Patrick Buisson pourfend les fossoyeurs de la droite (2)

Publié par le 19 Nov, 2017 dans Blog | 0 commentaire

Patrick Buisson pourfend les fossoyeurs de la droite (2)

Voici donc la seconde partie de l’interview donnée par Patrick Buisson à Valeurs actuelles.

Dans la première partie, Patrick Buisson retraçait l’histoire de la droite française de de Gaulle à Macron et délivre un diagnostic terrible. L’avenir semble donc bien noir et l’on peut résumer cette première partie par la citation suivante :

La droite plurielle d’Alain Juppé c’est,
quinze ans après, la droite plus rien !

Dans la seconde partie, Patrick Buisson parle d’avenir en donnant les conditions d’un renouveau pour la droite.

Pour introduire cette seconde partie, je reprends volontairement la dernière question de la première partie qui en fait une bonne transition.

Crédit photo de Patrick Buisson : Romain Rouger

Seconde partie : Les pistes et les conditions du renouveau

Valeurs actuelles : Le départ des Constructifs ne va-t-il pas dans le sens de la clarification que vous appelez de vos voeux ?

Patrick Buisson : Si la refondation se fait au nom du rassemblement de toutes les sensibilités et donc au prix de la cohérence idéologique, il n’y a rien à en attendre.

Remettre à flot le radeau de la Méduse avec l’ancien équipage
du Titanic ne saurait garantir une arrivée à bon port en 2022.

Valeurs actuelles : Quelle stratégie pour la droite ?

Patrick Buisson : Elle découle du rapport de force électoral. ll y a un antagonisme irréductible entre l’électorat libéral des grandes villes et les classes populaires, les insiders et les outsiders. Ces deux électorats ne sont pas miscibles, car leurs intérêts sont inconciliables. En revanche, la tension idéologique et sociologique entre l’électorat conservateur et l’électorat populaire est bien moindre. Il y a une propension, chez certains dirigeants des Républicains, à s’abuser volontairement sur la nature de leur électorat pour ne pas avoir à faire la politique de leurs électeurs. La base qui a plébiscité Fillon lors de la primaire n’est pas réformatrice mais conservatrice: c’est la France provinciale des villes moyennes, qui s’est déterminée non pas sur son programme économique mais sur la vision sociétale qu’elle lui prêtait. Si bien qu’exclure ou marginaliser Sens commun équivaudrait pour ce qui reste de la droite à s’auto-dissoudre. À cet égard, la démission contrainte de son président n’est pas de bon augure. Parfois, Les Républicains font penser au catoblépas, cet animal mythique, tellement stupide qu’il se dévore lui-même.

Valeurs actuelles : Une synthèse est-elle possible entre cet électorat conservateur et l’électorat populaire ?

Patrick Buisson : Non seulement elle est possible, mais c’est la seule configuration susceptible de rouvrir à la droite les portes du pouvoir. Sans ce désenclavement de la droite par l’adjonction du vote populaire, Les Républicains sont promis à un avenir groupusculaire et crépusculaire. C’est cette alliance qui a fait le succès du RPF, en 1947, le triomphe de l’UNR, en 1958, et la victoire de Sarkozy, en 2007. La jonction entre la France conservatrice et la France périphérique peut s’opérer naturellement à travers la défense du patrimoine immatériel que constituent l’identité nationale, l’enracinement et la transmission, le localisme et les circuits courts, le coutumier et les moeurs. Bref, tout ce que menacent la finance mondialisée et l’islam radicalisé.

Valeurs actuelles : L’effet Macron peut-il être un handicap durable pour la droite ?

Patrick Buisson : Je ne m’illusionne en rien sur le projet global du chef de l’État, mais j’ai trop vu à quel point la droite s’empressait, une fois au pouvoir, de trahir ses engagements pour penser que son discrédit n’est que passager. La droite paie, aujourd’hui, le mépris dans lequel elle a toujours tenu la bataille des idées et le combat culturel.

Pensez-vous qu’un ministre de droite aurait eu le courage d’agir comme le fait aujourd’hui le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, en contraignant par sa politique le président du Conseil supérieur des programmes à la démission ?

Lorsqu’elle est aux affaires, la droite n’a de cesse que de donner des gages au gauchisme culturel. Il suffit de se remémorer le bilan de Luc Chatel, le ministre de Sarkozy, Rue de Grenelle : suppression de l’enseignement de l’histoire en terminale scientifique et introduction de la théorie du genre dans les manuels scolaires. Tant qu’il y aura des dirigeants chez Les Républicains pour s’inquiéter d’une « dérive de la droite à la polonaise », Emmanuel Macron pourra nourrir les plus grandes espérances pour 2022.

Valeurs actuelles : À vous entendre, la présidence de Macron n’aurait que des effets désastreux pour la droite …

Patrick Buisson : Pas du tout. Le phénomène Macron, qui opère la réunification politique des libéraux des deux rives, est en passe de dissiper un long malentendu historique. Il se peut qu’il mette fin à la domination de l’orléanisme, c’est-à-dire du libéralisme, sur la droite française. Du passage du capitalisme entrepreneurial au capitalisme financier, on peut attendre une fracturation irréversible entre le conservatisme et le libéralisme, entre la droite originelle et la droite situationnelle, autrement dit un centre qui a été classé à droite sans jamais pour autant être ontologiquement de droite. Le clivage entre progressistes et conservateurs que revendique Macron est une aubaine pour une droite qui saurait redevenir elle-même au moment où il apparaît de plus en plus que le progrès est une idée du XIX ème siècle frappée d’obsolescence, une idée de jeune vieux. Où il est devenu évident que la religion du progrès a échoué sur sa promesse fondatrice, qui était celle du bonheur.

Valeurs actuelles : Qu’est-ce qui vous permet de dire cela ?

Patrick Buisson : Il est un indicateur incontestable qui mesure le décalage entre le bonheur promis et le bonheur réel, c’est la croissance exponentielle de la production, du trafic et de la consommation de drogues à l’échelle de la planète. Ajoutez à cela la consommation d’anxiolytiques et d’antidépresseurs dont la France détient le ruban bleu avec 65 millions de boîtes par an. Le propre de la pensée conservatrice tient dans l’idée que derrière chaque progrès, il y a un anti-progrès qui procède de la capacité destructrice du prométhéisme technoscientifique. Comme l’homme, le progrès est, selon la formule de René Char, receleur de son contraire. À peine a-t-on pris la mesure de ce que fut la révolution agricole des années 1950-1970 avec la destruction de nos paysages et de 8 millions d’emplois pour n’aboutir qu’à un peu de chimie dans nos assiettes qu’on voit déjà s’esquisser le passif de la révolution numérique: abandon de l’écriture au profit de l’image, destruction de la langue et de la culture.

Valeurs actuelles : Laurent Wauquiez peut-il être l’homme qui fera du conservatisme, selon le mot de Marcel Gauchet, « l’alternative au moment libéral économiciste » que nous vivons ?

Patrick Buisson : Nous n’allons pas tarder à être fixé. Puisse-t-il se souvenir que Macron ne doit son succès qu’au rejet des partis de gouvernement, à la sclérose et à la fossilisation de l’offre partisane. Puisse-t-il surtout méditer le terrible constat de Simone Weil dans sa Note générale pour la suppression des partis politiques : « Les partis sont des organismes, officiellement constitués de manière à tuer dans les âmes le sens de la vérité et de la justice. »

Propos recueillis par Anne-Laure Debaecker, Laurent Dandrieu, Geoffroy Lejeune, Olivier Maulin et Raphaël Stainville pour Valeurs actuelles.

Que faut-il retenir de cette belle analyse ?

Personnellement, je retiens que la droite (le RPR), en se rassemblant avec les centristes (l’UDF), pour créer l’UMP, a, au fil du temps, renié ses valeurs issues du gaullisme.

Pour l’avenir, si le clivage gauche-droite a été remis en cause par l’irruption d’Emmanuel Macron, un autre clivage est en train de naître entre « progressistes » et « conservateurs ».

Je mets ces deux derniers mots entre guillemets tant je récuse que le « progressisme d’aujourd’hui » soit un réel progrès, et que le « conservatisme d’aujourd’hui » soit un réelle régression vers le passé.

Pour Patrick Buisson, ce nouveau clivage serait une aubaine pour la droite qui devrait tout faire pour fédérer l’électorat « conservateur » de François Fillon avec l’électorat populaire méprisé par Macron. Il pense que « la tension idéologique et sociologique entre l’électorat conservateur et l’électorat populaire est bien moindre« .

Par ailleurs, la droite, selon Patrick Buisson, devrait exploiter « l’antagonisme irréductible entre l’électorat libéral des grandes villes et les classes populaires, les insiders et les outsiders. Ces deux électorats ne sont pas miscibles, car leurs intérêts sont inconciliables« .

Il me semble que la droite n’a plus le choix. Les tentatives de Raffarin, Pécresse et autre Juppé de vouloir créer un centre droit à côté de la République en marche (LREM), sont vouées à l’échec. Ce mouvement serait immédiatement aspiré et digéré par le parti de Macron.

Seule une vraie droite, assumant ses valeurs de droite, pourra survivre entre LREM et le FN avec l’objectif de faire rentrer au bercail tous les sympathisants de droite qui ont émigré vers le FN pour cause de trahison de la droite modérée.

Voici donc un chemin tracé pour la droite. Souhaitons que Laurent Wauquiez saura ne pas céder aux sirènes du « rassemblement à tout pris » et qu’il choisira la voie tracée dans ces deux articles.

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