Steve Bannon mérite d’être écouté (2/2)

Publié par le 17 Avr, 2019 dans Blog | 0 commentaire

Steve Bannon mérite d’être écouté (2/2)

Voici la seconde partie de l’interview donnée par Steve Bannon au Figaro(première partie ici) : 

Le Figaro Magazine : Trump a-t-il tenu ses promesses ? Quel rapport avez-vous avec lui aujourdʼhui ?

Steve Bannon : Il a compris lʼimportance de tenir ses promesses aux yeux des gens,  à commencer par la construction du mur, celle dʼadapter les Etats-Unis aux changements structurels par rapport . la Chine, et lʼarrêt des conflits à lʼétranger comme en Afghanistan. Si vous écoutez son discours sur lʼétat de lʼUnion de début février, vous constaterez ces trois dimensions. Cʼétaient les trois promesses centrales quʼil avait faites en 2016 et, face à cela, il ne reste à lʼestablishment démocrate et républicain quʼà sʼopposer à lui sur la question du mur. Trump sait quʼil ne sera pas construit au moment de sa réélection. Mais, au moins, il montre au peuple américain quʼil se bat contre lʼimmigration. Les gens se disent: « Il fait ce quʼil nous avait promis … »

Si Trump continue sur ce chemin, je ne vois personne, à lʼheure actuelle, qui puisse le battre en 2020. Et, quand on me demande ce quʼil en est de ma proximité avec lui, je réponds quʼil se définit aujourdʼhui lui-même comme un nationaliste, et que nous nʼavons jamais été aussi proches car, même quand je menais la campagne il ne sʼétait jamais lui-même défini comme tel. Quant à vous, Français, vous devez savoir quʼil ne va pas détruire lʼOtan, il aime la France tout comme les Américains lʼaiment. Nous savons que nous ne serions pas libres et indépendants sans la France parmi nos alliés, car nous avons en mémoire lʼhistoire de notre indépendance.

Le Figaro Magazine : Selon vous, la crise de 2008 nʼétait quʼune crise économique et financière ? Ou bien révélait-elle aussi une crise morale plus profonde ?

Steve Bannon : Aujourdʼhui, faites un tour dans la France et dans lʼAmérique profondes, vous verrez quʼaucun de nos deux pays ne sʼest vraiment relevé de la crise de 2008. Cʼest comme si cette crise économique avait touché de manière perverse et le plus durement ceux qui étaient a priori le plus éloignés de son point dʼexplosion, comme les gilets jaunes.

Cʼest une crise financière qui a conduit à une crise économique qui conduit aujourdʼhui à une crise politique. A mes yeux, le meilleur révélateur du pourrissement moral des élites nʼest pas tant la crise financière elle-même que la réaction des élites à cette crise. Rappelez-vous que ces gens ont fait appel aux meilleurs cabinets dʼavocats, de comptables, de conseils aux banques. Lʼélite de lʼélite à Londres, Francfort, et bien sûr Wall Street, nʼavait quʼune idée en tête: se renflouer. Concrètement, quʼont-ils fait ? Ils ont ouvert les robinets de liquidité, ce que nous appelons le « quantitative easing », pour stopper la peur de la déflation. Ils ont émis pas moins de 4000 milliards de dollars pour se sauver, au grand détriment de lʼhomme ordinaire. Si vous avez aujourdʼhui des comptes épargnes qui ne rapportent plus rien du tout, sachez que cʼest à cause des taux dʼintérêts négatifs auxquels ils ont eu recours pour se renflouer eux-mêmes. Le tout sur le dos de lʼhomme ordinaire.

Cʼest à mon avis le refus des élites dʼaccepter leur responsabilité et dʼen payer les conséquences qui déclenche aujourdʼhui la révolte des peuples. Regardez votre révolte, ici en France. Elle est très liée à ce désastreux accord de Paris, par lequel vous avez autorisé la Chine, qui est le plus gros pollueur de la planète, à polluer encore et encore. Et comme les riches ont eu des baisses dʼimpôts, cʼest aux Gilets jaunes. de payer pour ça. On comprend quʼils soient en colère ! La crise des Gilets jaunes est un parfait exemple de la pourriture morale du parti de Davos et des élites.

Le Figaro Magazine : Quʼest-ce que vous appelez le parti de Davos ? « Pourrissement moral », nʼest-ce pas un peu fort ?

Steve Bannon : Je vais vous donner un exemple qui résume tout. Dans la troisième semaine de janvier 2017, deux discours ont été prononcés. Le premier à Davos par le président chinois Xi Jinping, le second quelques jours plus tard à Washington pour le discours inaugural du président Trump. Rappelons-nous quʼavec la victoire du mouvement national-populiste, la mondialisation a connu la plus cinglante défaite de lʼhistoire des Etats-Unis – Hillary Clinton, mondialiste notoire, incarnant cette défaite -, de sorte que le parti de Davos et ses grands médias mondiaux se mettait à paniquer: « Que va-t-il se passer avec Trump, ce sauvage qui débarque à Washington pour démolir tout notre empire ? ». Quant au président Jinping, il prononçait un discours qui appelait à renforcer la mondialisation. A lʼinverse de Trump, Xi Jinping ne précisait absolument pas que ce système était délétère et quʼil réduisait les peuples en cendres. Au contraire, il était venu souligner lʼaspect central que devait prendre la Chine dans une nouvelle mondialisation. Alors tous les consultants, tous les banquiers, tous les avocats, toute la petite élite de Davos lʼa applaudi bien fort et sʼest écrié : « Xi est formidable! Xi est notre sauveur !.. A cette époque, ils étaient au courant quʼun million de Ouïghours avait déjà été transféré par lʼarmée chinoise dans des camps de rééducation et de concentration ; ils étaient au courant de la répression contre le Dalaï-Lama et contre les bouddhistes au Tibet ; ils étaient au courant du démantèlement de lʼEglise chrétienne en Chine, devenue clandestine pour survivre ; ils étaient au courant de la situation du peuple chinois, réduit en esclavage par les cadres du Parti Communiste chinois.

Sachant tout cela, ils ont accueilli Xi en sauveur et traité Trump comme sʼil sʼagissait du Diable en personne. Le seul tort du président Trump ? Prôner un renforcement du système westphalien et de lʼEtat-nation. Nous, Américains, nous nous occupons de notre pays, comme nous voulons que nos alliés et partenaires sʼoccupent du leur: « Make France great again », « Make Italy great again  », « Make Poland great again »…

Mais ils ont tous applaudi Xi Jinping et prétendu que Trump était le méchant. Cʼest cela, le pourrissent moral qui est au coeur du parti de Davos: ils ont acclamé en conscience une dictature totalitaire. En réalité, Davos ne se soucie que dʼune chose: lʼargent. Ils nʼobéissent à aucune autre autorité morale. Ils vénèrent le premier venu qui débourse suffisamment en honoraires de consulting ou de services bancaires. Davos est fasciné par le veau dʼor, nʼobéit à aucune autre autorité et très franchement, cʼest grâce à cette faiblesse morale que nous le vaincrons.

Le Figaro Magazine : Quel est votre degré de proximité avec lʼestablishment du parti Républicain ? Leur reconnaissez-vous une part de responsabilité dans la paupérisation des classes populaires américaines que vous avez décrite ?

Steve Bannon : Comme je lʼai expliqué, lʼestablishment Républicain a combattu Trump chaque fois quʼil en avait lʼoccasion. Dans ce grand mouvement national-populiste, lʼestablishment Républicain nʼest pas de notre côté. Par exemple, Trump avait négocié un accord commercial sur le soja, afin que sa valeur puisse être garantie quelle que soit son cours par la suite sur le marché boursier. Figurez-vous que lʼestablishment du parti Républicain nʼétait pas favorable à cette mesure, considérant que ce serait forcer la Chine à faire de grandes réformes structurelles. Par ailleurs, lʼestablishment du parti Républicain sʼest fait le chantre de lʼimmigration clandestine, parce que cela lui permet de faire venir plus de main dʼoeuvre peu qualifiée pour peser à la baisse sur les salaires.

A peine arrivée à Washington DC, la délégation chinoise sʼest empressée de gravir la colline du Capitole pour déjeuner avec lʼestablishment du parti Républicain. Avant que Trump ne les y ramène, tous ces braves gens étaient totalement déconnectés de la base des travailleurs du parti Républicain. Souvenez-vous : aux primaires de 2016, Trump est face à douze candidats tous largement soutenus par Fondation Heritage, lʼInsistut Caton, lʼAEI, les frères Koch, Paul Singer et jʼen passe. Quʼils soient libertariens comme Ron Paul, conservateurs comme Ted Cruz, gouverneurs comme Chris Christie, néoconservateurs comme Marco Rubio ou membre de la faction Bush, on avait affaire à la crême de la crême, à la fine fleur de lʼestablishment Républicain jusque dans leur logiciel de pensée. Et cʼest là que Donald Trump est arrivé. Il leur a dit: on va construire un mur et fermer les frontières, on va ramener nos emplois délocalisés, on va taxer les transactions avec la Chine. Eux ne savaient même pas ce que le mot protectionniste voulait dire, ils ne lʼavaient probablement jamais entendu, ce nʼétait pas même dans leur jargon. Et pendant les primaires, on voit bien quʼils ne savent même pas comment lui répondre parce que ce ne sont que des politiciens-robots programmés pour raisonner dʼune certaine manière. Le week-end précédent le jour du vote, lʼestablishment Républicain en la personne de Paul Ryan mʼa dit en face que ce nʼétait pas la peine de nous rendre dans le Wisconsin, que de toute façon on allait perdre dʼau moins trois points et quʼils ne voulaient pas être associés à cela. Je leur ai répondu que cʼétait absurde et que jʼétais convaincu que nous pouvions remporter le Wisconsin. De peu sans doute, mais nous devions y aller ! Alors Paul Ryan et lʼestablishment du parti Républicain ont refusé dʼapparaître sur la scène avec nous. Ils ne se rendaient pas compte que le discours de Donald Trump répondait aux préoccupations de la classe ouvrière américaine, tout simplement parce quʼeux-mêmes en étaient déconnectés. Pendant la campagne, nous avons eu trois ennemis: le parti de lʼélite médiatique a été le premier dʼentre eux, la frange du parti Démocrate attachée à la gauche des valeurs a été le deuxième, et lʼestablishment du parti Républicain le troisième. Combinez ces trois catégories qui sʼaccouplent entre elles et vous obtiendrez lʼélite politicomédiatique du pays, cette classe qui combat Donald Trump depuis le départ.

Le Figaro Magazine : Vous avez dit être protectionniste. Quelle est votre opinion sur la doctrine économique de lʼécole de Chicago ?

Steve Bannon : Je ne crois pas au modèle néolibéral. Bien sûr, je suis favorable à une part de capitalisme, mais à condition que ce soit un capitalisme du réel, un capitalisme pratique. Les universitaires de lʼécole de Chicago se sont perdus dans leurs théories abstraites et ils ont fait du marché libre un fétiche. Le monde est aujourdʼhui divisé entre deux systèmes opposés.

Dʼun côté, il y a la Chine, ce totalitarisme mercantile qui tente dʼinonder le monde de ses marchandises et de ses liquidités avec son programme « Made in China 2025 ». La semaine dernière, le président chinois était en France pour investir 60 milliards de dollars dans 30 contrats différents pour ouvrir son projet de nouvelles routes de la soie. Les Chinois se présentent comme votre nouveau partenaire mais leur stratégie économique réelle est de faire de la France une colonie. De lʼautre côté, il y a les démocraties occidentales qui fonctionnent encore selon lʼordre libéral et qui résistent tant bien que mal à lʼinvasion de ces produits manufacturés, lesquels sʼaffranchissent complètement des règles de lʼOMC, déséquilibrent leur balance commerciale et détruisent leurs emplois. Cʼest de là que provient la colère des peuples. Lʼécole économique de Chicago, cʼest joli théoriquement mais en pratique, cela ne tient pas la route. Mais vous savez à quoi vous vous exposez de la part des grands médias de lʼestablishment si vous dites cela aux Etats-Unis ? Moi, ils mʼont accusé dʼêtre rien de moins quʼun communiste.

Dʼaprès eux, je serais un bolchevique simplement parce que je suis favorable à la protection de nos industries et des travailleurs américains ! […]

Le Figaro Magazine : La plus grande menace pour lʼOccident nʼest-elle pas lʼislamisme ?

Steve BannonJe pense que cet islam radical et en particulier lʼislam politique et la charia sont clairement une menace importante pour lʼOccident, mais je pense que nous pouvons venir à bout de cela, dʼautant que nous avons des partenaires au Moyen-Orient qui en ont compris les enjeux. Le général al-Sissi a par exemple bien expliqué que lʼIslam devait se réformer en interne pour entrer dans la modernité et quʼil nʼy a que les nations de lʼOumma pour faire advenir cela. Cʼest pourquoi avec le président Trump nous sommes allés aussi bien à Riyad, à J.rusalem et à Rome lors de notre premier voyage. Pour faire dialoguer les grands foyers du judaïsme, de lʼislam et de lʼOccident judéo-chrétien. Reste que, oui, lʼislam radical est bien évidement une menace majeure pour lʼOccident judéo-chrétien, mais ce nʼest pas lʼislam en général, et bien son interprêtation radicale, islamiste, suprémaciste, plaçant la charia au-dessus de tout et embrassant le djihad. Et je pense que contre cette menace Trump a été lʼune des figures les plus engagées.

Mais si vous regardez les menaces existantes, ce sont les Chinois qui incarnent la menace la plus ardente pour lʼOccident, compte tenu de sa taille, compte tenu de son histoire, et compte tenu de ses ambitions. Il nʼy a quʼà regarder les nouvelles routes de la soie et voir le déplacement du président Chinois en France il y a quelques jours. Il a apporté soixante milliards de dollars avec lui : si le projet de la Chine aboutit, la France sera très différente de ce quʼelle est aujourdʼhui, et ce sera un bien plus gros problème que lʼislam radical. Les mondialistes nʼont pas voulu voir cette menace. Et Macron voit maintenant arriver un président chinois avec soixante milliards de dollars, comment peut-il les ignorer ?

Le Figaro Magazine : Plus que la gauche à la Bernie Sanders, nʼest-ce pas la gauche caviar que vous détestez ? Que pensez-vous de la politique des identités que la gauche mène? Ne fracture-t-elle pas lʼAmérique ?

Steve Bannon : Jʼécoute les progressistes à gauche et ce quʼils disent de Trump. Ils divisent en effet lʼAmérique en voulant aller bien trop loin dans une politique identitaire parce quʼils pensent que que cʼest un moyen pour eux de gagner. Cʼest pour moi une politique étriquée, qui contraste avec les résultats économiques et la question sociale. En regardant ce que Trump a fait avec ses politiques, on se rend compte quʼil obtient le plus bas taux de chômage des Noirs dans lʼhistoire, et le plus bas taux de chômage des Hispaniques en quarante ou cinquante ans, des salaires en hausse chez ces deux catégories et on peut déjà voir dans les sondages que les latino-américains commencentà se tourner vers Trump, qui a plus de 40% dʼapprobation chez les Hispaniques, et a donc coupé lʼherbe sous le pied des Démocrates et de son clientélisme ethnique.

Le Figaro Magazine.

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