Quand la censure s’organise au niveau mondial

Publié par le 12 Jan, 2024 dans Blog | 1 commentaire

Quand la censure s’organise au niveau mondial

Un lanceur d’alerte a présenté une nouvelle série de documents explosifs, qui rivalisent avec les Twitter Files et les Facebook Files, voire les dépassent, en termes d’ampleur et d’importance. Ils décrivent les activités d’un groupe “anti-désinformation” appelé Cyber Threat Intelligence League (CTIL), qui a officiellement débuté en tant que projet bénévole de scientifiques des données et de vétérans de la défense et du renseignement, mais dont les tactiques semblent avoir été absorbées au fil du temps par de multiples projets officiels, y compris ceux du ministère de la sécurité intérieure (DHS).

Vous venez de lire le prologue d’un édifiant article paru dans le Saker francophone et dont voici la suite :

Des entrepreneurs travaillant avec l’armée américaine et britannique ont créé un vaste plan de censure mondiale en 2018, comme le montrent de nouveaux documents

Les documents de la CTI League constituent le chaînon manquant et répondent à des questions clés qui n’ont pas été abordées dans les Twiter Files et les Facebook Files. Ensemble, ils offrent une image complète de la naissance du secteur de la “lutte contre la désinformation“, ou de ce que nous avons appelé le complexe industriel de la censure. Les documents du lanceur d’alerte décrivent tout, de la genèse des programmes modernes de censure numérique au rôle de l’armée et des agences de renseignement, en passant par les partenariats avec les organisations de la société civile et les médias commerciaux, l’utilisation de comptes fictifs et autres techniques offensives.

Un document explique que la création d’un bon “déguisement d’espion” nécessite de “bien verrouiller sa merde“. Un autre document explique que si de telles activités à l’étranger sont “généralement” menées par “la CIA, la NSA et le ministère de la défense“, les efforts de censure “contre les Américains” doivent être menés par des partenaires privés parce que le gouvernement n’en a pas “l’autorité légale“. Le lanceur d’alerte affirme qu’un dirigeant de CTI League, un “ancien” analyste du renseignement britannique, était “dans la pièce” à la Maison Blanche d’Obama en 2017 lorsqu’elle a reçu les instructions pour créer un projet de contre-désinformation afin d’empêcher une “répétition de 2016.”

Au cours de l’année écoulée, Public, Racket, des enquêteurs du Congrès et d’autres ont documenté la montée en puissance du Complexe Industriel de la Censure, un réseau de plus de 100 agences gouvernementales et organisations non gouvernementales qui travaillent ensemble pour inciter les plateformes de médias sociaux à la censure et diffuser de la propagande sur des personnes, des sujets et des récits entiers. L’Agence pour la cybersécurité et la sécurité de l’information (CISA) du ministère américain de la sécurité intérieure a été le centre de gravité d’une grande partie de la censure, la Fondation nationale pour la science finançant le développement d’outils de censure et de désinformation et d’autres agences du gouvernement fédéral jouant un rôle de soutien. Les courriels des ONG et des médias sociaux partenaires de la CISA montrent que celle-ci a créé le Partenariat pour l’intégrité des élections (EIP) en 2020, qui impliquait l’Observatoire de l’Internet de Stanford (SIO) et d’autres sous-traitants du gouvernement américain. L’EIP et son successeur, le Virality Project (VP), ont incité Twiter, Facebook et d’autres plateformes à censurer les messages publiés sur les médias sociaux par les citoyens ordinaires et des représentants élus.

Malgré les preuves accablantes de censure parrainée par le gouvernement, il restait à déterminer d’où venait l’idée d’une telle censure de masse. En 2018, une responsable de l’AIR et ancienne collaboratrice de la CIA, Renee DiResta, a fait la une des journaux nationaux avant et après avoir témoigné devant le Sénat américain au sujet de l’ingérence du gouvernement russe dans l’élection de 2016. Mais que s’est-il passé entre 2018 et le printemps 2020 ? L’année 2019 a été un trou noir dans les recherches sur le complexe industriel de la censure jusqu’à présent. Lorsque l’un d’entre nous, Michael, a témoigné devant la Chambre des représentants des États-Unis au sujet du complexe industriel de la censure en mars de cette année, l’année entière était absente de sa chronologie.

Aujourd’hui, un grand nombre de nouveaux documents, notamment des documents stratégiques, des vidéos de formation, des présentations et des messages internes, révèlent qu’en 2019, des sous-traitants des services militaires et de renseignement des États-Unis et du Royaume-Uni, dirigés par une ancienne chercheuse de la défense britannique, Sara-Jayne “SJ” Terp, ont mis au point le cadre de la censure généralisée. Ces sous-traitants ont codirigé le CTIL, qui s’est associé à la CISA au printemps 2020.

En vérité, la construction du complexe industriel de la censure a commencé encore plus tôt – en 2018. Des messages Slack internes de CTIL montrent que Terp, ses collègues et des fonctionnaires du DHS et de Facebook travaillaient tous en étroite collaboration dans le processus de censure. Le cadre du CTIL et le modèle public-privé sont les germes de ce que les États-Unis et le Royaume-Uni allaient mettre en place en 2020 et 2021, notamment en masquant la censure au sein des institutions de cybersécurité et des programmes de lutte contre la désinformation ; en mettant fortement l’accent sur l’arrêt des récits non désirés, et pas seulement des faits erronés ; et en faisant pression sur les plateformes de médias sociaux pour qu’elles retirent des informations ou prennent d’autres mesures pour empêcher qu’un contenu ne devienne viral.

Au printemps 2020, le CTIL a commencé à suivre et à signaler les contenus défavorables sur les médias sociaux, tels que les récits anti-confinement comme “tous les emplois sont essentiels“, “nous ne resterons pas à la maison” et “ouvrez l’Amérique maintenant“. Dans le cadre de ces efforts, le CTIL a créé un canal destiné à l’application de la loi pour signaler les contenus. L’organisation a également fait des recherches sur les personnes qui ont posté des hashtags anti-confinement comme #freeCA et a tenu une feuille de calcul avec les détails de leurs biographies sur Twitter. Le groupe a également discuté de la demande de “bannissement” et du signalement de domaines de sites web aux bureaux d’enregistrement.

L’approche du CTIL en matière de “désinformation” allait bien au-delà de la censure. Les documents montrent que le groupe s’est engagé dans des opérations offensives pour influencer l’opinion publique, en discutant des moyens de promouvoir des “contre-messages“, de coopter des hashtags, de diluer des messages défavorables, de créer des comptes fictifs et d’infiltrer des groupes privés sur invitation seulement.

Dans une liste de questions suggérées pour l’enquête, CTIL propose de demander aux membres ou aux membres potentiels : « Avez-vous déjà travaillé sur des opérations d’influence (par exemple, désinformation, discours haineux, autres préjudices numériques, etc.) » L’enquête demandait ensuite si ces opérations d’influence comprenaient des “mesures actives” et des “opérations psychologiques” (psyops).

Ces documents nous sont parvenus par l’intermédiaire d’un lanceur d’alerte très crédible. Nous avons pu en vérifier la légitimité de manière indépendante en recoupant les informations avec des sources accessibles au public. Le lanceur d’alerte a déclaré avoir été recruté pour participer à la CTIL lors de réunions mensuelles sur la cybersécurité organisées par le DHS. Le FBI s’est refusé à tout commentaire. La CISA n’a pas répondu à notre demande de commentaire. Terp et les autres principaux dirigeants du CTIL n’ont pas non plus répondu à nos demandes de commentaires.

Mais une personne impliquée, Bonnie Smalley, a répondu sur LinkedIn :

Tout ce que je peux dire, c’est que j’ai rejoint City League, qui n’est affiliée à aucune organisation gouvernementale, parce que je voulais lutter contre les absurdités en ligne telle que l’injection d’eau de Javel pendant le Covid ….. Je peux vous assurer que nous n’avons rien à voir avec le gouvernement.

Pourtant, les documents suggèrent que des employés du gouvernement étaient des membres engagés du CTIL. Justin Frappier, qui travaillait pour le DHS, était extrêmement actif au sein du CTIL, participant à des réunions régulières et dirigeant des formations. Le but ultime du CTIL, a déclaré le lanceur d’alerte :

était de faire partie du gouvernement fédéral. Lors de nos réunions hebdomadaires, ils nous expliquaient clairement qu’ils construisaient ces organisations au sein du gouvernement fédéral, et que si vous construisiez la première itération, nous pourrions vous trouver un emploi.

Lire la suite de ce long article dans le Saker francophone.

Michael Shellenberg, Alex Gutentag et Matt Taibbi.

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.

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Une réponse à “Quand la censure s’organise au niveau mondial”

  1. Je crois totalement a cet article !

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