Un front républicain de plus en plus fissuré

Publié par le 17 Mar, 2021 dans Blog | 6 commentaires

Un front républicain de plus en plus fissuré

Le front républicain mis en place par François Mitterrand pour tuer la droite modérée en diabolisant le Front National et soigneusement entretenu depuis, pas la gauche, commence à se fissurer sérieusement.

Un sondage récent, publié par le journal l’Opinion, montre qu’en cas de deuxième tour opposant Marine Le Pen à Emmanuel Macron lors de la présidentielle de 2022, une majorité d’électeurs déclarant vouloir soutenir au premier tour Jean-Luc Mélenchon ou Anne Hidalgo voteraient blanc ou s’abstiendraient de se rendre aux urnes.

Voici un article de Jean-François Kahn qui condamne l’acharnement de la gauche et de ses médias à maintenir en place les ruines de ce front républicain :

Jean-François Kahn : « Qui fait le jeu de qui ? »

Pour le journaliste et essayiste, la gauche prétend « faire barrage » à l’extrême droite alors qu’elle lui livre sans cesse des munitions.

Jean-François Kahn

Cet article a été envoyé au Monde parce qu’il concernait spécifiquement Le Monde. Ce journal n’a donc pas cru devoir le publier. Dommage. Que les lecteurs jugent.

Ma grand-mère me disait toujours – c’était sa façon d’inciter à affronter le réel : « Mon petit, il faut sortir ! »

Quand je lis les tribunes tranchantes, catégoriques, implacables, excommunicatrices souvent, que multiplient des intellectuels qui, se réclamant, apparemment, d’une gauche qui ne serait pas molle, dénoncent avec ardeur un « cours des choses » déplorable, dont eux seuls ne seraient jamais, fût-ce indirectement, responsables, je m’interroge moi aussi : est-ce qu’ils sortent ?

Est-ce qu’ils écoutent ? Est-ce qu’ils entendent ce qui, dans la moindre arrière-cour de la vie réelle, toutes sensibilités confondues, presque unanimement souvent, se répand, se murmure au mieux, se crie ou se hurle au pire, et qui, si leurs antennes acceptaient de le capter, ne pourrait que les conduire à s’interpeller eux-mêmes : sommes-nous vraiment innocents de ce déferlement de discours qui se dopent à la radicalité du rejet du nôtre ?

Les faits : non seulement les enquêtes d’opinion indiquent que 32 % de l’électorat serait prêt à voter, à l’élection présidentielle, pour des candidats situés à la droite de la droite, néofascistes inclus (contre 28 % pour les gauches), mais l’écoute, hélas refusée, montre que beaucoup, qui n’ont pas franchi le pas, tiennent des propos, en réaction aux vôtres, qui laissent présager qu’ils pourraient le faire.

C’est-à-dire en réaction à la musique dont une fraction de la gauche ou de l’extrême gauche journalistique et intellectuelle inonde l’espace public et que la droite, et pour cause, se fait un malin plaisir de relayer abondamment.

Conçoit-on les dégâts qu’a provoqués le texte collectif inouï, signé de toute une mouvance universitaire , qui, avec une violence verbale qui rappelait celle d’un autre temps, déniait (venant après tant d’autres dénis) l’existence même d’un phénomène idéologique que 70 % des Français prennent, eux, en considération (comme une certaine droite refuse d’admettre l’émergence d’un courant néofasciste), rejetait le droit même de l’évoquer, refusait en conséquence tout débat sur ce sujet et en réservait l’éventuel examen à un entre-soi corporatisto-aristocratique ?

C’était, disait ce texte, faire le jeu de l’extrême droite que de ne pas s’enfermer dans ce déni.

Le jeu de l’extrême droite ?

Parlons-en : qui fait le jeu de qui ?

Peut-on impunément recycler systématiquement aux différentes marges de la gauche, et surtout de l’extrême gauche, presque tout ce qui identifiait hier la droite la plus réactionnaire, y compris le cléricalisme, sans se désarmer soi-même face à la montée des néofascismes ?

Quand, comme le font les tenants de la nouvelle gauche identitaire, on centralise le concept de race , ce qui constituait la spécificité de la droite extrême, elle aussi identitaire, comment, ensuite, disqualifier son racisme ?

Comment faire barrage aux poussées de nationalisme xénophobe quand, en vertu de l’essentialisation des identités ethniques, sexuelles et confessionnelles , on jette allègrement l’ universalisme au rebut ?

Quand on réhabilite la pratique de la non-mixité, fût-ce prétendument à l’envers, comment stigmatiser efficacement le ségrégationnisme d’extrême droite ?

De qui fait-on le jeu quand, pour disqualifier des laïcs intransigeants, on reprend le terme de « laïcard », popularisé par la droite extrême ?

Depuis des années, systématiquement, que fait-on ? On livre à l’extrême droite toutes les valeurs fondatrices du combat démocratique et républicain pour peu qu’elle ait, cette extrême droite, tactiquement, mis, ne fût-ce qu’un petit doigt dessus : la nation, la laïcité, la sécurité, la République. Ce qui induit cette invite : vous qui avez régulièrement trahi la nation, comploté contre la République, refusé la laïcité, justifié l’insécurité sociale, vous vous êtes avisés, soudain, de prononcer ces mots-là… Tope là, on vous en fait cadeau, on vous les laisse, c’est à vous ! Et on y ajoutera même en prime : la valeur travail ou la famille. Servez-vous !

Qui fait le jeu de qui ? L’aspiration universelle à la sécurité, les déchirures sociales provoquées par la dynamique des flux migratoires, l’angoisse d’une perte d’identité, autant de réalités concrètes qu’il fallait non pas occulter, exorciser, mais affronter pour leur apporter des réponses démocratiques et progressistes. Au lieu de quoi, toute une fraction de la gauche et de l’extrême gauche intello-médiatique a jeté l’interdit, l’anathème sur toutes les velléités d’affronter frontalement ces questions et, ce faisant, en a livré l’exclusivité au Front national [aujourd’hui Rassemblement national, NDLR], à ses alliés et à ses acolytes.

Qui fait le jeu de qui ?

Ce qui singularisait l’extrême droite et le néofascisme, c’était l’intolérance, l’appel à la censure, à l’interdiction, la pratique de l’exclusion, la violence excommunicatrice, le rejet de la libre expression… Et voilà que ces pratiques sont récupérées par plusieurs affluences d’un radicalisme prétendument de gauche sans susciter la levée de boucliers qui s’imposerait. Pire : ce qui caractérisait le mal devient l’une des formes acceptables de la manifestation du bien !

Qui fait le jeu de qui ?

On avait, des années durant, traqué tous les soupçons de compromission avec l’extrême droite, on avait obsessionnellement dénoncé les tentations supposément populistes, et quand, en réaction à deux mesures d’inspiration écologiste, la taxe carbone et la limitation de vitesse sur les routes départementales, s’est développé un mouvement extrêmement ambigu à relents parfois antisémites (même s’il portait également des aspirations que, personnellement, je ne désavoue pas), intrinsèquement populiste et coopérativement impulsé, à l’origine, par l’extrême droite et par l’extrême gauche, comment ont réagi les sociologues et les philosophes préférés de la gauche radicale : ils l’ont exalté, idéalisé et exemplarisé. Or, à l’arrivée, que constate-t-on ? Que l’extrême gauche s’est effondrée, que l’extrême droite est repassée en tête et que la majorité des sympathisants Gilets jaunes a voté lepéniste.

Autocritique ? On attend toujours.

Qui fait le jeu de qui ?

Lorsque, chaque semaine, des manifestations à motivations légitimes se soldent par des cassages de commerces de proximité initiés par des doublures anarchisantes des skinheads d’en face sans que, à gauche, nos habituels censeurs intransigeants exercent, à cette occasion, la moindre intransigeante censure, qui fait le jeu de qui ?

Quand on dissout toute déploration des extrémismes d’actions directes dans la seule dénonciation des violences policières, qui fait le jeu de qui ?

Quand ceux qui, au premier chef, devraient mettre en garde contre ces dérives, ces diversions, ces provocations aux conséquences psychologiques et politiques redoutables s’interdisent de tirer le moindre signal d’alarme et se contentent d’un « Allez-y les petits gars ! », qui fait le jeu de qui ?

Aveuglement ou calcul, idiotie ou cynisme : pourquoi cet acharnement à verser toujours plus de carburant dans le moteur de l’extrême droite ?

Pourquoi cette continuelle livraison de munitions à un « en face » qu’on feint, par ailleurs, de promouvoir en cible préférentielle ?

Pourquoi ces radicalités de posture et de confort qui permettent aux loups de se faire passer pour des chiens de garde ?

Votre, notre maison brûle et, sous prétexte d’éteindre les flammes, vous les arrosez d’essence.

Jean-François Kahn pour le Point.

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6 Réponses à “Un front républicain de plus en plus fissuré”

  1. Tout ce qui agite les bobos, les écolos, les antiracistes de pacotille n’intéresse peu les Français, voire pas du tout. Ces gens sont totalement déconnectés des préoccupations quotidiennes de leurs compatriotes, de leurs souhaits et de leurs aspirations. Rarement dans l’histoire un tel gouffre entre ce qui fait la une des gazettes et des journaux télévisés n’a existé.

    Le sentiment que j’ai à l’heure actuelle est que la guerre civile est proche. Les gouffres sont faits pour être comblés.

  2. Les incapables qui dirigent ce pays ou influencent les décisions qui sont prises depuis une quarantaine d’année se permettent de faire n’importe quoi car ils comptent sur le front anti FN et l’impossibilité pour les lepenistes d’arriver au pouvoir. Mais à force de désespérer les Français et de démolir notre pays le « plafond de verre » empêchant l’extrême droite d’arriver aux affaires va finir par sauter, non par adhésion mais par lassitude ou dégout. j’entends de plus en plus souvent autour de moi des remarques comme quoi les seuls qui ne sont pas aux affaires et dont on ne sait pas s’ils sont capables c’est l’extrême droite et vue la situation pourquoi ne pas essayer ?
    Le réveil sera très dur, en particulier pour toute la droite  » classique » qui a démissionné depuis longtemps.

  3. Le projet présidentiel du Général MARTINEZ

    La candidature d’un ancien officier général à l’élection présidentielle peut surprendre, interpeller même car habituellement ceux à qui la France a confié son épée sont peu enclins à s’exprimer et sont d’ailleurs soumis à un devoir de réserve. Il me semble cependant, et j’en suis convaincu, qu’elle est opportune et pleinement justifiée car la situation à laquelle sont confrontés aujourd’hui notre pays et son peuple relève d’une problématique qui dépasse largement les thèmes généralement abordés dans une telle campagne électorale puisqu’il s’agit de la mise en danger de leur propre existence et donc de leur survie. Cette candidature me semble pleinement justifiée car l’image véhiculée par le militaire dans l’inconscient collectif dans ce contexte est celle du défenseur de la patrie, du territoire, chargé de protéger les citoyens, au prix même de sa vie, contre toutes sortes de menaces.
    Aujourd’hui, cette candidature est d’autant plus nécessaire qu’elle s’inscrit dans une situation gravissime puisque ce sont les dirigeants eux-mêmes qui œuvrent contre la patrie, contre la nation et mettent les Français en danger. Ma démarche effectuée hors des partis politiques est également la garantie de mon engagement totalement désintéressé au service du bien commun et de l’intérêt de l’État et de la nation. Celui que le peuple désigne pour le guider est dépositaire d’un pouvoir non pas absolu mais délégué, un pouvoir confié pour une période, un pouvoir qui doit être orienté en permanence vers le bien commun et l’intérêt de l’État et de la Nation, c’est à dire un pouvoir exercé avec les devoirs impératifs liés à cette lourde charge. En un mot, servir. Le président n’est que le fondé de pouvoir d’un souverain qui s’appelle le peuple.
    Général Antoine MARTINEZ

    Que pense vos lecteurs ???

    • Rien, si ce n’est une profonde indifférence. Les militaires au pouvoir ne sont pas forcément de bons politiques. Pour un De Gaulle, nous avons eu Mac-Mahon qui n’a pas laissé un souvenir impérissable ou un Pétain qui fut un très bon général et un très mauvais politique.

  4. JF Kahn vieillit mal : il garde les mêmes réflexes de toujours « l’extrême droite, néo fasciste … ». Pas de méa culpa, pas d’aggiornamento à propos des éditos au vitriol qu’il écrivait contre Sarkozy, quand celui ci tenait un discours réaliste. Non, ce sont les autres qui se trompent, pas lui.

    Et aujourd’hui il semble redécouvrir l’eau chaude.

    • Tout à fait d’accord avec cette réflexion sur JF Kahn, lui même fustigeur professionnel du FN et donneur de leçons en chef de la droite agissante de l’époque.

      Petite digression, le chocolatier est un commerce essentiel, surtout à Amiens, surtout dans la maison Trogneux, famille de Brigitte, 1ère dame d’un pays à la dérive.

      Comment peut-on se poser la question de la stratégie d’un front républicain alors qu’il faut plutôt trouver la solution pour sortir de cette monarchie autour d’un enfant roi ?

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