« Etre de droite, ce n’est pas une maladie honteuse »

Publié par le 15 Juil, 2017 dans Blog | 0 commentaire

« Etre de droite, ce n’est pas une maladie honteuse »

Après l’élimination de Nicolas Sarkozy, la mise à la retraite d’Alain Juppé et le fiasco de la candidature François Fillon, la Droite est en pleine crise existentielle !

Elle n’a plus de leader et la trahison des « Constructifs », partis « à la soupe » chez Jupiter-Macron, l’a durablement affaiblie.

Le prochain congrès des Républicains aura lieu en décembre prochain, et si les candidats ne se bousculent pas pour prétendre à la tête du mouvement, Laurent Wauquiez semble le mieux placé – notamment aux yeux des militants – pour reprendre la « boutique » …

Dans la lignée de mes deux articles précédents : Comment reconstruire la droite ? (1/2) et (2/2) voici un interview de Laurent Wauquiez parue sur le site web du Monde :

Vice-président des Républicains (LR), Laurent Wauquiez annoncera probablement sa candidature à la tête du parti après la pause estivale. Figure de la droite dure, il dévoile ses pistes de refondation de sa famille politique.

Quel regard portez-vous sur les premières décisions budgétaires du quinquennat ?

Le président de la République et sa majorité ont déjà varié de position très vite et très souvent. Ce n’est pas de l’amateurisme, c’est un symptôme. Ils changent régulièrement de posture, car ils n’ont pas de colonne vertébrale. Ce nouveau pouvoir fonde son action sur du marketing politique et une efficacité technocratique supposés remplacer les convictions.

Emmanuel Macron n’a pas d’idéologie, pas de boussole, pas de valeurs.

Regardez les questions militaires… Pendant la campagne, il a promis d’augmenter le budget de la défense à 2 % du produit intérieur brut. Depuis son élection, il a fait de belles images en descendant dans un sous-marin nucléaire. Une semaine après, il a réalisé la coupe la plus claire dans le budget des armées. Tout cela se fait sous l’apparence d’un consensualisme technocratique. Le débat d’idées a disparu.

Approuvez-vous la venue de Donald Trump aux cérémonies du 14-Juillet ?

Ça ne me semblait pas être la priorité. La poignée de main avec Trump, puis le slogan provocateur sur le climat, « Make our planet great again », ne peuvent pas faire oublier que M. Macron n’a pas fait changer d’avis le président américain.

Mais ce pragmatisme et cette communication, n’est-ce pas cela, la politique moderne ?

Non, c’est au contraire la mort de la politique. Pour le moment, on a vu beaucoup de sourires, de poignées de main très commentées, des parties de tennis sur le pont Alexandre-III [à Paris], des photos scénarisées… Ça ne remplacera jamais une vision politique pour la France.

Sur quels sujets l’attendez-vous ?

Il y a un vide abyssal dans son discours sur le régalien, sur l’intégration, sur le creuset républicain. M. Macron n’évoque jamais l’invasion de la barbarie islamiste dans les cerveaux. Il ne veut pas voir la réalité de l’islamisme radical, il est dans le déni. Comme dit [le philosophe] Pierre Manent, le politiquement correct est la langue des gens qui tremblent à l’idée de ce qui pourrait arriver s’ils arrêtaient de se mentir.

L’autre problème de Macron est le divorce des deux France face à la mondialisation. Il comprend parfaitement la France qui réussit, celle des métropoles, il est à l’aise dans un hôtel de start-up à Paris ou à Las Vegas. Mais il ne s’est jamais adressé à l’autre France, celle des ouvriers et des classes moyennes. Son expression sur les Français « qui ne sont rien » est révélatrice, car elle lui vient naturellement, elle surgit du fond de son cortex. C’est l’équivalent des « sans-dents » de François Hollande.

Vous avez fait campagne pour François Fillon qui n’a pas particulièrement attiré la France populaire …

C’est vrai, et vous reconnaîtrez que j’ai tiré la sonnette d’alarme. Nous n’avons pas su suffisamment parler à la France périphérique.

Emmanuel Macron travaille avec des personnalités de droite dans son gouvernement. Pèsent-ils sur la ligne selon vous ?

Ils sont dans une errance et n’ont réussi à imposer aucun changement dans le programme. Nous avons assisté à un débauchage de personnalités qui ont renoncé à leurs convictions, comme par exemple [le ministre de l’économie] Bruno Le Maire, qui a préconisé la baisse de la contribution sociale généralisée pendant sa campagne des primaires et va maintenant l’augmenter. [Le premier ministre] Edouard Philippe, lui, n’est aujourd’hui pas quelqu’un de droite.

Faut-il les exclure des Républicains ?

Ils ont trahi pour occuper des postes, ils nous ont quittés d’eux-mêmes. Il y a une procédure d’exclusion en cours, mais ils pourront s’expliquer, il n’y aura pas de brutalité. Il faut continuer à tendre la main aux autres, notamment à ceux qui ont été otages d’aventures personnelles.

La droite doit-elle se refonder idéologiquement ?

Il y a deux chemins.

  • Le premier est celui du consensus mou, d’une adhésion passive à l’action d’Emmanuel Macron sans assumer la lutte sur le terrain des valeurs. C’est la voie la plus facile, mais c’est la certitude d’une mort douce.
  • La deuxième voie est plus exigeante : elle consiste à se réinterroger sur les valeurs de la droite. C’est celle qui s’inspire d’un certain nombre d’intellectuels : Alain Finkielkraut, Marcel Gauchet, Michel Houellebecq, Michèle Tribalat, Elisabeth Badinter…

Patrick Buisson ?

Je ne l’ai pas cité. A chaque fois, on m’interroge là-dessus : j’ai dû voir dans ma vie en tout et pour tout six fois Patrick Buisson, et ça doit faire quatre ans que je ne l’ai pas vu.

Quelles sont les valeurs de la droite pour vous ?

L’ascenseur social, l’idée du mérite à l’école, la volonté de défendre un modèle social miné par les injustices, l’identité et l’intégration, qui sont mises en danger par le communautarisme, l’attachement au travail…

Nous ne pouvons pas non plus être dans un désert de discours sur la question de l’environnement en sortant de la seule approche malthusienne par les normes. Il faut repenser les territoires de la droite et en investir de nouveaux. Nous ne devons pas nous excuser d’être de droite.

 

Arrive-t-on au bout de l’histoire de l’UMP et de LR, de l’union de la droite et du centre ?

Je ne crois pas. Nous sommes dans une période de trouble, avec l’onde de choc de cette présidentielle que nous n’aurions jamais dû perdre. Mais de la crise peut naître quelque chose de salutaire.

La question de la diversité des sensibilités est inscrite dans l’histoire de la droite. Le prochain président de LR devra veiller à leur expression. Je le dis aux autres personnalités de ma famille : laissons de côté les ambitions et retrouvons le sens du collectif.

Des élus de votre parti, comme Valérie Pécresse, vous accusent de dérive identitaire, d’avoir la tentation d’un rapprochement avec le FN. Etes-vous vraiment celui qui peut rassembler la famille LR ?

Il faut que les caricatures cessent. J’ai fait la preuve à travers mon itinéraire, à la tête de ma ville ou de ma région, qu’on peut avoir des convictions claires et en même temps être capable de rassembler. On se trompe en pensant qu’il faut se diluer pour pouvoir fédérer. Etre de droite en France, ce n’est pas une maladie honteuse.

Il y a deux lignes différentes au sein de la droite. La question européenne en est une illustration. Vos positions, parfois eurosceptiques, sont irréconciliables avec la droite modérée…

Je ne crois pas. Sur l’Europe, ma position est simple : on a besoin de l’ambition européenne mais nous nous en sommes écartés. Une Europe avec trop de pays autour de la table, ça ne marche pas. L’Union européenne traite mal un certain nombre de sujets, comme la question migratoire ou la sécurité. Sur le fond, je ne dis pas qu’il n’y a pas de différences entre les sensibilités de droite. Mais ce débat ne nous oblige pas à divorcer.

Est-ce que vous proposez une clarification de la droite sur la ligne Wauquiez ou un rassemblement plus large ?

Le sujet, ce n’est pas la ligne Wauquiez, Pécresse ou Bertrand. Il va y avoir une élection, qui permet à toutes les sensibilités qui souhaitent s’exprimer de le faire. Il faut qu’on retrouve une colonne vertébrale, qui n’exclut pas l’expression de sensibilités.

On a évidemment besoin de la voix de Valérie Pécresse, elle a toute sa place à l’intérieur, ou de Xavier Bertrand. Qu’est-ce que c’est que cette conception étrange de la vie politique qui consiste à dire « si ce n’est pas moi qui gagne, je quitte le parti » ?

C’est plutôt « si jamais Laurent Wauquiez gagne, je pars »…

Ce que je leur propose, c’est de débattre et confronter nos idées lors de l’élection.

Si vous n’avez pas d’opposant de premier ordre, ce sera un raté pour la refondation idéologique.

Nicolas Sarkozy a pris les rênes de l’UMP sans avoir de personne capable de se mettre en travers de lui, et pourtant il a construit un très beau parti politique. Jacques Chirac a pris la responsabilité du RPR, et personne ne s’est mis en travers de lui. A l’époque, l’un et l’autre ont fait l’objet de caricatures qui étaient tout aussi saignantes que celle que je subis.

La voix de la droite peut disparaître, c’est d’ailleurs la stratégie de Macron : plus rien entre lui et les extrêmes… Par rapport à ça, les postures personnelles, les aigreurs, n’ont pas de place. Je suis déterminé à deux choses : reconstruire une droite claire, et rassembler les sensibilités.

Qu’est-ce qui vous sépare idéologiquement du FN, alors que vous semblez parfois plus proche des positions de Marion Maréchal-Le Pen que d’Emmanuel Macron ?

La vision du Front national repose sur une posture du recroquevillement. On quitte l’Europe : on se recroqueville sur la France. On exclut les autres : on se recroqueville sur soi-même. On érige des barrières : on enferme nos entreprisesà l’intérieur du pays.

Ce n’est pas ma vision, qui est de redonner un socle qui permette à la France de rayonner. Je veux refonder l’Europe, parce que je veux que la France rayonne en Europe. Je veux qu’on gère la question de l’identité et de l’intégration parce que je veux à nouveau que la promesse française puisse se réaliser, que quelqu’un puisse devenir français d’où qu’il vienne. Ce n’est pas la même vision de l’avenir, la mienne reste profondément empreinte du gaullisme, de la démocratie chrétienne.

La préférence nationale est normalement un marqueur de différence entre la droite et le FN. Est-ce qu’il existe encore, sachant que LR met par exemple en place la « clause Molière » dans les régions ?

Je n’ai aucun problème à affirmer que nous devons donner la priorité à nos entreprises dans les marchés publics. Je n’ai pas attendu le FN pour le dire. Et ce n’est pas parce qu’une idée est abordée par le FN que je vais la rejeter.

Arrêtons les procès de Moscou. Cela fait trente ans qu’on cherche par ce biais à empêcher la droite d’exprimer ses idées. La question des alliances avec le FN est artificielle : il n’y en a pas, et je ne les accepterai jamais.

Pour autant, je revendique de pouvoir parler aux gens qui ont voté FN. Comment contrer le FN ? Avec une droite qui s’excuse ? Avec une droite qui s’allie avec la gauche, comme ç’a a pu être fait dans les Hauts-de-France ? C’est la région qui vient d’élire le plus de députés frontistes. Ou est-ce que c’est l’approche de Nicolas Sarkozy en 2007, dont je rappelle que c’est le seul à avoir fait baisser le score du FN depuis 1981 ?

Est-il possible pour vous de travailler avec Marion Maréchal-Le Pen à titrepersonnel si elle n’est plus au FN ?

Il n’y a aucune porosité. Je n’ai aucune intention de travailler avec Marion Maréchal-Le Pen, pas plus qu’avec Marine Le Pen. Il faut arrêter de mettre le FN au centre du jeu, d’en faire l’arbitre des élégances.

Le FN, mal à l’aise avec son corpus idéologique, est en train de se déchirer. Le débat d’entre-deux-tours a été une vraie opération de vérité. Marine Le Pen est apparue avec le visage de l’agression, de la caricature et de l’incompétence. C’est une opportunité pour nous de convaincre ces Français que nous avons perdus par nos lâchetés de nous rejoindre.

Propos recueillis par Olivier Faye, Nicolas Chapuis et Matthieu Goar pour le Monde

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