Tareq Oubrou : les liens gênants de l’imam
“modéré” avec les Frères musulmans

Publié par le 17 Juin, 2019 dans Blog | 0 commentaire

Tareq Oubrou : les liens gênants de l’imam “modéré” avec les Frères musulmans

La proximité d’Alain Juppé avec l’imam de Bordeaux, Tareq Oubrou, a fait l’objet de nombreuses critiques de la part de son opposition et aussi de nombreux articles dans les médias.

Le Figaro avait évoqué ces relations très proches dans un article intitulé :

« Ali Juppé » et Tareq Oubrou :
un surnom ravageur et un allié encombrant

Dans cet article, le point principal portait sur la construction d’une « Mosquée-cathédrale » à Bordeaux. Il suffit de se rendre sur le site officiel de cette mosquée pour avoir la confirmation des « excellentes relations » entre Alain Juppé et les musulmans de Bordeaux :

De très bonnes relations lient la Fédération Musulmane de la Gironde et la mairie, dirigée par Alain Juppé depuis 1995 (hors période 2004-2006). Le projet de Grande Mosquée s’est vu octroyé un soutien fort de la ville.

C’est avec une immense tristesse et un très grand regret que nous avons appris le départ d’Alain Juppé de l’Hôtel de ville Bordeaux. Au nom de notre Oumma, nous tenons à le remercier pour ses nombreuses et courageuses prises de position politiques en faveurs de la communauté musulmane de Gironde et également pour les liens personnels et privilégiés qu’il entretenait avec l’islam des lumières que nous représentons.

Valeurs actuelles, dans cet article signé Barbara Lefebvre, fait le point sur la personnalité et les relations controversées de l’imam de Bordeaux, Tareq Oubrou :

L’imam de Bordeaux incarne cet islam compatible avec la République que nos élites n’en finissent plus d’attendre. Malheureusement pour eux, la réalité est sans doute plus contrastée, regrette l’essayiste Barbara Lefebvre.

Depuis deux décennies au moins, on observe le bal des politiques et des médias. Tel un danseur à la recherche de sa cavalière, ils tournent en rond cherchant la perle rare : l’imam ou le théologien providentiel qui viendrait réconcilier islam et République. Et voilà qui tombe à pic, Tareq Oubrou publie un Appel à la réconciliation ! Ce bal se joue sur fond d’inculture du côté des pouvoirs publics des acteurs islamistes qu’ils adoubent, et de vieilles rancœurs ressassées depuis les temps coloniaux où la République avait soumis l’islam à un rang subalterne en termes politiques. Mais l’islam eut droit à un traitement de faveur : la loi de 1905 ne fut pas appliquée pour les musulmans dans l’Algérie française. Gambetta justifiait cette exception en disant que « la laïcité n’est pas un modèle d’exportation » ! Dans certains quartiers de la République, actuellement, on a le sentiment que beaucoup d’élus et d’associatifs pensent comme Gambetta, sauf qu’on n’est plus en 1880 et que ces quartiers ne sont pas l’Algérie coloniale.

Imam, théologien et métaphysicien sans aucune formation

Barbara Lefebvre

Depuis quelques années, un personnage cherche à émerger du capharnaüm de l’islam en France. Chevalier de la légion d’honneur depuis 2013, reçue des mains de son ami Alain Juppé, Tareq Oubrou se présente comme imam et se prétend théologien, voire métaphysicien, en toute modestie. En l’absence de hiérarchie, est désigné imam tout guide de communauté choisi par les fidèles, voire autoproclamé ; d’où ce serpent de mer que représente depuis vingt ans la volonté républicaine de « former des imams français » sur le modèle du rabbinat napoléonien, du pasteur protestant ou du clergé catholique héritier de l’Eglise de Rome ! Le gouvernement Valls préféra donc déléguer cette tâche au… Maroc, chargé de former les « imams français » ; cherchez l’erreur ! Quant à la qualité de théologien de Tareq Oubrou, on peut l’interroger dans la mesure où il ne dispose d’aucun diplôme en rapport avec la « science religieuse ». Le site officiel du médiatique imam permet de mesurer l’ambition du personnage. Il faut y lire notamment sa courte autobiographie, où il raconte humblement « sa conversion » à 18 ans lors d’une « fulgurance mystique » durant la prière al-maghrib ; on hésite entre Paul Claudel sans la statue de la Vierge du Pilier et Jeanne d’Arc sans le troupeau… « Sacrifiant » (sic) ses études scientifiques – ce qui explique son absence de diplôme aussi dans le domaine profane – il se « consacre » à Dieu dans la voie de « l’autodidaxie » (re-sic). Tareq Oubrou tente ainsi de faire accroire qu’il est son propre produit mystico-théologique, butinant de ci de là dans l’imposante littérature islamique pour devenir cet esprit éclairé plein de modération…

A l’occasion de son dernier ouvrage déployant des concepts assez fumeux, Tareq Oubrou dispose d’une exposition médiatique importante. Ainsi la « théologie inclusive », dernier avatar de sa « théologie préventive », mérite une interview sur mesure et à sa gloire dans Le Point, pour qui il avait réalisé en 2016 des fiches pratiques pour expliquer l’islam aux lecteurs ignares. Fini le frère Oubrou, il a quitté officiellement l’UOIF en 2018 après trente ans d’un activisme militant qu’il reconnait lui-même « intense ». L’UOIF est la boutique française des Frères Musulmans. Mais dans la presse en ligne communautaire, Tareq Oubrou rassure : « Il ne s’agit pas d’une rupture. » Et pour cause, la Fédération Musulmane de Gironde dont il est un pilier est une filiale de l’UOIF.

Quelle idéologie sert Tareq Oubrou, qui se rêve en futur Grand imam adoubé par Emmanuel Macron qui se rêve, lui, en Napoléon de « l’islam de France » ?

Quelle idéologie sert Tareq Oubrou, qui se rêve en futur Grand imam adoubé par Emmanuel Macron qui se rêve, lui, en Napoléon de « l’islam de France » ? Dans une conférence consultable sur Youtube enregistrée dans les années 1990, il présente « les bases de la compréhension de l’islam chez l’imam al-Banna » à savoir le fondateur égyptien de la Confrérie des Frères musulmans en 1928, grand-père du prédicateur Tariq Ramadan, ancienne coqueluche des médias qui partagea maintes fois la tribune avec « frère Oubrou », comme ils se dénomment entre gens de bonne compagnie. Dans cette conférence, Tareq Oubrou déclare que « l’islam est un espoir pour l’humanité, à condition que soit restauré le califat ». Il s’y livre à une apologie d’al-Banna dont il a dit encore sur RMC il y a quelques jours que c’était « un penseur important de l’islam ». On attend son explication de texte sur Industrie de la mort (1938) ou l’Art de la mort (1946), dans lesquels al-Banna explicite sa compréhension du djihad. Tareq Oubrou aura du mal à nous vendre le concept de « djihad intérieur » ou combat spirituel de l’intériorité. Oubrou célèbre al-Banna comme le plus grand « rénovateur » de l’islam pour avoir construit « un mouvement rassemblant tous les madhhab » (écoles juridiques islamiques. Et pour cause : le modèle fréro-salafiste d’al-Banna n’est rien d’autre qu’un totalitarisme islamique construit en partie sur le modèle fasciste à la mode au Proche Orient dans les années 1920-1930 ! Dans cette même conférence, frère Oubrou insiste sur le sens formel des formules coraniques, qui n’ont rien de métaphorique.

Aujourd’hui il dit évidemment toute autre chose : les appels à la violence dans le Coran – ou plus fréquemment les Hadiths – sont devenus pour notre « imam de la République » des images qui doivent être interprétées selon le contexte et surtout pas pris littéralement… On passera sur la présentation que frère Oubrou fait des juifs et des chrétiens dans les années 1990, la vidéo est consultable, elle dure plus de deux heures. On retiendra simplement que pour lui, si Atatürk a aboli le califat, c’est parce qu’il était « un juif déguisé en musulman ». Sans doute Tareq Oubrou nous expliquera qu’il a évolué. A lui on pardonne ce qu’on ne pardonnerait à aucun intégriste catholique, juif ou protestant.

« L’islam est un espoir pour l’humanité,
à condition que soit restauré le califat. »

Alain Juppé remet la légion d’honneur à Tareq Oubrou, imam de Bordeaux

Autre source venimeuse d’inspiration de Tareq Oubrou, le prédicateur frère musulman égyptien al-Qaradawi, qui diffuse sa haine islamiste via son émission al charia wal-hawat sur al-Jazeera, diffusée depuis le Qatar où il réside. Oubrou a fait sienne son idée d’une « charia de minorité », sorte d’islam de dissimulation qui doit s’adapter au contexte pour survivre. A cette fin, il faut que le musulman soit le moins visible possible, d’où son récent combat contre les accoutrements islamistes ostentatoires (hijab, jilbab, qamis, simili barbe du Prophète, revendication sur le halal, etc.). Oubrou vante une sorte de smic musulman : « Faire les 5 prières par jour » peut suffire. Il répète depuis des mois que le voile islamique n’est pas une obligation, quand, en 2003, il écrivait dans un livre d’entretien avec la féministe Leila Babès : « Le Khimâr et le Jilbâb sont des prescriptions vestimentaires divines qui ne sont abrogées par aucun texte. Objectivement, s’il y avait le moindre soupçon sur cette norme, je serais le premier à prôner sa levée. » Que s’est-il passé entre ces deux arguments contradictoires ? Il y a beaucoup à dire sur le « et en même temps » de Tareq Oubrou. Les sources ne manquent pas tant le personnage est prolixe depuis le milieu des années 1990 dans la frérosphère. Le plus intéressant étant évidemment les conférences données devant un public musulman, sont souvent filmées et visibles sur Youtube. En France, les actions de l’UOIF tout au long de ces décennies en disent long sur la formation « spirituelle » et le sens de « l’activisme » du frère Oubrou.

La méconnaissance de nos dirigeants, nos intellectuels de salon, nos journalistes sur l’histoire et l’idéologie des Frères musulmans explique le succès de l’enracinement de la confrérie en France.

Les Frères savent ce que signifie l’adversité politique : après la guerre – où leur antisémitisme viscéral et leurs ambitions politiques firent d’eux les alliés des nazis – ils ont été considérés comme des opposants sérieux par les dictatures nationalistes arabes des décennies de la guerre froide. Ils ont su déployer des puissantes ressources de combat politique clandestin, dont nos élites n’ont aucune idée. A partir des années 1990, partout dans le monde musulman et en Occident, ils sont sortis du bois pour incarner une alternative islamique. Les démocraties occidentales, avec leur liberté d’expression et d’association, ont été l’écosystème idéal de croissance des Frères musulmans. S’ils n’avaient plus à agir chez nous dans la clandestinité, ils ont gardé cette culture du secret qui leur permet de durer.

Si les années Sarkozy ont permis à l’UOIF de capitaliser son emprise sur les musulmans de France et à ses notables de s’embourgeoiser, les attentats de 2015 ont poussé les Frères français à la mettre sérieusement en sourdine. Mais cette organisation n’a en rien modifié son socle doctrinal qui est celui de l’islam frériste et salafiste. Les Frères ont simplement fait le gros dos, adoptant la méthode d’al-Banna et « la théorie des phases » : le projet de l’islam politique des Frères ne peut s’interrompre car il répond à une succession cyclique « naissance, apogée, déclin », il renait sans cesse en trouvant une nouvelle voie après une période dite de latence. En France, les années 2015-2017 ont constitué cette période de latence. L’UOIF, en changeant de nom à la veille de la dernière présidentielle pour devenir « Musulmans de France », s’est lancé dans la reconquête en adoptant un discours plus mesuré notamment sur l’ostentation religieuse, dont ils ont compris qu’elle incommode les Français. Mais le fond idéologique est resté celui d’al-Banna en 1928 ! En projetant dans la lumière des personnages se présentant comme modérés, malgré des parcours fréristes sans ambigüité, tels Tareq Oubrou, Abdelhaq Nabaoui (que Christophe Castaner vient d’adouber lors d’un dîner de l’iftar à Strasbourg), Mohamed Bajrafil, l’UOIF-MF, soit les Frères Musulmans très bien implantés en Europe, continuent leur conquête politique. Les trois personnages cités plus haut sont membres de l’association créée sous l’impulsion d’Hakim el-Karoui, l’ami du président Macron qui est en train d’organiser « l’islam de France » (AMIF, Association Musulmane pour l’Islam de France). C’est donc bien encore la responsabilité de nos dirigeants qui est en question, eux qui cherchent à tous prix des interlocuteurs en acceptant de s’aveugler autant sur leur idéologie que sur leur stratégie.

Barbara Lefebvre pour Valeurs actuelles.

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