsés comme les choeurs après le premier acte des tragédies antiques. Fabius va retrouver Jospin dans la ouate du Conseil constitutionnel. Il ne reste sur l’estrade que l’insubmersible Lang. Mais plus à l’avant-scène, tandis que Tapie prend encore la lumière des médias, sur le mode du guerrier blessé à mort ou presque, dont la survie nargue les « méchants ».

Très logiquement il renoue avec son milieu d’origine en soutenant les « gilets jaunes » – et pour le coup on peut lui faire crédit de sa sincérité. Si on le trouve insupportable, certes, mais au fond attachant, si on le répute « voyou » avec une nuance de sympathie, c’est que ce Gavroche a forcé à l’arrache les portes du faubourg Saint-Germain. Lequel, après l’avoir servilement courtisé pour complaire au monarque, l’a congédié comme un domestique indélicat. Il n’était pas de leur monde, ils le lui ont signifié sèchement. Bérégovoy a connu cette infortune.

Enfant, je punaisais sur les murs de ma chambre des posters de Pelé, de Kopa et autres gloires de l’époque où le fric et les médias n’avaient pas sali ma passion. À ce titre, je ne puis pardonner à Tapie le coup de Valenciennes. Depuis lors, j’ai toujours un doute en regardant un match de foot du plus haut niveau. C’est moche. En revanche, ses embrouilles avec les banques m’indiffèrent; la justice qui tranchera m’inspire trop de scepticisme.

Que le meilleur gagne! Que « Nanard » arraisonne son cancer, il est tellement plus vivant que les héritiers tardifs de l’ère mitterrandienne ! Il n’empêche qu’il fut le kaléidoscope d’une basse saison de notre histoire – mais de cela il n’est pas responsable, il a ferraillé avec les épées de bois sec de sa génération.

Denis Tillinac pour Valeurs actuelles.

Quoi qu’il en soit, mes voeux accompagnent sincèrement Bernard Tapie dans sa lutte contre la maladie. Je ne doute pas qu’il ait encore l’énergie pour en triompher.

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