Les journalistes prennent leurs désirs pour des réalités

Publié par le 22 Déc, 2019 dans Blog | 0 commentaire

Les journalistes prennent leurs désirs pour des réalités

Le 23 juin 2016, les Britanniques votaient majoritairement en faveur de la sortie de leur pays de l’Union européenne.

Le peuple fut consulté et se prononça pour la souveraineté.

Le référendum a rappelé opportunément qu’un pays pouvait choisir d’entrer dans l’Union européenne, mais aussi d’en sortir.

De nombreux journalistes français ont contesté ce choix et ont affirmé que l’opinion publique avait été manipulée.

C’était l’introduction d’un article paru dans l’Observatoire du journalisme qui a analysé les positions prises par de nombreux journalistes, qui reflétaient plus leurs opinions personnelles – pro-européennes et anti-Brexit – que la réalité de la situation politique en Grande-Bretagne.

Suivant ainsi les préceptes d’une citation de Bertold Brecht :

« Puisque le peuple vote contre le Gouvernement, il faut dissoudre le peuple. »

Les récentes élections générales en grande bretagne ont porté au parlement une majorité écrasante de députés d’un parti dont le leader, Boris Johnson, a clairement affiché sa volonté de sortir de l’union. L’analyse rétrospective des commentaires de nombreux journalistes sur le brexit met en lumière un engagement politique aveugle.

Le vote sur le Brexit contesté dès la sortie des urnes

La chaine publique France Inter a été en pointe dans l’engagement militant de certains de ses journalistes contre le Brexit.

Avant même le référendum, Charline Vanhoenacker nous mettait en garde le 20 juin 2016 dans un billet intitulé « ne nous brexitons pas ! ». « Le camp du Brexit a essentiellement peur de l’afflux de réfugiés. Pour un pays qui en a colonisé des dizaines d’autres, vous fonctionnez un peu à sens unique, non ? ». Critiquer le Brexit en assimilant l’immigration à une colonisation, il n’y a que l’humoriste belge qui se permet de le faire sur les ondes publiques…

Une fois le résultat connu, le journaliste Thomas Legrand titrait son édito du 28 juin 2016 : « Le référendum, objet démocratique ? ». Ses doutes étaient vite levés : « le problème, c’est que le non ne génère pas de solutions alternatives cohérentes ». Patrick Cohen renchérissait « Le référendum ne serait pas si démocratique que cela ? ». « Ben non » répondait Thomas Legrand. « Il va même souvent à l’encontre de la démocratie participative ». Demander l’opinion au peuple, vous n’y pensez pas…

La fine équipe de France Inter, estampillée gauche grand teint,
(Charline Vanhoenacker, Thomas Legrand et Patrick Cohen)

Après la publication du résultat du vote sur le Brexit, il était difficile de trouver un titre positif d’une émission ou d’un reportage de France Inter à ce sujet : « Le Brexit inquiète aussi la communauté scientifique », « L’Irlande ébranlée par le Brexit », « Brexit : les patrons britanniques peinent à recruter », « Brexit : choc financier pour le budget de l’Union européenne », « Brexit : une facture salée pour le monde maritime français », « Optimisation fiscale : McDonald’s profite du Brexit pour s’installer au Royaume-Uni », etc. Tout était à l’avenant.

Plus proche de nous, le 8 août 2017, Catherine Chatignoux, journaliste des Échos, s’interrogeait dans l’Edito éco de la chaine publique : « La sortie de l’Europe, est-ce la fin du monde ? ». Elle nous livre une réponse toute en nuance : « Un peu quand même ».

Le 31 août 2017, dans « Un jour dans le Monde », Olivier Poujade évoquait sur France Inter avec clairvoyance David Cameron « qui gère comme il peut son statut d’homme le plus détesté d’Angleterre, depuis le jour du référendum sur le Brexit, un projet politique calamiteux, (…) un diabolique engrenage ». « La classe politique anglaise est aujourd’hui en lambeaux ». « Après moi le déluge » reprend Fabienne Sintes. En conclusion le référendum est qualifié par Olivier Poujade de « gigantesque bourde politique ».

Les élections générales du 12 décembre et la victoire incontestée d’un parti-pro-Brexit

Les derniers mois n’ont été qu’une succession de « refus de saut » des députés britanniques face au vote sur la sortie de l’union européenne. Le 12 décembre 2019, des élections générales ont été organisées en Grande Bretagne. Ceci afin de clarifier la situation politique dans un contexte où le vote sur le Brexit a été largement contesté. Le parti conservateur pro Brexit emmené par Boris Johnson a remporté un succès éclatant.

Le vote pro Brexit des britanniques du 23 juin 2016 avait été présenté comme impulsif et manipulé. A tel point que de nombreux journalistes français ont appelé de leurs vœux un nouveau vote qui ne pourrait qu’être favorable au maintien dans l’union européenne.

Après la victoire du parti de Boris Johnson, le Salon beige et Marianne ont exhumé des déclarations bien peu visionnaires de nombreux journalistes. C’est un véritable festival.

Le Salon beige s’interroge le 13 décembre : « Faut-il s’attendre à un mea culpa de nos journalistes militants ? » et cite de nombreux exemples d’égarements journalistiques. Tandis que Marianne évoque le 16 décembre non sans malice que « ces médias qui se plaisaient à annoncer la chute prochaine de Boris Johnson » avec plusieurs déclarations plus qu’hasardeuses.

Le 11 octobre, Thierry Martin développait sur Boulevard Voltaire un point de vue bien isolé : « Préparez-vous au Brexit, Boris Johnson a plus d’un atout dans sa manche ». Il faisait un constat rétrospectivement réaliste :

« La diversité de la presse quotidienne du Royaume-Uni, qui tranche avec l’aspect monolithique des médias français, permet au Britannique de se faire sa propre idée ».

Une autre tonalité dans la presse anglaise

Il fallait en effet lire la presse anglaise pour avoir une autre vision de la sortie de la Grande Bretagne de l’Union européenne. En juin 2016, The Independant présentait « 10 raisons d’être positifs suite au Brexit ». Le 29 mars 2017, le Telegraph énumère « 100 raisons pour lesquelles le Brexit est une bonne chose ». Plus nuancé, le Guardian, estime le 23 août que « les perspectives pour l’économie sont positives mais des négociations tendues pourraient générer de l’instabilité ».

Mais ces articles, les journalistes français de grand chemin ne les ont sûrement pas lus. Une large partie de la classe médiatique française a cru jusqu’au bout que ses convictions étaient justes et surtout partagées. L’avenir nous montrera si les récentes élections en Grande Bretagne leur ont donné une leçon de modestie.

L’Observatoire du journalisme.

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