Le vocable « économiste socialiste » est-il un oxymore ?

Publié par le 26 Sep, 2023 dans Blog | 4 commentaires

Le vocable « économiste socialiste » est-il un oxymore ?

On serait tenté de le croire quand on regarde la carrière de l’économiste chouchou de la gauche, Thomas Piketty !

A chaque publication de l’un de ses ouvrages, une polémique éclate. D’autres économistes plus libéraux dénoncent les chiffres ou des méthodes contestables.

Mais à chaque fois, la gauche lui garde sa confiance !

La polémique n’a pas manqué avec son dernier ouvrage : Une histoire du conflit politique dont la conclusion est que la renaissance de la gauche passerait par une relance de … la lutte des classes !

Voici un article publié par l’IREF et qui aborde l’ouvrage de Thomas Piketty en se demandant si l’économie est une science exacte.

Je me risque à publier un article assez long et spécialisé qui sans doute ne passionnera pas tous mes lecteurs. Mais la question posée méritait bien un article …

Si vous souhaitez juste savoir ce que l’IREF pense du livre de Piketty, allez directement au chapitre 4, celui de Nicolas Lecaussin.

Cagé-Piketty : l’économie est-elle une science exacte ?

Le livre publié par les deux chercheurs proches de la gauche relance un vieux débat : celui de l’infaillibilité de la science économique. Des intellectuels en débattent.

Julia Cagé et Thomas Piketty

Un essai qui fait beaucoup parler. Les économistes Julia Cagé et Thomas Piketty, chouchous de la gauche et couple à la ville, viennent de publier Une histoire du conflit politique, aux éditions du Seuil. Cette somme de 851 pages s’appuie sur un travail de numérisation des données électorales et socio-économiques des 36 000 communes de France, de 1789 à 2022.

Les auteurs observent ces deux siècles traversés par de multiples époques à travers leurs lunettes d’économiste mais s’appuient aussi sur des travaux d’historiens, de politistes et de géographes. La conclusion est un plaidoyer pour un retour aux rapports de classe. Cette approche multidisciplinaire teintée de marxisme relance un vieux débat : « L’économie est-elle une science exacte ? »

Sept ans après la publication de l’essai Le Négationnisme économique (Flammarion, 2016), signé par Pierre Cahuc et André Zylberberg, le sujet n’est toujours pas tranché. D’un côté, les résultats issus de la recherche économique sont par nature faux dans la mesure où les chercheurs enfilent « des lunettes » pour observer le réel, isolant quantité de variables trop difficiles à modéliser. De l’autre, de plus en plus d’économistes, comme le Prix Nobel Esther Duflo, suivent une démarche expérimentale, s’inspirant de la médecine et de ses essais cliniques. Exacte, inexacte ou les deux à la fois ? Économistes et chercheurs répondent au Point.

1 – Jean-Marc Daniel : « L’économie est polluée par des prises de position fallacieuses » économiste, professeur émérite à l’ESCP Business School et directeur de rédaction de la revue Sociétal

« Le débat économique a ceci de particulier que tout le monde se sent en droit d’y prendre part. Souvent moqué, l’économiste se heurte au fait que chacun est convaincu d’avoir une opinion sur sa matière, opinion qu’on aimerait au mieux lui faire partager, au pire lui imposer. En 1852, l’économiste libéral Gustave de Molinari écrivait : “On fait rudement expier à l’économie la persistance incommode

avec laquelle elle répète à tous, gouvernants et gouvernés, ouvriers et maîtres, riches et pauvres, des vérités qui paraissent être si peu agréables à entendre.” Cela reste d’actualité.
Pourtant, les économistes légitiment leur savoir en mettant en avant leur méthode de travail inspirée

des sciences exactes, notamment la physique. La génération des économistes néoclassiques apparue au XIXe siècle a ainsi considéré que l’économie ne pouvait pas se contenter d’une expression littéraire et exigeait une formulation mathématique. William Stanley Jevons, un des penseurs néoclassiques, écrivait : “Pour Galilée, la nature est un livre écrit en langage mathématique ; pour moi, la société est aussi un livre écrit en langage mathématique.”

Raisonner comme un physicien, c’est d’abord identifier les acteurs qui concourent à la dynamique économique, c’est-à-dire à la création de richesse. C’est ensuite établir des liens entre des données qui vont caractériser les comportements de ces acteurs ; ces liens deviennent des lois de l’économie qui demandent à être vérifiées. C’est, enfin, procéder à cette vérification : quand le physicien veut vérifier la pertinence des lois qu’il a établies, il procède à une expérience ; l’économiste ne peut pas, lui, faire des expériences sur son champ d’étude car l’homme en est le centre. La matière expérimentale de l’économiste, c’est l’histoire.

En fait, ce dont souffre l’économie, c’est la méconnaissance de ses travaux réels et la pollution de son message par des prises de position de certains économistes qui fascinent d’autant plus le public qu’elles sont fallacieuses. »

2 – Philippe Aghion : « Nous avons besoin de “lunettes” pour observer le réel » économiste, professeur au Collège de France

« L’économie n’est certainement pas une science exacte, comme le sont les mathématiques. Les économistes développent des modèles afin de mieux comprendre le monde, mais ceux-ci sont forcément faux car les modèles sélectionnent et isolent un nombre limité de variables pour mettre en évidence des mécanismes économiques, alors que la réalité est infiniment plus complexe. Néanmoins, les économistes ont besoin de “lunettes” pour observer le réel. Ces modèles sont mes lunettes pour explorer les données empiriques.

Ce décalage entre les modèles et la réalité ne veut pas dire qu’il n’y a pas de démarche scientifique en économie. La démarche scientifique, c’est d’abord l’obsession de mieux comprendre le fonctionnement de l’économie. Ma façon de travailler se résume en un dialogue permanent entre la modélisation et les tests empiriques de mes modèles. Les résultats empiriques obligent toujours à reprendre le modèle. Il m’est arrivé plusieurs fois de conclure que mon modèle était totalement contredit par les faits, et de recommencer à zéro !

J’ajouterai que l’économie devient de plus en plus “scientifique”. C’est fini l’époque des écoles économiques figées. Aujourd’hui, plus personne ne se présente comme purement marxiste ou purement néolibéral car la quantité astronomique de données à notre disposition nous permet de confronter les intuitions et les modèles aux faits empiriques. Opère alors un processus darwinien qui sélectionne les modèles ou paradigmes qui survivent mieux que les autres.

La démarche scientifique en économie implique également de soumettre son travail à des revues scientifiques à comité de lecture et d’accepter de prendre en compte les commentaires des référés pour ensuite réviser et améliorer le papier de recherche. C’est pourquoi les chercheurs de pointe en économie ont tendance à privilégier la production d’articles qui visent les meilleurs journaux scientifiques – les fameux “top five” – sur la production de livres. »

3 – Françoise Benhamou : « L’économie est une science toujours politique » présidente du Cercle des économistes

« L’économie n’est assurément pas une science infaillible. Comme le disent Julia Cagé et Thomas Piketty eux-mêmes, il s’agit d’une science sociale qui dialogue avec d’autres disciplines, comme

l’histoire, la démographie, la science politique… Cette caractéristique est des plus logiques : la société ne saurait se résumer à un seul angle d’approche !
Cela étant dit, il est à noter que l’économie est une science sociale qui s’est considérablement enrichie

et transformée récemment. Elle peut désormais compter sur le big data, ces données de masse que les technologies de l’information et de la communication rendent propres à la modélisation. La science économique suit parfois une démarche expérimentale, qui emprunte la méthodologie des essais cliniques.

En médecine, on analyse l’effet d’un médicament sur un groupe d’individus et on confronte les résultats obtenus avec ceux d’un groupe de contrôle, qui n’a pas absorbé le médicament. Esther Duflo, le Prix Nobel d’économie (2019), applique l’expérimentation en matière de lutte contre la pauvreté. Grâce à cette méthode, des économistes savent évaluer l’efficacité des politiques publiques et peuvent ainsi formuler de nouvelles hypothèses de recherche.

Il y a cependant derrière la modélisation une idée, une vision du monde. “Les modèles sont les habits des idées, il y a toujours un modèle qui peut faire croire que votre idée est juste”, écrivait le philosophe Edmund Husserl. Pour revenir au livre, Julia Cagé et Thomas Piketty se donnent pour ambition d’objectiver les résultats électoraux sur deux siècles. Grâce à la robustesse de leurs résultats, ils livrent une analyse très stimulante et formulent des propositions sous le prisme de leurs convictions politiques. L’économie est une science toujours politique… »

4 – Nicolas Lecaussin : « L’économie est une science exacte quand elle s’appuie sur des données exactes » directeur de l’Institut de recherches économiques et fiscales (Iref)

« Thomas Piketty et Julia Cagé n’ont jamais caché leur engagement auprès de la gauche et souhaitent réhabiliter la lutte des classes. En s’appuyant sur l’histoire politique depuis la Révolution, ils soutiennent que la gauche d’aujourd’hui pourrait très bien reconquérir le vote populaire, urbain et rural. Car, selon eux, “l’appartenance à une classe sociale a toujours été déterminante dans le comportement électoral”.

En réalité, ils balayent là d’un revers de main tous les changements économiques, politiques et sociaux qui ont eu lieu ces dernières décennies. Ils ignorent la hausse du PIB par habitant, du niveau de vie, l’importance prise par la propriété privée ou la démocratisation des voyages. Les données économiques sont imparables et prouvent une amélioration incontestable de la situation sociale des “classes populaires”.

Thomas Piketty et Julia Cagé affirment aussi dans leur livre que “les bourgeois sont les plus hostiles aux immigrés”. C’est complètement faux ! Selon un sondage Ifop parmi beaucoup d’autres, 70 % des ouvriers disent qu’il ne faut pas plus d’immigrés, contre 51 % des cadres. Est-ce de la mauvaise foi de leur part ? À l’Iref, nous avons maintes fois décortiqué, démystifié les chiffres et les statistiques de Thomas Piketty, y compris dans un livre intitulé Anti-Piketty (éditions Libréchange, 2015). Il n’est pas étonnant de lire de nouvelles trouvailles pour le moins bizarres, quand elles ne sont pas complètement fausses.

En économie, on peut très bien avoir une approche multidisciplinaire basée sur des faits et des chiffres imparables.

L’économie est une science exacte lorsqu’elle ne déforme pas les réalités et lorsqu’elle s’appuie sur des données exactes !

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4 Réponses à “Le vocable « économiste socialiste » est-il un oxymore ?”

  1. L’économie socialiste existe, je l’ai rencontré, il suffit de vivre en France pour avoir une idée de la chose. Partout où existe une économie socialiste, les gens s’appauvrissent au profit d’une bureaucratie toujours plus intrusive et tatillonne qui ne génère que de belles paroles et des pénuries .

  2. Les socialistes adorent mettre les gens dans des cases avec des numéros et surtout qu’ils n’en sortent pas en laissant croire qu’ils travaillent à leur bonheur!
    Ils aiment les gueux et les crevards lorsqu’ils sont loin de chez eux!
    Ils ont réussi à casser l’ascenseur social qui les dérangeait tant!

  3. Les socialistes crée la misere afin de les gens pauvre continuent de voter pour eux, deja sous mitterand, j’en avais l’intuition,

    Ceux qui s’enrichissent votent a droite, pourquoi les socialos pousserait les gens a voter a droite…
    C’est l’obervation que j’en avais fait il y a plus de 25 ans.

    • Sous mitterand, seul 2 % de la population avait confiance a la goche pour le domaine economique…

      Elle avait demontré tant de talent, que depuis, dans les presidentielles,
      tous les militant journaliste de goche ( a 99% ) ne font que surfacer la partie economique de tous les partis afin que la goche reste credible aux yeux de la population des jeunes,
      cela depuis la presidentielle en 1995.
      .
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      .

      Depuis 1995, aucun debat economique n’a ete approfondis comme avant cette date,
      la goche mediatique perverse et corrompue, pousse les debats sur le social ou la goche exelle … en connerie et en mensonge !

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