Quelle stratégie de déconfinement ?

Publié par le 18 Avr, 2020 dans Blog | 0 commentaire

Quelle stratégie de déconfinement ?

Il faut bien le dire : la gestion erratique de la crise du coronavirus en France, caractérisée par :

– les incohérences du gouvernement (élections municipales suivi du confinement total)
– et surtout de ses mensonges (les masques ne servent à rien, les tests ne servent à rien ! …)

a fait que le gouvernement a perdu toute crédibilité.

Il vaut sans doute mieux aller chercher ailleurs les informations et les solutions pour sortir de ce confinement qui nous conduire dans une véritable impasse.

On entend dire que pour que arrêter le confinement, il faudrait que la proportion de Français infectés, atteignent 60 %, mais le confinement bloque la propagation du virus !

J’ai pu avoir connaissance d’un document publié par des chercheurs suisses appartenant à l’E4S : Enterprise for Society Center dont le titre est le suivant :

Déconfinons ! Déconfinons ?
Esquisse d’une stratégie combinant facteurs sanitaires et économiques

Le document complet est disponible ici en pdf. Même si le document détaille plusieurs solutions de déconfinement envisageables, je ne reprends ici que la solution finalement proposée par les chercheurs:

Déconfinement sans test : l’option par vagues et par secteur

Les chercheurs ont analysé puis éliminé la solution du déconfinement par classes d’âge en commençant par les plus jeunes censés être plus résistants au virus. Elle pose un problème d’organisation travail dans les entreprises et des risques de développement de l’épidémie puisque ces jeunes retrouveraient leurs familles tous les soirs !

Une approche alternative, et sans doute plus acceptable économiquement, serait de libérer la population par secteur. Cette approche permettrait notamment de mieux prendre en compte les complémentarités entre les travailleurs de générations différentes, ce qui du point de vue de l’organisation du travail serait un avantage important par rapport à l’approche purement par âge.

Nous proposons par conséquent de procéder à un déconfinement échelonné par secteur en privilégiant ceux qui sont les plus handicapés par le confinement.

Les secteurs économiques qui doivent être prioritairement déconfinés pourraient être choisis plus sélectivement sur la base de quatre critères :

  • Tout d’abord, comme déjà mentionné, il s’agit de savoir si le secteur est plus ou moins propice au télétravail. Comme le montre le tableau, sous ce critère, les secteurs « Hébergement et restauration », « Construction », « Santé humaine et action sociale » et « Transports et entreposage » seraient les cibles d’une première vague de déconfinement car ils se prêtent moins au télétravail.
  • Cependant, l’importance de chaque industrie au sein de l’économie suisse doit également être prise en compte. L’hébergement et la restauration, par exemple, ne contribuent que pour 1,7 % à la valeur ajoutée totale de l’économie. En revanche, le secteur industriel, le commerce de gros et de détail, l’immobilier et l’administration publique sont des secteurs à plus forte valeur ajoutée au niveau agrégé (à noter que, compte tenu de la manière dont la valeur ajoutée du secteur public est calculée, ces chiffres ne sont pas à prendre pour argent comptant).
  • La valeur ajoutée économique doit aussi être combinée avec le niveau d’emploi d’un secteur, pour obtenir une mesure de la valeur ajoutée par travailleur. Toutes choses égales par ailleurs, il fait sens de déconfiner moins de personnes (moins de risque de contagion) mais les plus productives (moins de perte économique). Ainsi, les 660’000 employés du commerce de gros et de détail génèrent par exemple 180’000 CHF de valeur ajoutée par employé et par an. En revanche, les activitiés financières et d’assurance, qui comptent 255’000 employés, génèrent 284’000 CHF de valeur ajoutée par employé et par an.
  • Enfin, ces critères objectifs méritent d’être qualifiés de multiples manières. D’abord il est naturel de prendre en compte la viabilité des (petites) unités économiques dans la situation exceptionnelle que nous vivons actuellement : on sait que le petit commerce est sévèrement menacé et c’est un aspect qu’il faut sans doute prendre en compte. Ensuite, au sein de chaque secteur, il est clair que certaines fonctions sont soit (i) non indispensables à court terme, soit (ii) plus faciles à exécuter à distance. Dans le premier cas, il appartient aux entreprises de déterminer si certaines tâches peuvent être reportées de quelques mois, notamment lorsque certains emplois sont complémentaires à d’autres qui sont exercés à distance.

Sans pouvoir aller dans les détails de leur application à chaque cas spécifique, nous illustrons l’usage de ces critères dans une proposition concrète de déconfinement en trois vagues.6

  • Dans une première vague, seraient entièrement déconfinés les employés des secteurs « Santé humaine et action sociale » et « Commerce et réparation ». Pourquoi ? Dans le cas du secteur des soins de santé, une large proportion de ces personnes est déjà de facto en activité. De plus, certains services rendus sont essentiels pour limiter les coûts sanitaires du confinement (physio- et psycho-thérapie, etc). En ce qui concerne le commerce de gros et de détail, il s’agit d’un gros employeur, il ne peut fonctionner à distance et sa valeur ajoutée – bien qu’elle ne soit pas très élevée par employé – est un grand contributeur à l’économie suisse. Les incertitudes quant à la capacité de nombreux petits commerces à survivre à une phase de confinement prolongée renforcent cette proposition.
  • Dans une deuxième vague, on pourrait libérer (dans la mesure où elles sont contraintes pas les mesures actuelles) les personnes travaillant dans l’industrie et la construction. Là encore, la plupart des emplois ne peuvent pas fonctionner à distance, emploient de nombreuses personnes et génèrent ensemble 25 % de la valeur ajoutée totale en Suisse.  Au terme de ces deux premières vagues de déconfinement, le risque encouru serait encore de 53% inférieur à celui d’un déconfinement sans restriction. Surtout, l’échelonnement proposé permettrait de conditionner la suite du déconfinement à une ré-estimation des risques encourus à partir des observations les plus pertinentes.
  • Dans une troisième vague et dans la mesure où les deux premières vagues ne donnent pas d’indications d’une reprise incontrôlée de la contagion, on pourrait libérer le reste de l’économie, notamment les 1,2 million de travailleurs des secteurs « Activités financières et d’assurance », « Administrations publiques », « Hébergement et restauration » ainsi que les travailleurs actuellement confinés du secteur « Transports ». Les deux premiers secteurs auront fonctionné assez efficacement à l’aide du télétravail ; les deux derniers ont une contribution plus faible à la valeur ajoutée en Suisse. Selon notre indicateur de risque, le déconfinement de cette 3ème vague augmenterait le risque encouru de près de 50 % avec un besoin potentiel d’hospitalisations en soins intensifs supplémentaires de 1’436 unités. Ce calcul montre l’intérêt de jouer la prudence et de ne pas prendre une telle décision sans la faire précéder du processus de « trial & error » proposé.

Cette proposition repose sur les critères énoncés plus haut mais elle ignore des complémentarités importantes à prendre en compte si l’on veut que l’organisation sociale dans cette période transitoire reste efficace. Cela concerne les transports et la restauration dont auront besoin les travailleurs déconfinés, mais également les garderies et écoles primaires. En ce qui concerne les transports, ils sont souvent indispensables au fonctionnement des autres secteurs et même si la distribution par âges prévalant dans ce secteur est défavorable (avec une proportion plus grande de travailleurs âgés et donc a priori plus vulnérables au risque sanitaire), ce facteur est compensé par la relative facilité d’assurer le maintien de la distance sociale. Un déconfinement prudent du secteur de la restauration (par exemple en s’assurant que seuls les restaurants permettant de maintenir la distance sociale sont autorisés à ré-ouvrir autrement que sous forme de take-out) est aussi concevable et désirable pour assurer la restauration des travailleurs déconfinés.

Enfin, la même exigence de complémentarité rend nécessaire d’envisager une réouverture des garderies et écoles primaires dès la première vague de déconfinement afin que la garde des enfants des travailleurs déconfinés soit assurée (notamment sans devoir s’en remettre aux grands-parents qui sont une population en principe plus vulnérable). Étant donné que le maintien de la distance sociale est difficilement imaginable dans les écoles pour les petits, cette mesure complémentaire représente une augmentation substantielle mais difficilement mesurable du risque associé à cette première vague de déconfinement. La solution la plus pragmatique est sans doute de prêter un suivi encore plus attentif aux conséquences épidémiologiques d’une première vague de déconfinement comprenant une réouverture des garderies et écoles primaires et d’être déterminés à revenir promptement en arrière, au moins partiellement, s’il s’avérait que le nombre d’infections repartait à la hausse. L’ouverture de structures avec un nombre plus réduit d’enfants serait aussi une possibilité pour limiter le risque propagation de l’infection.

Conclusion

L’approche progressive et sélective esquissée ici ne prétend pas être la solution miracle. Celle- ci n’existe pas, en tout cas pas avec les informations dont nous disposons aujourd’hui. Un calendrier précis devra être établi sur des bases principalement épidémiologiques, notamment en termes du nombre de nouveaux cas quotidiens, qui devra être significativement plus bas qu’aujourd’hui, et en s’assurant d’une marge largement reconstituée pour accueillir de nouvelles hospitalisations. La seule certitude est que des efforts vont encore devoir nous être demandés à tous. Gageons qu’une fois de plus, la discipline et le sens du devoir du peuple Suisse feront merveille et permettront d’avancer.

Enterprise for Society Center.

Il est légitime de se demander si nous avons la capacité, en France, de produire une telle analyse – aussi technique et surtout dénuée de toute idéologie et arrière pensée politique – et si on serait capable de l’appliquer avec les oppositions politiques et syndicales qui ne manqueraient pas de se déchainer …

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