Le « J’accuse » de Philippe de Villiers (2)

Publié par le 25 Déc, 2020 dans Blog | 5 commentaires

Le « J’accuse » de Philippe de Villiers (2)

Voici la deuxième partie du Grand entretien donné par Philippe de Villiers à Valeurs actuelles.

La première partie était consacrée à la crise sanitaire et ce fut l’occasion, pour le créateur du Puy du Fou, de prononcer une réquisitoire dévastateur contre la gestion de la lutte contre le coronavirus par le pouvoir.

La deuxième partie est l’occasion pour Philippe de Villiers de sonner l’alarme contre la divergence alarmante de l’immigration en France, avec un titre provocateur comme on les aime ici :

Immigration : une malchance pour la France

Valeurs actuelles : Après l’assassinat de Samuel Paty, le ministre de l’Intérieur a annoncé expulser 231 islamistes étrangers. Que vous inspire cette décision ?

Philippe de Villiers : Grand diseux, petit faiseux … C’est de la gonflette !

Quand on nous assure que l’on va expulser tous les étrangers radicaux, c’est une plaisanterie. On ne l’esquissera que par une gesticulation symbolique. Pour une raison simple: en supposant qu’on ait le courage de le faire, les traités que nous avons signés, les conventions qui nous lient, la jurisprudence des juges nous ligotent. Pour être très concret, à titre de simple illustration, je vous citerai l’article 19 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui empêche Gérald Darmanin d’agir: « Nul ne peut être éloigné, expulsé ou extradé vers un État où il existe un risque sérieux qu’il soit soumis à la peine de mort, à la torture ou à d’autres peines ou traitements inhumains ou dégradants. » Le ministre de l’Intérieur est donc un petit Gulliver empêtré. Au moment où il expulse une poignée d’étrangers radicaux, on peut lire dans la presse qu’une expulsion trois fois prononcée n’a jamais été exécutée – celle qui concernait l’imam de Pontoise, jugé pour apologie du terrorisme.

Depuis cinquante ans, se sont accumulés les obstacles à l’action régalienne. La start-up nation est en fin de cycle, elle se débat dans un tourbillon d’écume, en laissant prospérer une trilogie fatale : le baillon, le couvre-feu et la décapitation. Cette sémantique du désastre qui fait les titres de notre quotidien scelle l’échec d’une politique de Bisounours qui, depuis cinquante ans, vivent dans leur petit monde d’inculture et de Playmobil. Ils ont tout simplement oublié, comme disait Raymond Aron de Giscard: « Il ne savait pas que l’histoire est tragique.»

Le peuple français se réveille avec la gueule de bois nos hommes politiques nourrissent leur propre impuissance, mais ils l’habillent d’éloquence essoufflée et de tartarinades. Ils nous cachent qu’ils suivent toujours les objurgations des lits de justice de l’État de droit. Or, s’ils continuent à lui obéir tel qu’il existe aujourd’hui, c’est-à-dire tel que la loi est interprétée et revisitée par les juges, il ne se passera rien. Rien pour régler le problème de l’invasion migratoire, rien pour endiguer l’islamisme, rien pour faire reculer le terrorisme. La mer monte, ce sera bientôt peut-être, hélas, une mer de sang.

Etat de droit : Nous sommes impuissants face à l’invasion

Valeurs actuelles : Vous semblez vouloir remettre en cause l’État de droit …

Philippe de Villiers : Ah… nous y voilà! Mais qu’est-ce donc que l’État de droit? C’est, selon les juristes, le respect de la hiérarchie des normes. Personne ne peut raisonnablement aller contre cela. Le problème, c’est que cet État de droit doit être compatible avec le droit de l’État. Il ne s’agit pas d’en finir avec le principe de l’État de droit, mais de l’adapter à nécessaire sécurité des Français. Aujourd’hui, il a dérivé à l’américaine, il faut le ramener au port d’attache.

En effet, c’est le juge qui est le maître de l’État de droit, puisque c’est lui qui apprécie le droit. Or, il ne le fait plus dans un esprit de transparence de la loi, et donc de la volonté du peuple, mais à travers le tamis de ses préjugés, voire de son idéologie. Aujourd’hui, il y a un privilège de migration, protégé dans les séances des nouveaux « parlements ». En d’autres termes, la machine judiciaire est devenue une machine à désagréger la société.

L’État de droit, c’était la souveraineté populaire. Mais aujourd’hui chose inouïe -, nous avons au-dessus du peuple, de notre Constitution, de nos lois, c’est-à-dire de la vie publique, pas moins de cinq cours suprêmes: le Conseil d’État, le Conseil constitutionnel, la Cour de cassation, la Cour européenne des droits de l’homme et la Cour de justice de l’Union européenne.

Valeurs actuelles : Faut-il donc sortir de l’État de droit?

Philippe de Villiers : Non. Mais il faut l’adapter aux conditions de la survie. Je me reconnais dans la recommandation de Marcel Gauchet: « Il faut certes que la souveraineté du peuple n’opprime pas les droits individuels – problème classique qui justifie l’autorité des juges mais il ne faut pas non plus que les droits individuels conduisent à la liquidation de la souveraineté du peuple et spécialement dans sa dimension primordiale du droit de se défendre comme peuple. » Il faut donc remettre à sa place l’État de droit par rapport à la démocratie souveraine.

J’ai été outré par un entretien récent de Laurent Fabius, le président du Conseil constitutionnel, intitulé « Ne sacrifions pas nos valeurs à la lutte antiterroriste »… Il parle en ces termes au moment même où son institution vient de censurer, le 7 août dernier, les mesures de sûreté à l’en- contre des condamnés pour terrorisme, à l’issue de leur peine, que proposait un projet de loi de la majorité.

Il faut également évoquer les humeurs récalcitrantes des géants du Web, dont personne ne parle. Aujourd’hui, la preuve numérique se dérobe. Ce sont les Gafam qui ont le pouvoir d’aider les enquêteurs français. Afin de remonter un certain nombre de pistes, la procédure oblige les enquêteurs à adresser un nombre précis de réquisitions pour le moins formelles aux géants du Web. Or, en raison de la loi américaine très souverainiste en la matière, ces derniers ne délivrent les informations que de manière très aléatoire. Pour ainsi
dire jamais.

Islam : l’ennemi veut nous remplacer, bous soumette, nous conquérir

Valeurs actuelles : Emmanuel Macron a-t-il raison de s’attaquer au séparatisme ?

Philippe de Villiers : C’est le Charles Martel du pauvre, avec une épée en carbone. Je l’ai entendu parler en effet d’une loi « contre le séparatisme » Mais ce qualificatif, furtif comme un petit lutin, a fait trois petits tours
puis s’en est allé. Le mot a été mis au pluriel pour ne plus désigner personne, puis il a disparu sous la moquette. On est dans la pantomime: prétendre lutter contre le séparatisme en laissant entrer 450 000 personnes par an, c’est un jeu de scène. Prétendre dénoncer le séparatisme après l’avoir favorisé relève du salto au Cirque d’Hiver. Quand on élargit le regroupement familial aux mineurs étrangers, quand on signe le pacte de Marrakech, le 10 décembre 2018, quand on ose déclarer que « la colonisation est un crime contre l’humanité », quand on ose proclamer qu’« il n’y a pas de culture française », on fait soi-même du
séparatisme ! On favorise la partition, on mutile le corps central.

Du reste, le diagnostic sur le séparatisme date un peu, il est dépassé, il date des années quatre-vingt-dix. « Séparatisme » veut dire séparation, sécession. Le mot qui convient pour décrire les arrière-pensées est celui de « conquête ». L’ennemi ne veut pas se séparer de nous, il veut nous conquérir. L’idée d’une France décoloniale, c’est l’idée d’une France défrancisée par les nouveaux colonisateurs. Que veulent-ils ? Nous remplacer, nous
soumettre et nous conquérir. Macron est un dhimmi de luxe qui a déjà accepté, par légèreté, la capitis diminutio.

Valeurs actuelles : Sommes-nous en guerre avec l’islam?

Philippe de Villiers : Non, c’est l’inverse et ce n’est pas une guerre ordinaire. C’est le djihad, l’appel à la soumission. Nous sommes devant un mouvement de grande ampleur : la conquête du monde par un islam revenu à ses origines. Il y a dans l’islam une distinction fondamentale entre deux mondes : le monde de la paix, de la soumission, que l’on appelle le « dar al-islam » et le monde de la guerre, de la conquête, de l’invasion, du djihad, que l’on appelle le « dar al-harb ».

Quelles sont les armes de la conquête de notre pays ? D’abord l’installation tranquille d’une contre-société autour du concept de l’islam modéré. Ensuite, les actes de terreur pour créer un réflexe de solidarité et détacher cette contre-société de la société française composée de « mécréants ». Quand Samuel Paty ou les catholiques de Nice sont assassinés, il existe une proportion impressionnante d’enfants dans les enclaves étrangères qui applaudissent; ainsi qu’une proportion hélas importante de musulmans modérés  qui ne participent pas à notre épreuve, qui ne la ressente pas comme leur, car elle ne les concerne pas. Le terrorisme n’a pas pour but premier de nous intimider nous sommes déjà très faibles, ils le savent parfaitement – il vise à travailler la contre-société islamique en formation pour la dissocier du reste du pays. Et commencer par obtenir un édit de Nantes. Enfin – dernière offensive -, c’est la mise en accusation, avec l’incrimination fondée sur l’idée de juste revanche : « Vous nous avez colonisés, c’est à notre tour de vous coloniser. » J’ai découvert dans le livre de Pascal Bruckner une phrase significative de la
Ligue de défense noire africaine (LONA) : « Le monde a changé. La France de Clodion le Chevelu, de Jeanne d’Arc, de Philippe Pétain, de Charles de Gaulle n’est plus. Aujourd’hui c’est la France de la Ligue de défense noire africaine. » Le fondateur de cette Ligue soutient que l’État français est « totalitaire, terroriste, esclavagiste, colonialiste » et en appelle « au renommage [sic] des rues, places et lycées ». Il aimerait également que de Gaulle, Montesquieu et Napoléon soient remisés dans un musée des mauvais hommes, qui serait le pendant négatif du Panthéon. Qu’on ne me dise pas que j’exagère, c’est écrit, proclamé, revendiqué.

En face, nous nous agenouillons, comme au Parc des Princes, nous ne répondons que par la pratique de la honte de soi, l’oubli de nos racines… La déculturation de l’Europe, sous l’influence du soft power américain, encourage nos conquérants. « J’appelle Europe, disait Paul Valéry, toute terre qui a été successivement romanisée, christianisée et soumise la discipline et à l’esprit des Grecs. » Tout cela n’existe plus. La déséducation nationale a fait le travail. On apprend l’arabe à l’école et on menace les écoles hors contrat catholiques … Nous n’avons plus que la liberté d’expression et la laïcité comme boucliers, c’est-à-dire la neutralité, la culture de la béance raisonneuse et froide …

Nous subissons aussi ce qui nous affaiblit – l’idéologie de « l’accueil de l’autre », partagée à Bruxelles et à Rome – avec le pape de Lampedusa, qui prêche pour une sorte de Lépante à l’envers. Une formule d’Emmanuel Macron me vient à l’esprit: « Pour nous, il n’y a rien au-dessus de la vie humaine. » Monsieur le président, s’il n’y avait pas eu, au-dessus de leur vie même, chez beaucoup de Français, l’amour de la patrie, le goût de l’honneur et du panache, l’histoire de France serait finie depuis longtemps! S’il n’y a rien que la vie, il n’y a pas un conscrit pour partir en 1914, poitrine au vent, il n’y a pas un résistant en 1940, dans les bruyères du Vercors … Je mets cette phrase vertigineuse – « rien au-dessus de la vie humaine » – en rapport avec celle des islamistes rappelée par Boualem Sansal: « Nous aimons la mort plus que vous n’aimez la vie. »

Philippe de Villiers pour Valeurs actuelles.

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5 Réponses à “Le « J’accuse » de Philippe de Villiers (2)”

  1. le discours du Villiers fait mouche, une fois de plus, il faudrait qu’il soit repris par d’autres, tenez, par exemple, au hasard, des gens de LR …
    Hélas, il a cette image de Vicomte qui lui colle à la peau depuis les Guignols de canal+, et qui brouille désormais son message.

  2. maria-miguel bechet dit:

    Des propos d’une hauteur de vue inégalée. Une évocation prémonitoire de l’avenir de la France. Une grande lucidité sur ce qui l’attend. Philippe de Villiers est le seul à parler de la sorte. Cette image de Vicomte venant des Guignols, beaucoup d´’eau a coulé sous les ponts et elle est condamnée à l’oubli.
    Je pense que sa voix sera indispensable pour les présidentielles et qu’il la fera entendre haut et fort.

    • Il a néanmoins un parlé qui se démarque, avec des références qui ne sont pas toujours à la portée de tous … Et les humoristes, Canteloup, Gerra, ont perpétué cette image créée par les Guignols. C’est un fait.

  3. De Villiers a une fois de plus raison, il doit etre le porte parole de ces politiques qui ont abandonne en partie la lutte contre un ennemi sournois, de l’interieur et de l’exterieur.

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