Oui, il faut débattre avec Zemmour !

Publié par le 15 Nov, 2019 dans Blog | 0 commentaire

Oui, il faut débattre avec Zemmour !

Je réponds par un grand OUI à la question qui fait le titre d’un article paru dans le magazine Les Echos.

Faut-il débattre avec Eric Zemmour ?

Je ne manque plus le débat, organisé quatre soirs par semaine par CNews, entre Eric Zemmour et une personnalité. Que ce soit avec des hommes politiques (Alain Madelin, François Pupponi), avec un philosophe (Bernard-Henri Lévy) ou comme hier soir avec un sociologue (Michel Maffesoli), j’apprécie la qualité des débats, et contrairement à ce que certains pouvaient attendre, la parfaite courtoisie et la réelle écoute qui y règnent ! Le débat d’hier soir avec Christian Saint-Etienne, sur la situation de l’euro fut un grand moment !

Très intéressé par la politique depuis les années Mitterrand, j’apprends encore beaucoup de choses dans ces débats. Je reconnais être souvent « largué » par moment par les notions manipulées avec tant de brio par Zemmour et les intervenants. Mais au final, ces débats sont très enrichissants et si la presse avait la moindre éthique, elle le reconnaîtrait au lieu de continuer à essayer de faire interdire Zemmour d’antenne !

Pour illustrer cette mauvaise foi, je voudrais reprendre cette tribune des Echos, écrit par Adrien Rivierre, un spécialiste, nous dit-on, de la prise de parole en public :

 

Bon nombre de contradicteurs refusent de débattre avec Eric Zemmour depuis ses propos polémiques lors de la Convention de la droite. Pour Adrien Rivierre, son émission « Face à l’info », construite autour de sa personnalité, empêche le débat d’idées. Et ses méthodes oratoires font obstacle à tout échange constructif. Explications.

Depuis 2006 et sa participation comme chroniqueur du programme télévisé « On n’est pas couché », le journaliste politique Eric Zemmour crée régulièrement la polémique. Aujourd’hui, quatre soirs par semaine, CNews l’adoube débatteur dans l’émission « Face à l’Info ». Alors, sommes-nous proches d’une overdose Zemmour ? Oui, sans nul doute. Et si certains contradicteurs acceptent de débattre avec lui, d’autres, comme Raphaël Enthoven, s’y refusent. Dès lors, faut-il débattre avec Eric Zemmour ? Voici la question à trancher.

Qualités oratoires

Pour y répondre, il est nécessaire de reconnaître les indéniables qualités oratoires du polémiste. Ces dernières expliquent la puissance de la parole « zemmourienne ». Premièrement, il ne s’aventure que sur les terrains qu’il maîtrise : l’identité française, l’immigration, l’Islam… Dès que ses contradicteurs s’en éloignent, il concède un simple : « Je suis d’accord » ou un franc « Vous avez mille fois raisons ! ». Zemmour sait ce qu’il ne sait pas.

J’approuve ces propos, mais là où l’auteur semble voir une forme de dérobade, je perçois une grande qualité, celle de refuser de parler de ce que l’on ne connait pas ! Une qualité si rare de nos jours dans les débats dans lesquels se succèdent des soi-disants experts aux affirmations souvent aussi péremptoires que peu fiables.

Deuxièmement, il dispose de riches « topoï », terme issu de la rhétorique antique et qui désigne un arsenal de thèmes et d’arguments dans lesquels l’orateur puise pour emporter l’adhésion de son audience. Son discours prononcé le 28 septembre 2019 lors de la Convention de la droite <https://www.lesechos.fr/politique-societe/politique/la-convention-de-la-droite-vire-au-debat-anti-immigration-1135663> suffit à mettre en valeur ses références culturelles, historiques ou idéologiques. Zemmour débat sur le plan des idées avec une pensée claire et maîtrisée. Ses « dérapages » n’en sont pas car il réalise ses provocations en pleine conscience. Ainsi, les attaques ad hominem, c’est-à-dire qui visent sa seule personne, se révèlent contre-productives, renforçant sa posture de victime du système politico-médiatique.

Troisièmement, malgré sa réputation, le polémiste apparaît comme un orateur calme et posé. Une posture qu’il a appris à adopter face à des adversaires qui arrivent régulièrement remontés et prêt à en découdre. Par conséquent, toute opposition qui se situe sur le plan des émotions tombe immédiatement à l’eau.

L’auteur semble critiquer (ou regretter ?) les qualités intellectuelles de Zemmour. Peut-on reprocher à quelqu’un de s’appuyer sur une base de solides thèmes et arguments ?

Une rhétorique bien huilée

Si ces qualités oratoires rendent sa contestation d’autant plus ardue, elles ne permettent pas de réclamer le silence d’Eric Zemmour. Le problème de la rhétorique zemmourienne se situe ailleurs. Gérard Noiriel montre comment l’orateur concentre son argumentation autour d’une vision dichotomique de la société française. D’un côté se trouvent les étrangers et de l’autre les Français. Personnifiée, l’identité de la France serait menacée, partout et tout le temps.

Zemmour décide du bien et du mal en dissimulant ses opinions personnelles sous les traits de vérités révélées.

Je ne peux laisser citer l’historien Gérard Noiriel sans réagir vigoureusement, notamment en rappelant son article dans Libé dans lequel il compare Eric Zemmour à Edouard Drummont, un personnage sulfureux, qui, dit-il, « a joué un rôle majeur dans la diffusion des thèses antisémites ». Pour Noiriel, « Les propos d’Eric Zemmour sont une incitation à demi-mot à la guerre civile ! » Rien que ça !

Toujours selon Noiriel, Zemmour inverse le rapport entre dominants et dominés. Dans ses discours, les minorités sont ceux qui, en réalité, détiennent le pouvoir. Ils parviennent à faire entendre leurs voix par exemple avec la loi sur la PMA, un « caprice » souhaité par le « lobby de la communauté LGBT ». A partir de ces deux éléments, Zemmour définit les arguments qui sont du côté du vrai et ceux qui sont fallacieux. Il décide du bien et du mal en dissimulant ses opinions personnelles sous les traits de vérités révélées.

En France, quelles sont les catégories qui voient leurs droits progresser ? La masse des Français moyens a-t-elle gagner des droits ? Le progressisme à l’oeuvre se soucie t-il de la majorité du peuple ? Ou n’est-il pas plutôt aux services des minorités qu’elles soient sexuelles, ethniques ou religieuses ?

Quant à la dernière phrase, c’est un modèle du genre !

« Il décide du bien et du mal en dissimulant ses opinions personnelles sous les traits de vérités révélées. »

Mais qui, dans ce pays, décide du bien et du mal, est-ce Eric Zemmour ou plutôt les progressistes qui nous disent que l’Europe c’est merveilleux, que l’immigration c’est une chance et que priver des enfants de père, c’est bien ! Qui nous impose sa morale ? Zemmour ou Macron ?

Prétendre enfin qu’Eric Zemmour « dissimule ses opinions personnelles », fait atteindre à l’auteur un sommet dans la mauvaise foi. Habituellement, on reproche au polémiste justement d’afficher des idées personnelles que certains qualifient même de nauséabondes. Et que sont ces « vérités révélées » ? Chacun a ses vérités ! Zemmour en a ! Seul le débat permet de confronter ces « vérités » !

Le véritable risque se niche bien ici car les mots ont le pouvoir d’influencer notre vision du monde. Les mots ne sont pas neutres. A force d’entendre la rhétorique zemmourienne, celle-ci infuse dans la société. Plus Zemmour répète que les islamistes envahissent la France comme des néocolonisateurs, plus cette idée devient acceptable et acceptée. Le polémiste est ici engagé dans un combat culturel mis en lumière par les thèses du révolutionnaire italien Antonio Gramsci. Selon ce dernier, la conquête du pouvoir passe avant tout par le combat culturel mené sur le terrain des idées et des valeurs. Si Zemmour n’est à ce jour pas un homme politique, il fait le jeu de la droite et de l’extrême droite.

Les bras m’en tombent devant tant d’aveuglement ou tant de sectarisme ! La « rhétorique zemmourienne infuserait dangereusement dans la société … » Bigre ! Mais depuis des décennies, ne baignons-nous pas plutôt dans une rhétorique progressiste omniprésente ? On ne cesse de venter les bienfaits de l’immigration. Elle serait une chance pour la France ! A chaque attentat islamique, avant même de plaindre les victimes, on appelle au « padamalgam » et au « vivrensemble ! » Depuis quatre décennies, la gauche a interdit tout débat sur l’immigration et nie tout problème due à cette immigration. C’est ça la rhétorique dominante ! Heureusement que nous avons Zemmour pour compenser ce bourrage de crâne permanent.

L’auteur jette enfin son masque de gauchiste en clamant enfin que « Zemmour fait le jeu de la droite et de l’extrême droite. » Argument classique de la défense d’une immigration sans contrôle !

Caisse de résonance médiatique

Enfin, alors même que « Face à l’Info » ne représente qu’un pourcent de parts d’audience, l’influence du polémiste explose grâce à la caisse de résonance médiatique qu’il lui est accordée. Lancés dans une course à l’audimat, les médias prennent le risque d’une banalisation d’arguments qui, rappelons-le, ont déjà mené Eric Zemmour à être condamné par deux fois. Le format de l’émission laisse au polémiste la possibilité d’aborder les différents sujets sous le prisme de ses thèmes de prédilection. Il réalise alors ce que les spécialistes appellent un cadrage du réel, difficile à combattre pour le contradicteur … car les dés sont pipés d’avance.

Cet argument est très méprisant pour les intervenants amenés à se confronter à Eric Zemmour. Pourquoi nier leur capacité à apporter la contradiction puisque, selon l’auteur, les ficelles du débat sont si évidentes que ça ? Nous avons tous pu observer, Eric Revel, Bernard-Henri Lévy et d’autres critiquer l’approche de Zemmour et développer leurs propres arguments ! C’est personnellement ce que j’apprécie dans les débats sur CNews.

Un passionnant débat entre Eric Zemmour et le sociologue Michel Maffesoli

Vouloir réduire Zemmour au silence parce que l’homme horripile relève de l’hérésie. Vouloir réduire Zemmour au silence au nom des thèses qu’il partage est une insulte à la liberté d’expression. Vouloir réduire Zemmour au silence n’est pas la solution.

Enfin, l’auteur devient raisonnable ou plutôt démocrate ! Mais ça ne dure pas !

Cette dernière requiert plutôt une introspection des médias sur leur responsabilité dans la propagation de ses idées. Car si les orateurs et oratrices prêts à lui opposer des idées sont nombreux, ils attendent simplement que les règles du jeu soient les mêmes, seule condition pour que le débat démocratique soit juste et constructif.

« Leur responsabilité dans la propagation des idées … » L’auteur a mille fois raison ! Oui, les médias devraient réfléchir sur leur évidente partialité. Nous n’avons plus de journalistes (ou si peu !), nous croulons par contre sous les commentateurs partisans. Ce n’est pas de propagation dont il s’agit, mais de pure propagande dont il convient de parler ! Zemmour prend la parole dans une ambiance médiatique quasi-homogène baignée de bien-pensance et de politiquement correct ! C’est pour ça que sa parole dénote !

Pour terminer,  de quelles règles du jeu parle l’auteur ? Les règles du débat ne sont-elles pas les mêmes pour tous ? Eric Zemmour bénéfice t-il de cartes biseautées ?

Non, la vérité de l’auteur est plus triviale. Les idées de Zemmour ne sont pas les siennes ! Elles ne sont pas celles du camp du bien ! Elles ne devraient donc pas avoir droit de cité !

Adrien Rivierre pour Les Echos.

Adrien Rivierre est spécialiste de la prise de parole en public. Son dernier livre, « L’Homme est un conteur d’histoires » vient de paraître chez Marabout.

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