Un excellent portrait de Macron

Publié par le 9 Sep, 2019 dans Blog | 0 commentaire

Un excellent portrait de Macron

Julien Aubert est l’un des trois candidats à la présidence des Républicains dont l’élection aura lieu en octobre prochain (voir ce précédent article).

Je découvre, semaine après semaine, cet homme que je ne connaissais pas et qui se présente comme un « gaulliste de droite, attaché à la Nation ».

Il vient de publier un livre intitulé : Emmanuel, le faux prophète. J’aimerais partager avec vous un excellent portrait d’Emmanuel Macron que Julien Aubert vient de livrer à Valeurs actuelles.

C’est un portrait très fouillé, équilibré dans ses aspects positifs et négatifs et très éclairant sur la stratégie qui porte le quinquennat actuel :

Une illusion nommée Macron

La première fois que j’avais rencontré celui qui n’était qu’un élève parmi d’autres de la future promotion Senghor, mon impression avait été plutôt positive. Emmanuel était un provincial, comme moi. Monté à Paris, comme moi. Il semblait enfin être réfléchi, équilibré et sensible. Cela me le rendait spontanément sympathique. L’esprit humain est ainsi fait que les perceptions influent beaucoup sur l’interaction sociale et que l’on assume partager naturellement des valeurs avec quelqu’un dont le parcours est similaire.

Je n’étais pas le seul à lui trouver des qualités. La tignasse en crinière à la mode des romantiques, il avait démontré un talent certain pour se faire apprécier par beaucoup, malgré les clivages idéologiques et politiques qui parcouraient notre promotion, sans pour autant se mêler à la vie de celle-ci de manière active. Les gens de droite en avaient déduit qu’il n’était pas de gauche. Les gens de gauche murmuraient qu’il était social-démocrate.

Qu’importe ! Il ne semblait pas particulièrement se destiner à une carrière politique, ni obsédé par sa propre réussite. Je lui avais directement posé la question de la tentation du politique, j’avais obtenu une réponse… évasive.

C’est à peu près le même homme solaire mais quelque peu solitaire que j’ai retrouvé quinze ans plus tard, quand il a commencé à émerger en politique. La formule de la potion alchimique du macronisme n’avait pas changé d’un iota : peu d’idéologie, une distance certaine tempérée d’une grande chaleur humaine, une solitude pour ne pas dire un splendide isolement. Et enfin, un talent évident.

Ce talent, ce charisme, Emmanuel Macron a su les utiliser pour charmer au fil des années des mentors qui l’ont propulsé jusqu’au sommet. Il faut reconnaître qu’il faut un don certain pour berner Hollande, convaincre Philippe, conquérir Bayrou, acheter Darmanin et ensorceler Hulot…

Ce don est cependant à double tranchant.

Le pouvoir de séduction, amplifié par une savante méthode de communication, est comme une sauce succulente qui masquerait une viande moins fraîche qu’il n’y paraît. Qu’un candidat aussi formaté idéologiquement ait pu gagner en 2017, sans coup férir, au nom du “dépassement idéologique”, est déjà paradoxal.

Malheureusement pour lui, ses véritables idées sont en réalité impopulaires en France : il est l’alliance parfaite de la technocratie et du libéralisme-mondialisme, qui depuis trente ans asphyxie lentement la vie démocratique.

Philosophiquement, Emmanuel Macron est un croyant fervent en l’économie capitaliste mondialisée. Les “banquiers” et le marché ont pris le contrôle et c’est une bonne chose : ils sont le meilleur allocataire de richesses. Il en résulte que le politique n’est pas là pour dicter sa loi à l’économie, mais pour lui permettre de fonctionner le plus aisément possible, parce que le marché a toujours raison et crée de la prospérité.

L’homme macronien est invité à transgresser certains codes sociaux (libéralisme sociétal), mais son épanouissement reste conditionné au fait d’avoir correctement analysé les règles économiques et donc de s’y adapter. Emmanuel Macron ne s’interroge guère sur le sens du progrès, qu’il voit comme étant intrinsèquement bon, à condition qu’il mène à l’épanouissement personnel défini comme un enrichissement matériel.

Le progressisme n’est donc pas révolution (collective) comme le prétend pompeusement son ouvrage de campagne, mais libération de l’individu dans sa quête identitaire et matérielle. Elle tient en trois mots : jouissance, talent et réussite.

Entre le marché et l’Homo economicus, il n’y a ensuite plus de place pour aucun filtre : jamais, dans ses discours, un président de la République n’avait osé valider l’effacement de la nation, pour permettre la survie de l’individu dans l’économie mondialisée. En cela, Emmanuel Macron ne fait que passer une nouvelle couche de peinture sur le raisonnement de Jean Monnet pour le rendre plus neuf et comestible à une opinion publique pourtant rétive : “La France est devenue trop petite, elle doit se métamorphoser pour survivre. ”

Grand prêtre du symbole, autofasciné par sa parole et son destin, Emmanuel Macron ne voit le réel qu’à travers le prisme de sa propre expérience, et entretient donc un rapport très biaisé à la réalité. Il décrit le réel comme il le projette, avec toute la force de sa conviction, plutôt qu’il ne tente de le modifier.

Apôtre de la mobilité et de l’adaptation permanente, Emmanuel Macron ne conçoit le temps que sous forme de l’immédiateté, de l’accélération, de l’optimisation, à rebours d’une vision longue de l’histoire, de son glorieux passé ou de son avenir. Ses propos sur Notre-Dame, axés sur une reconstruction modernisée de la flèche et oublieux de la dimension religieuse, étaient assez éclairants.

Prophète du “tout-monde”, Emmanuel Macron a un rapport enfin très compliqué avec la terre. J’inclus ici la notion de racine, de frontière, de peuple ou de nation, ou même de propriété. Emmanuel Macron croit en la métamorphose, veut arracher ce beau pays aux lourdeurs du repli, et il ne sait que faire de ces gens qui s’entêtent à clamer leur amour de leur bout de territoire, parce qu’il imagine le monde de demain, pétri de mobilité et de fraternité face à des défis mondiaux.

Voilà pourquoi, à un vieux peuple qui ne veut pas mourir, le prophète n’a pas beaucoup à offrir si les caisses sont vides. Voilà pourquoi, avec les “gilets jaunes”, il ne pouvait y avoir de dialogue, sauf à remettre en cause la vision hyperindividualisée de la société qui est la sienne. Voilà pourquoi le rejoindre ne m’a jamais traversé l’esprit, lui le social-libéral épanoui dans la mondialisation et moi le gaulliste de droite attaché à la nation.

Élu en 2017 pour amener la France en avant, je crains donc qu’il ne soit autant l’homme de la situation qu’un chercheur en neurologie pour opérer un genou ; et que, si une “révolution” survient, elle ne se fasse contre lui et non pas derrière lui. Il est grand temps de réveiller la nation.

Julien Aubert pour Le Club de Valeurs actuelles.

Emmanuel, le faux prophète, de Julien Aubert, Éditions du Rocher, 220 pages, 15,90 €, à paraître le 11 septembre.

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